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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Petites et moyennes entreprises

Par / 13 juin 2005

par Michelle Demessine

Monsieur le ministre,
Monsieur le président,
Mes chers collègues,

Le 29 mai dernier nos concitoyens ont exprimé un NON ferme et majoritaire à une Europe ultralibérale et anti sociale. Le cri du peuple doit être entendu et respecté.
Après les manifestations de l’été 2003 et du 10 mars dernier, après le double camouflet électoral du printemps 2004, avec un président de la république au plus bas dans les sondages ( 24 %), votre légitimité politique est largement remise en cause.
Les français ont désavoués vos politiques européennes et nationales, politiques d’injustices et d’inégalités sociales. Ils vous demandent de rompre avec ces politiques et de mettre la richesse produite au service de la création d’emploi, de l’investissement de la formation, de la recherche.

Mais, face à l’expression démocratique vous répondez ordonnances et procédure d’urgence. Face à la colère populaire vous encourager le sous-emploi, vous exonérez les entreprises de leurs responsabilité salariales. Comment osez-vous affichez un plan de bataille pour l’emploi alors que vous accélérez les privatisations et détruisez ainsi un bon nombre d’emplois !

Le projet de loi Petites et Moyennes Entreprises, premier texte présenté par votre gouvernement, est un véritable déni du message des français ! Les mesures proposées encouragent les acteurs économiques les plus forts et écrasent les plus vulnérables que ce soit les petites entreprises ou les salariés.

Les français en ont assez de voir les profits s’envoler alors que leurs salaires stagnent et que la misère augmente.
Ils veulent des emplois, une revalorisation des salaires, des minima sociaux. Ils vous demandent de leur rendre leurs droits et leurs libertés.
La France doit prendre un certain nombre de mesures vitales pour la relance de notre économie.
Cette relance passe par le contrôle et la régulation des puissances d’argent, de la spéculation stérile. Elle nécessite un encouragement financier des investissements effectués pour l’emploi, le développement, la recherche. Elle suppose d’introduire une justice fiscale, et d’abaisser les prélèvements indirects pour aider les ménages les plus modestes. Elle implique de revenir sur la casse du service public et des emplois publics.
Votre texte pour les PME ne propose, en réalité, aucune mesure efficace susceptible de relancer l’emploi et l’économie. Au contraire, vous poursuivez votre politique d’inégalité sociale et de casse du droit du travail. Vous abandonnez les entreprises aux dangers de la dérégulation et de la concurrence sauvage et vous faîtes des travailleurs les esclaves temps modernes.
Par vos effets d’annonce, vous semez des illusions dont le revers sera lourd de conséquence pour notre démocratie.

Ce texte PME n’est pas à la hauteur des attentes et de l’enjeu économique et sociale que représente ce secteur qui emploi près de 60% de la population active et qui représente plus de la moitié de la valeur ajoutée de l’ensemble des secteur de l’industrie, du commerce et des service.
A cet égard, je souhaite aborder quatre thèmes dans la présentation du fond :
- tout d’abord, l’insuffisance de vos mesures visant la création et la pérennité des entreprises,
- ensuite le volet formation et les lacunes qu’il présente
- puis le titre honteux relatif à la grande distribution au détriment des PME
- Enfin, l’aspect fondamental droit du travail, largement anéanti par vos propositions.
En ce qui concerne le premier volet, nous savons que le tissu très riche des PME, particulièrement des TPE, est un atout pour notre économie. Or, ce secteur des PME est touché de plein fouet par les conséquences de la dérégulation et par la concurrence sauvage des grands groupes de la distribution. Comment les PME et les TPE ainsi que leurs salariés, d’ailleurs quasi absents du projet, peuvent survivre dans un système où la valeur du capital a remplacé la valeur du travail et dans lequel les délocalisations se multiplient.

Vous semblez vouloir lier la création d’entreprises à la création d’emplois.
Tout d’abord, la récente loi pour l’initiative économique n’a pas permis une progression sensible du nombre de création d’entreprise. En effet, en 2004, les créations d’entreprise ont tout simplement retrouvé leur moyenne historique.
De plus il serait illusoire de croire que la multiplication seule des créations d’entreprises permettrait de réduire le chômage. En fait, les années 2003 et 2004 ont enregistré des destructions nettes d’emplois. Ensuite, il faut que les nouvelles entreprises puissent se pérenniser. Or, les statistiques nous apprennent que trois ans après avoir créé ou repris une activité, près de quatre PME et TPE sur dix ferment leurs portes .

Nous ne pouvons pas accepter un discours démagogique qui ne trompe pas les français. Un discours qui voudrait faire croire que les entreprises, notamment les TPE, n’embaucheraient pas en raison du manque de flexibilité du droit du travail. Or, nous le savons les chefs d’entreprise embauchent parce qu’ils en ont besoin, que la croissance est là. Or, pour le premier trimestre 2005 notre taux de croissance est seulement de 0,2%. La France a fait moins bien que la zone euro dont la progression du PIB est à 0,5 %. Ce mauvais résultat annonce un taux de seulement 1,5 % pour cette année. Avec une croissance aussi basse et une activité économique aussi atone, toutes les simplifications du monde resteront lettre morte.
Alors, comment croire, malgré tout le battage médiatique à l’occasion du discours de politique générale du gouvernement, que ce projet de loi soit capable de répondre aux difficultés des PME et tout particulièrement des TPE.
En effet, le projet de loi PME ne prévoit aucune mesure forte visant à encourager l’activité économique. Les entreprises ont besoins de moyens financiers pour se lancer et se conforter. Une des difficultés de ces entreprises réside dans le poids des charges financières qu’elles supportent et dans l’incapacité des banques à répondre efficacement à leur besoin de financement. Rappelons que la moyenne des taux d’intérêts exigés par les banques aux plus petites entreprises est de 6 à 8 %, alors que, les grands groupes, eux, bénéficient de taux d’intérêts de 2 % pour mener à bien leurs opérations financières.

Alors qu’il faudrait agir pour changer le comportement des banques, des grands groupes, rien n’est fait, ou si peu. Les mesures envisagées, alléchantes pour les familles les plus aisées, sont de la poudre aux yeux. En effet, le projet se contente de faciliter les donations familiales les plus importantes et d’encourager les exonération fiscales pour les acteurs économiques les plus forts.

J’en viens maintenant au deuxième volet de mon intervention : la formation.
Pourtant essentielle dans la pérennité des entreprises, la formation ne fait l’objet d’aucune politique sérieuse.
Un investissement massif dans la formation est indispensable pour répondre aux défis actuels. Cela suppose la mise en œuvre d’une politique volontariste de la formation accompagnée d’une revalorisation des métiers de l’artisanat auprès des jeunes.

Au contraire, vous affichez aujourd’hui une politique visant à encourager la formation dans la transmission des entreprises sans vous en donner les moyens.
Ainsi, les dépenses nécessaires à la formation dans le cadre de création reprise d’entreprises sont imputées sur les fonds d’assurance formation des travailleurs ; alors même que votre gouvernement en 2003avait réduit le taux de cotisation à ce fondz (FAF), passant de 0,29 % à 0,24 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

C’est encore une fois, la pratique des vases communicants, on donne aux uns pour retirer aux autres.
Ces dispositions remettent en cause le principe même du droit à la formation professionnelle et risquent de réduire les possibilités de formation des chefs d’entreprises.

Pour conclure sur ce volet nous ne pouvons que regretter que la volonté affichée de proposer une législation en faveur des PME ne se traduise pas en pratique. Aider les PME c’est avant tout proposer un programme de relance économique, favoriser une hausse de la croissance.

Aidez les PME ce n’est pas légaliser les pratiques commerciales honteuses de la grande distribution, encore moins casser notre droit du travail. C’est pourtant la voie que vous avez choisie en proposant un projet de loi véritable fourre-tout, sans réelle cohérence, ne se départissant pas de la logique ultra libérale en cours, pourtant massivement rejetée par la majorité de notre peuple le 29 mai dernier.

En ce qui concerne la grande distribution troisième volet de mon exposé. Le titre VI est une mascarade visant à légaliser des pratiques plus que critiquables de la grande distribution.
Or, les grands groupes industriels, la grande distribution mènent une véritable guerre pour imposer aux PME des baisses de prix massives de plus en plus intenables.
La réforme annoncée de la loi Galland ne protège en rien les petites entreprises producteurs ou fournisseurs.

Les accords de gamme sont soit-disant encadrés alors qu’il aurait fallu les interdire. La pratique des marges arrières est désormais tolérée sans être véritablement plafonnée. Ces dernières ont atteint des niveaux inadmissibles traduisant bien plus un rapport de force en faveur de la grande distribution que de réels services de coopération commerciale. Les dispositions du projet resteront impuissantes dans la lutte contre les effets pervers de cette pratique.
Certes, vous améliorer le dispositif juridictionnel mais on sait combien il est rare qu’un fournisseur ose s’attaquer à ces grands groupes. Car, nous le savons les représailles peuvent leur porter un coup fatal.

Pire encore le seuil de revente à perte est assoupli, laissant la possibilité, et seulement la possibilité, à la grande distribution de baisser les prix.
En vérité, la baisse des prix est un effet d’annonce. M. Sarkosy, ministre de l’économie et des finances, en son temps n’a pas su tenir ses promesses à ce sujet. De plus, croyez-vous sincèrement que les actionnaires de ces grands groupes vont renoncer à une partie de leurs gains au profit du consommateur ?

Accepter la revente à perte c’est permettre la pratique de prix abusivement bas qui seront obligatoirement répercutés sur les prix d’achat aux producteurs et fournisseurs.
Or, on ne peut pas accepter que les prix soient décidés par les grands groupes ! On ne peut pas accepter que la valeur du travail soit déconnectée de la valeur des biens produits !
Cette situation conduit inéluctablement à l’asphyxie des PME et à leur disparition.

Encore une fois vous déplacez insidieusement le problème.
La baisse des prix n’a jamais été une révolution sociale, et elle ne bénéficie jamais sur le long terme aux milieux les plus modestes. Les prix des biens d’équipement de haute technologie enregistrent des baisses importantes, tout en restant chers. Ainsi les ménages les plus aisés en bénéficient. Au contraire, les prix des produits de première nécessité augmentent et pénalisent les catégories les plus modestes.

Seule l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés permettra de relancer la consommation et l’économie.
Or, depuis 2002, le pouvoir d’achat du salaire mensuel par tête a quasi stagné ( + 0,4% par an en moyenne). De plus en plus de salariés n’arrivent plus à vivre de leur travail !
Comme le dénoncent les organisations humanitaires, à l’heure où tous les indicateurs montrent que la pauvreté s’accroît, les revenus financiers du capital ne cessent de croître.
Les salaires faramineux des PDG accompagnent les hausses exponentielles des profits. Comme en témoignent les indemnités du PDG de Carrefour, représentant l’équivalent de 2 815 années de SMIC !
L’augmentation des salaires permettrait un autre partage des richesses produites au profit de la consommation, de l’emploi et de sa revalorisation. Le prix du travail doit être le moteur de l’économie.

Enfin, et ce sera le dernier volet mais pas le moindre de cet exposé : votre politique dévastatrice continue le démantèlement du code du travail. Jusqu’à éradiquer les dernières protections des salariés contre l’arbitraire patronal.

Votre action est anti-démocratique et anti-sociale. Vous n’avez en rien pris la mesure des exigences sociales exprimées dans les mobilisations et les urnes au cours de ces derniers mois. Vous passez outre le dialogue social, outre la négociation avec les syndicats, et outre le débat parlementaire en décidant de modifier la politique sociale par ordonnance. Mais, croyez le, Monsieur le ministre, les 7 millions de français privés d’emploi ou dans des situations précaires, les millions de travailleurs sous-payés et tous ceux qui angoissent pour l’avenir et l’insertion des jeunes ne tolèrent plus vos pratiques.
Votre gouvernement aggrave encore la politique ultra libérale en répondant au chômage par une ultra précarisation des salariés.
Vos arguments pour lancer un chèque emploi entreprise, remplaçant un titre emploi mort né, sont inacceptables. En vérité, le chèque emploi entreprise comme le chèque emploi pour les services, annoncé par M. Borloo, généralisent l’insécurité dans le travail. Comment les travailleurs pourront défendre leurs droits sans feuille de paie en bonne et due forme, sans contrat de travail ? C’est la porte ouverte à toutes les dérives, à la précarisation accrue, c’est permettre aux employeurs de s’affranchir des conventions collectives.

Ensuite, le contrat nouvel embauche au service des patrons signe l’arrêt de mort du contrat à durée indéterminée. Avec deux ans de période d’essai, un licenciement sans préavis ni indemnité le CDI est vidé entièrement des garanties qu’il offre aux salariés ! En effet, mais peut-être faut-il vous le rappeler, le salarié en période d’essai est démuni de la quasi-totalité de ses droits notamment en matière d’indemnité ! Le contrat nouvelle embauche n’est qu’un CDD au rabais, sans prime de précarité. Vous troquez le droit à un travail contre le droit au chômage. Votre gouvernement crée un véritable droit de licencier librement.
Votre plan pour l’emploi est donc un plan pour le chômage ! Plan, de plus, financé par l’ouverture du capital de GDF dès le 23 juin, par la relance de la privatisation des autoroutes ou encore la cession d’au moins 6 % du capital de France télécom !!Quel gâchis !

Votre politique ultra libérale d’allègement des charges sociales des entreprises, de casse du code du travail, de précarisation des emplois, d’exploitation des travailleurs les plus faibles n’est pas la réponse attendue par les français elle en est, même, le contraire !
Pour conclure nous venons de voir que le projet de loi PME, pas plus que la politique générale annoncée par le gouvernement ne répondent aux attentes des nos concitoyens.

Pourtant une autre logique existe, comme nous l’avons rappelé maintes fois dans cette enceinte à l’occasion des débats sur les retraites et la sécurité sociale. Elle pourrait s’articuler autour d’une vision associant résolument l’efficacité sociale et l’efficacité économique.
Ainsi, une action résolue et efficace en faveur des PME et des TPE, doit passer par la sécurisation des parcours professionnels. A ce titre nous proposons la mise en place graduelle d’un système de sécurité d’emploi ou de formation.
Dans ce cadre, l’accès des PME-TPE à un financement privilégié est essentiel.

De plus, nous demandons une réforme de progrès social de la Taxe professionnelle avec la mise à contribution des actifs financiers des entreprises et des banques ainsi qu’une modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction des créations d’emplois.
Enfin, il paraît nécessaire de réviser le calcul des cotisations sociales patronales pour encourager l’emploi et pénaliser les placements financiers.

Les amendements déposés par le groupe communiste républicain et citoyen vont dans le sens de ces propositions. En effet nous prévoyons des mesures pour faciliter l’accès au financement des entreprises. Nous demandons la mise en place d’une véritable politique de la formation.
Par ailleurs, nous nous opposons fermement aux pratiques de la grande distribution en proposant des amendements visant l’interdiction de tous les abus rendus aujourd’hui possibles. Enfin, nous demandons le retrait des dispositions entérinant le démantèlement du code du travail et nous proposons des mesures visant à aboutir à une lutte efficace et effective contre le travail illégal.

En l’état actuel, et en raison du recours aux ordonnances, nous opposons un non catégorique à ce projet. Car, nous pensons que le gouvernement doit entendre les messages des urnes du 29 mai. Par conséquent, vous devez changer largement d’orientation pour que le texte puisse répondre aux préoccupations des français concernant le déficit démocratique de nos institutions, la précarité sociale et les moyens de la relance économique.

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