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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un progrès incontestable pour nos compatriotes de Polynésie

Conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française -

Par / 18 janvier 2012

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Richard Tuheiava vise à répondre à une aspiration légitime de la population polynésienne.

En effet, la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français avait presque totalement ignoré les conséquences négatives qu’ont pu avoir sur les environnements saharien et polynésien les expérimentations atmosphériques et souterraines pratiquées par notre pays pendant plusieurs décennies.

Afin de répondre à une légitime préoccupation des populations des archipels de la Polynésie française, qui souhaitent retrouver la pleine et entière possession de leur territoire, ce texte vise à organiser la rétrocession des atolls de Moruroa et de Fangataufa au domaine public terrestre de cette collectivité territoriale d’outre-mer.

Dans son exposé des motifs, notre collègue présente avec clarté la forte dimension identitaire de sa proposition de loi : « Si la réinstallation permanente d’une population semble improbable, la rétrocession des atolls de Moruroa et de Fangataufa est pourtant d’une importance capitale pour la population polynésienne, notamment au plan de la réappropriation culturelle et traditionnelle des sites, propice à une résilience au plan social. »

Sur la question des essais nucléaires, il existe chez la plupart des Polynésiens un profond ressentiment envers la métropole. Ils estiment avoir été mis à l’écart, voire méprisés puisque à cette époque la décision de poursuivre nos expérimentations ailleurs qu’au Sahara a été prise sans concertation avec les populations du territoire concerné.

Toutefois, en 1964, une délibération de l’assemblée territoriale de la Polynésie française avait prévu, dans une clause spéciale, le retour gratuit de ces atolls au domaine public terrestre du territoire lorsque le centre d’expérimentation du Pacifique aurait cessé ses activités.

Quinze ans après l’arrêt définitif de nos essais nucléaires, il est grand temps d’appliquer cette disposition, qui est également conforme aux nouvelles compétences dévolues à la Polynésie française, dotée de l’autonomie, et de fixer enfin par la loi les meilleures conditions pour réaliser la rétrocession.

Notre collègue, instruit de la complexité et de l’opacité qui entoure dans notre pays tout ce qui touche à la dissuasion nucléaire, ainsi que des réticences des gouvernements successifs à admettre les conséquences négatives des essais – et cela continue ! –, a parfaitement raison de vouloir obtenir un certain nombre de garanties.

Il veut qu’on légifère, même si c’est avec prudence. Pour défendre les intérêts des Polynésiens, il est tout à fait souhaitable d’encadrer avec précision cette rétrocession. Les amendements adoptés par la commission vont également dans ce sens.

Ainsi, concernant le dispositif de surveillance radiologique et géomécanique des deux atolls, il était nécessaire de préciser les modalités de la coopération entre l’État et cette collectivité d’outre-mer.

À cet égard, les rapports de suivi radiologique et géomécanique établis par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives sont, semble-t-il, aux yeux de certains experts indépendants, incomplets et trop rassurants, en particulier sur les risques qui pèsent sur la stabilité de la couronne corallienne des deux atolls.

Dans un souci d’information et de plus grande transparence, le texte adopté par la commission prévoit de confier à l’avenir les études sur la réalité des situations radiologique et géomécanique à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, organisme dont l’impartialité ne saurait être mise en doute.

Une clarification s’imposait également quant à la répartition des compétences entre l’État et la Polynésie : il était nécessaire d’intégrer les risques relatifs à la situation radiologique et géomécanique des atolls dans les procédures nationales destinées à faire face aux risques majeurs et aux catastrophes.

Enfin, le texte de la commission complète la composition de la commission de suivi qu’il est proposé d’instituer et définit plus précisément son champ de compétence puisqu’il l’étend aux conséquences environnementales des essais.

Toutes ces dispositions sont utiles en ce qu’elles définissent un volet ignoré par la loi Morin. Cette dernière porte en effet uniquement sur la reconnaissance morale et sur l’indemnisation matérielle des victimes des essais nucléaires. Malgré les annonces faites par le ministre de la défense de l’époque, les conséquences environnementales et leur réparation n’avaient pas été intégrées dans la loi, alors que nous avions particulièrement insisté sur ce point lors de l’examen du texte.

Je souhaite donc que le Sénat adopte cette proposition de loi. Même si elle ne concerne que les populations polynésiennes et ne traite des effets des essais nucléaires que sous le seul aspect environnemental, elle pourra néanmoins permettre de réparer certains dégâts. Ce serait incontestablement un progrès pour nos compatriotes de Polynésie.

Plus généralement, cette proposition de loi ne saurait faire oublier aux Polynésiens que, comme loi Morin ne suffit pas à créer pour eux, pas plus que pour les militaires et les travailleurs civils de métropole qui se sont trouvés sur les sites, un véritable droit à indemnisation matérielle individuelle.

Cette carence est d’ailleurs apparue concrètement et brutalement lorsque sur les 632 dossiers examinés par le CIVEN, seuls deux ont reçu un avis favorable. Mais j’ai noté que M. le ministre avait, lui, évoqué dix-huit dossiers acceptés. (M. le ministre, fait un signe de dénégation.)

Le groupe CRC s’était prononcé contre l’adoption de la loi Morin parce que le ministre de l’époque refusait d’ouvrir un véritable droit à indemnisation en repoussant la création d’un fonds spécifique et autonome au sein duquel auraient siégé les associations représentatives, comme cela se pratique pour l’amiante ou pour certaines maladies professionnelles.

La logique de ce qui devait aboutir à une indemnisation au rabais s’est encore plus crûment manifestée lors de la parution du décret d’application sur le fonctionnement du CIVEN. En effet, dans la méthode de calcul décidée par le comité, la réintroduction de la dosimétrie comme critère déterminant de l’indemnisation, alors même que celle-ci avait été écartée lors des débats parlementaires, a trahi l’esprit de la loi, qui avait établi une présomption de causalité excluant la notion de seuil.

À cela, s’est ajoutée une délimitation contestable des périmètres irradiés et une liste restrictive des maladies radio-induites.

Cette indemnisation a minima est révélatrice de la pingrerie de l’État et de la vision d’un lobby militaro-nucléaire qui prétend que nos essais nucléaires ne pouvaient qu’être « propres ».

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Michelle Demessine. Il ne s’agit pas aujourd’hui de récrire la loi Morin. Le cadre même de la proposition de loi de notre collègue Richard Tuheiava et le temps limité de la discussion ne s’y prêtent pas. Cependant, il faudra bien revenir sur l’épineuse et douloureuse question d’une indemnisation qui ne fonctionne pas, ainsi que les études le montrent.

Le groupe CRC a suggéré la création d’une mission d’information pour étudier les raisons de l’inefficacité de la loi Morin. Elle permettra peut-être de s’apercevoir que des améliorations pourraient être trouvées en modifiant simplement les décrets d’application.

En attendant, le groupe CRC votera cette proposition de loi, qu’il considère comme une première étape positive.

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