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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Développement et modernisation des services touristiques

Par / 7 avril 2009

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous entamons l’examen aujourd’hui comporte, à nos yeux, et ce malgré son intitulé, bien peu d’éléments tendant à favoriser le développement économique « par » et « pour » le tourisme.

Le tourisme, dans notre pays, a certes un poids très important sur le plan de l’activité économique - même si les chiffres sont en baisse, la France reste la première destination touristique au monde, avec près de 82 millions de visiteurs étrangers en 2007 ! - mais, pour autant, nous ne devons oublier ni son rôle crucial pour l’équilibre et l’aménagement du territoire, ni sa dimension sociale, avec l’accès de tous aux vacances. Et comment ne pas souligner aussi sa contribution à l’échange et à la connaissance des cultures ?

Le texte déposé le mois dernier sur le bureau de notre assemblée rassemble des dispositions qui concernent une partie seulement des acteurs économiques de ce secteur, et comporte bien peu d’éléments relatifs aux préoccupations immédiates de nos concitoyens, alors même qu’un récent sondage, cité par Mme le rapporteur, montre qu’une personne sur deux ne partira sans doute pas en vacances cet été. Et je ne parle pas des salariés du tourisme, auxquels aucune disposition du texte ne s’adresse...

À l’instar de notre rapporteur, Mme Bariza Khiari, nous conviendrons que ce projet de loi est « un peu court pour traiter de l’un des premiers secteurs économiques français ». Cette juxtaposition de dispositions ciblées est une nouvelle fois l’occasion pour le Gouvernement, selon une stratégie désormais éprouvée, de poursuivre son entreprise de dérégulation et de dévoiement de l’intérêt général.

Ce projet de loi est tout sauf « un texte socialement juste et économiquement efficace ».

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Ah bon ?

Mme Odette Terrade. C’est même tout l’inverse ! Nous nous attacherons à vous en faire la démonstration, mes chers collègues, à travers deux dispositions particulièrement discutables : en premier lieu, la réforme du statut des agences de voyage, au titre Ier, qui ouvre la porte à une libéralisation effrénée de cette activité mais prévoit peu de garanties pour les consommateurs, et absolument aucune pour les salariés ; en second lieu, la création, à l’article 6, de la nouvelle Agence de développement touristique de la France, dans la droite ligne de la logique destructrice de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Dans un troisième temps, nous examinerons les dispositions, réduites à la portion congrue, relatives au secteur du tourisme social, et les nouvelles tentatives de fragilisation de l’Agence nationale pour les chèques-vacances, l’ANCV, acteur de premier plan du droit aux vacances pour tous.

Le titre Ier entérine, pour les agences et tous les autres opérateurs de voyages, la transposition en droit français de la fameuse directive relative aux services dans le marché intérieur », dite directive Bolkestein, que nous avons toujours dénoncée.

Cette transposition est surtout inquiétante pour les salariés du secteur qui, à cause de cette directive et du règlement sur le droit des sociétés européennes, se verront opposer le droit du pays d’origine, c’est-à-dire le « moins-disant social », alors même que les conditions de travail et de formation sont à améliorer, dans notre pays, dans l’hôtellerie, la restauration, ou pour les travailleurs saisonniers, qui contribuent largement au succès des « vacances en France ».

Pour conserver sa place dans le classement mondial des destinations touristiques dans une période où, de toute évidence, les effets de la crise économique et financière se font déjà sentir en matière de tourisme d’affaires et de loisirs, notre pays n’a-t-il pas besoin de davantage de politiques publiques dans le secteur du tourisme, des politiques qui ont favorisé, depuis plus de trente ans, sa renommée et son dynamisme ?

Le tourisme, malgré une diminution régulière de ses résultats au cours des dix dernières années, contribue à hauteur de 6,2 % à la création de la richesse nationale, et pour 12,8 milliards d’euros à l’excédent de la balance des paiements, dont il reste le premier poste. Ce succès, qui ne s’explique pas uniquement par la richesse et la diversité de nos territoires, est le fruit de politiques publiques ambitieuses, qui ont porté leurs fruits et conduit au développement d’infrastructures et de services adaptés à différentes formes de consommation touristique, qu’elles soient nationales ou internationales, liées à des contraintes professionnelles ou aux loisirs.

Ces politiques publiques ont porté leurs fruits ; elles sont pourtant, comme dans d’autres secteurs de la vie de notre pays, directement remises en cause par de trop nombreuses dispositions de ce projet de loi.

En effet, sous le prétexte d’une modernisation des services touristiques, le texte soumis à notre assemblée opère un choix radical : celui de la création, à l’article 6, d’un nouvel organisme de promotion du tourisme, que vous avez vous-même présenté, monsieur le secrétaire d’État, comme « la colonne vertébrale du projet de loi ». Cet organisme se verrait confier des missions qui doivent demeurer, de notre point de vue, des missions de l’État !

La création de l’Agence de développement touristique de la France, qui deviendrait l’opérateur unique de la politique touristique nationale, est la conséquence, pour ce secteur clé de notre économie, de la logique destructrice de la RGPP, véritable « marque de fabrique » de votre gouvernement. Plutôt que par « révision » et au lieu de réforme, le « R » de la RGPP pourrait se traduire par « réduction » !

Comme le rappelait notre collègue Michelle Demessine lors de l’examen de la loi portant diverses dispositions relatives au tourisme, en octobre 2005, « le secteur du tourisme a besoin d’un ministère et d’outils qui soient en mesure à la fois de promouvoir ce secteur d’activité primordiale pour notre pays et d’accompagner les acteurs du tourisme ».

La mise en place de l’Agence de développement touristique de la France signera en quelque sorte « l’arrêt de mort » de la Direction du tourisme et de ses services déconcentrés dans les régions et les départements, puisque sont confiées à cette agence les missions administratives et régaliennes de l’État, ainsi que celles qui étaient jusqu’à présent dévolues, en complément de la Direction du tourisme, à l’outil de promotion extérieure « Maison de la France » et à l’organisme d’ingénierie ODIT France.

Vous-même reconnaissiez, monsieur le secrétaire d’État, devant notre commission, le 17 mars dernier, que « la disparition de la Direction du tourisme par intégration à la Direction générale de la compétitivité pourrait amoindrir le rôle de l’État en tant qu’interlocuteur des professionnels ». Mais vous nous assuriez immédiatement que « la nouvelle Agence serait puissante ».

Or, depuis le 1er janvier 2009, la Direction du tourisme a déjà « disparu » au sein de la toute nouvelle Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, rattachée au ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Les conclusions de la RGPP sont, là encore, mises en avant pour justifier la création de ce groupement d’intérêt public qui mêle sans vergogne l’intérêt général et des intérêts privés : « La mise en place d’un opérateur unique du tourisme en France permet de bénéficier de gains de synergie ». Cette affirmation péremptoire ne saurait nous satisfaire, ni justifier qu’un secteur qui, en 2007, comptait 230 000 entreprises employant 840 000 salariés, soit entièrement régi par une structure qui, selon les termes même du projet de loi, « concourt à la mise en œuvre des politiques publiques en faveur du tourisme ». Car c’est bien le rôle de l’État qui est à nouveau mis sur la sellette !

La création de l’Agence de développement touristique de la France n’apporte aucun embryon de réponse en matière de dynamique d’aménagement et d’équilibre des territoires, si importante pour de nombreuses régions de notre pays, et dont nombre de nos collègues font état lors de nos débats ou des questions au Gouvernement.

De même, les problématiques environnementales ne seront pas portées par l’Agence, alors qu’elles sont de plus en plus prégnantes pour l’ensemble des acteurs, publics et privés, individuels et collectifs, et que la responsabilité vis-à-vis des générations futures fait l’objet d’un consensus de plus en plus large.

Comme l’occasion était trop belle de ne pas poursuivre dans cette logique de « libéralisation outrancière », la nouvelle Agence aurait comme tâches complémentaires l’élaboration et l’actualisation du tableau de classement hôtelier, ainsi que la tenue du registre d’immatriculation des opérateurs de voyages.

Il est indéniable que les travaux de la commission des affaires économiques, saisie au fond, et notamment ceux de Mme le rapporteur ont considérablement éclairé et enrichi les dispositions de l’article 6. Cependant, la logique générale de l’offre demeure l’axe central de cette nouvelle disposition. Les interrogations et les craintes concernant les moyens humains et matériels qui seront accordés à l’Agence de développement touristique de la France sont trop préoccupantes pour que des réponses précises et circonstanciées ne soient pas apportées dès à présent.

Il est évident, à titre d’exemple, que l’immatriculation et la radiation des opérateurs de voyage est une tâche complexe, qui ne saurait être suffisamment financée par le paiement des frais d’enregistrement. Et lorsque Mme le rapporteur s’interroge sur la pertinence des tâches confiées à l’Agence, nous répondons que c’est à l’État et à ses services de conserver les missions d’intérêt général.

En outre, les dispositions du projet de loi qui concernent directement le tourisme social sont, à nos yeux, largement insuffisantes.

La réforme de la procédure du classement hôtelier, présentée comme l’une des mesures phares du texte, correspond certes aux préoccupations des professionnels. Selon l’INSEE, cependant, sur les 15 000 établissements d’hôtellerie que compte notre pays, l’hébergement en catégories 1 ou 2 étoiles est en recul. On comprendra donc que la réforme concerne principalement les catégories les plus élevées du classement, c’est-à-dire les hôtels destinés à la clientèle fortunée, d’affaires ou étrangère, pour laquelle il serait devenu urgent de créer la catégorie « palaces » !

Quant aux véritables acteurs des « vacances pour tous » - je veux parler des villages de vacances, des maisons de vacances dépendant des collectivités territoriales, des comités d’entreprises ou des organismes sociaux, des lieux qui accueillent personnes âgées et handicapées, familles et jeunes -, il ne leur restera bientôt plus que leurs yeux pour pleurer...

Le programme de consolidation de l’équipement du tourisme social, financé sur le budget de l’État, est en effet stoppé depuis 2005 et les 10 millions d’euros du fonds de concours pour 2007 n’ont pas permis, contrairement à ce que vous annonciez, monsieur le secrétaire d’État, de régler les derniers engagements financiers. Et alors que les concours publics se tarissent, le Gouvernement annonce une étude, un rapport, une « enquête d’évaluation des mutations en cours et des adaptations nécessaires dans le secteur du tourisme social et associatif ».

Ce besoin de financement ne trouve pourtant aucune place dans le projet de loi. L’Agence nationale pour les chèques-vacances, dont vous disiez hier qu’elle devait rester un acteur central des politiques publiques d’aides au départ en vacances et d’aides « à la pierre » pour les établissements et les structures que nous venons d’évoquer, se voit au contraire, au nom du sacro-saint principe de concurrence, fragilisée dans ses missions et mise en rivalité sur le plan commercial avec des opérateurs privés, comme nous le redoutions.

La diffusion du chèque-vacances, sous sa forme initiale, est et doit rester de la responsabilité de l’ANCV, car c’est la seule garantie pour les salariés du maintien du projet d’épargne et d’abondement permettant de construire leur projet de vacances. Cette solution est soutenable, y compris dans les petites entreprises, à condition que des moyens humains supplémentaires soient accordés à l’ANCV pour partir à la conquête de tous les salariés.

Le succès des chèques-vacances est bien réel : en 2008, 8 millions de salariés les ont utilisés. Ils ont généré 4,5 milliards d’euros de dépenses au profit du tourisme.

En refusant l’ouverture à la concurrence, nous entendons réaffirmer que l’ANCV reste le levier et le cœur des politiques publiques en faveur du tourisme social et un acteur important de la cohésion sociale. Et nous serons plus que vigilants sur ce point, qui tient à cœur à nos concitoyens, sans aucun doute plus que la réforme des voitures de grande remise !

Mais ces trois éléments du projet de loi dont nous entamons l’étude et sur lesquels je viens d’insister ne doivent pas devenir « l’arbre qui cache la forêt ». Comme je le notais dès l’introduction de mon propos, et malgré les promesses faites dans le mouvement de baisse de la TVA pour le secteur de la restauration, aucune disposition ne permet d’améliorer les salaires et les conditions de travail des salariés du secteur.

Si nos collègues socialistes y ont remédié par des propositions d’amendement intéressantes, comment ne pas s’insurger de voir réapparaître également sous la forme d’amendements et sous-amendements « extérieurs », la question du travail du dimanche ?

Reprenant les préconisations du député Mallié, nos collègues Maurey, Pozzo di Borgo et Dominati ont jugé bon de tenter, une nouvelle fois, leur chance : dans un article concernant le classement des stations de tourisme, ils ont choisi de pousser l’avantage pour épargner au Parlement un vrai débat sur cette question de société ! Je ne suis pas la seule à considérer le procédé et l’objectif révoltants !

Nombreux sont les collègues de la commission qui ont vu dans cette démarche une véritable provocation et une nouvelle tentative de passage en force. Certes, l’avis du Gouvernement est requis, mais comment ne pas y voir une manœuvre délibérée pour tenter de faire passer par la lucarne ce qui, à plusieurs reprises, a été rejeté par la grande porte !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. C’est excessif !

Mme Odette Terrade. Lors la discussion du projet de loi dit de « modernisation de l’économie », j’ai déjà souligné avec force à quel point les projets de réforme du code du travail visant à généraliser le travail du dimanche étaient dangereux et profondément injustes socialement : la question du volontariat est biaisée compte tenu de l’inégalité des rapports de production. Quant à la perspective des majorations de salaires, l’illusion se dissipera vite quand le travail sera généralisé le dimanche !

Selon la Direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques, la DARES, près de 4,5 millions de salariés travaillent déjà occasionnellement le dimanche. Attachons-nous à renforcer les droits de ces travailleurs plutôt qu’à étendre cette mesure à l’ensemble de la population active, d’autant plus que le volume du travail saisonnier dans les zones touristiques constitue un champ important de lutte pour l’amélioration des conditions de travail et de salaire !

La question de la généralisation du travail dominical, y compris dans les zones touristiques, est une question de société trop importante pour être traitée par voie d’amendements au détour d’un texte, fût-il sur le tourisme !

Nous n’accepterons pas que la représentation nationale soit privée du grand débat de société que mérite cette remise en cause du repos dominical !

En conclusion de mon intervention au nom du groupe CRC-SPG dans le cadre de la discussion générale, je vous redis notre opposition aux principales dispositions de ce texte et notre volonté de lutter fermement contre ses dispositions les plus néfastes.

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