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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Entreprises de transport aérien et société Air France

Par / 12 février 2003

par Odette Terrade

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

le projet de loi « Entreprises de transports aérien et société Air France » examiné ce jour, en première lecture par notre Haute Assemblée est représentatif de la politique libérale sans limite, du gouvernement de Monsieur RAFFARIN.

Ce texte qui engage la privatisation pure et simple de la Société Nationale de Transport Aérien AIR France, se traduit dans les faits par l’ abandon, aux intérêts privés, de l’un des fleurons de nos services publics français.

Au regard des expériences passées et actuelles d’autres compagnies aériennes, il préfigure d’un avenir plus qu’incertain, pour des milliers de salariés, d’usagers et de riverains des aéroports français.

Aucune justification n’est avancée, aux dispositions de ce projet de loi, aucun bilan n’est tiré de la politique de déréglementation et des premières phases de privatisation mise en place depuis maintenant une vingtaine d’année.
Ni en ce qui concerne « l’ouverture du capital d’Air France » en 1998, par le gouvernement de « la Gauche Plurielle ».

L’argument principal de votre projet de loi est de vouloir pour la compagnie nationale, consolider des alliances et nouer des partenariats qui ne pourraient se faire qu’avec l’ouverture à 80 % du capital d’Air France.

Pourtant les effets de cette privatisation impulsée par Bruxelles sont évidents :
 C’est le développement de la sous-traitance, y compris en matière de maintenance, avec tous les risques que cela comporte du point de vue de la sécurité,

 C’est l’abandon de lignes internationales et des cargos comme à Orly contribuant au dépérissement du fret aérien, avec toutes les conséquences en termes d’emplois pour la plate-forme aéroportuaire et plus largement pour toute la Région d’Île-de-France.

De plus ce projet de loi ouvre la voie aux multiples privatisations annoncées de nos services publics. Certaines dispositions de ce texte, je pense notamment à celles de l’article premier et de l’article 5, mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles, sont très inquiétantes !

Sur la question du développement de l’actionnariat salarié, le gouvernement qui prône pourtant le dialogue social n’a pas tenu compte du mécontentement des salariés. Doit-on rappeler que lors de la précédente ouverture du capital, les salariés, en contrepartie de réduction de salaires, ont acquis des actions d’une valeur de 12 et 14 euros qui auraient dû, leur avait-on dit, grimper jusqu’à 30 euros.

Or aujourd’hui, le cours de l’action se situe à 8 euros !

Comment ne pas partager le sentiment de ces salariés qui se sentent piégés et lésés.

Vu l’instabilité inhérente aux marchés financiers doit-on continuer cette expérience, sur fond de blocage des salaires ?!

D’autre part, en ce qui concerne l’emploi, et c’est là, l’un des points les plus importants, au moment où les plans sociaux se multiplient en France, au moment où le secteur aérien, français et international, traverse une crise qui a mis en grande difficulté de nombreuses compagnies aériennes, vouloir privatiser, c’est aller contre l’emploi !

Ainsi, aux États-Unis comme en Europe, les compagnies privées ont réduit de manière drastique leurs effectifs. Depuis la fin de l’année 2001, American Airlines a supprimé 27 000 emplois, US Airways, 12 000, British Airways, 7 500, Delta Airlines, 13 000, Air Canada, 9 000. La faillite de Swissair se sera traduite, quant à elle, par la suppression de 9 000 emplois, et celle de United Airlines concernerait 84 000 salariés !

Air France a, jusqu’à maintenant, mieux résisté aux conséquences du ralentissement du trafic aérien. On voit donc bien la différence entre une gestion purement privée et une gestion publique où la visée à long terme prime sur les circonstances conjoncturelles et où l’intérêt général du secteur et des salariés sont pris en compte.

D’expérience on constate, en effet, qu’une gestion strictement privée fait toujours de l’emploi la première variable d’ajustement !

D’autre part, faut il rappeler que les menaces de guerre en Irak, la crise en Côte d’Ivoire, affecte et fragilise l’ensemble du secteur aérien, et rend son avenir très dépendant de l’actualité géo-politique comme l’indique le rapporteur de la commission des finances.

Aujourd’hui AIR FRANCE se place au troisième rang mondial pour le transport international de passagers et au quatrième pour le transport de fret, en Europe, elle est le numéro un des grands transporteurs aériens, et qui plus est, assure son auto-financement à hauteur de 80%. Air France assure 1700vols quotidiens, vers plus de 200 destinations réparties dans 91 pays !
Notre compagnie publique enregistre un bénéfice d’exploitation de 235 millions d’euros en 2001-2002 . Son chiffre d’affaires a progressé de 2%, sur l’exercice précédent.

Vous le voyez, Air France a réussi, là où beaucoup sont en faillite, Pourquoi ?

Premièrement parce que, Air France entreprise publique investit tous les jours, sur la qualité du travail effectué et du service rendu aux usagers.

Or c’est là que le bât blesse : car soyons clairs, vos propositions Monsieur le Ministre, remettent en cause, le statut des salariés d’Air France.
C’est précisément ce statut qui assure le droit des salariés, en formations, en conditions de travail et en grilles de salaires et qui représente un investissement, qu’aucune entreprise privée ne veut engager, c’est aussi la condition sine qua non de la sécurité et de la qualité de nos services de transports aériens !

Ce qu’orchestrent les articles 3 et 5 de votre projet de loi : c’est justement l’abandon d’un statut progressiste acquis et préservé par les salariés depuis de nombreuses années.

Avec les salariés d’Air France, aujourd’hui en délégation devant le Sénat, nous ne voulons pas, Monsieur le Ministre vivre les expériences anglaises de privatisation. Connaître des drames semblables à ceux de la catastrophe de « Padington ».
C’est pourquoi, nous ne devons pas aller plus loin dans cette remise en cause, si l’on veut écarter un tel danger pour l’aérien qui résulterait de la dégradation des conditions de sécurité.

Les salariés d’Air France ont montré, lors des multiples épreuves financières, leurs motivations et leurs engagements pour contribuer à sauver la compagnie. Les plans de restructuration passés, ont déjà conduit à trop de remise en question de leurs statuts, de leurs salaires et de leurs conditions de travail.

Deuxièmement, si a ce jour, Air France à réussi là ou les autres compagnies ont été mises en difficultés, c’est parce que, notre compagnie a pu renouveler sa flotte grâce à une recapitalisation publique de 20 milliards de francs. Cela représente un investissement très lourd et en continu, que seul peut supporter une entreprise publique !

La compagnie s’est dotée d’une flotte rajeunie, l’âge moyen des avions français est de 8,3 ans pour une moyenne mondiale de 10,3 ans.

Le programme des A380, tout comme, la qualité du suivi technique et de maintenance de la flotte, place Air France dans le peloton de tête concernant le respect de l’environnement et de la sécurité.

Autrement dit, Air France est une entreprise publique en bonne santé financière malgré une conjoncture économique plus que difficile. En voulant privatiser une entreprise publique performante, le gouvernement est à contre-courant de beaucoup d’États qui regrettent l’abandon, de leurs compagnies nationales à la finance.

D’ailleurs, avec les conséquences économiques du « 11 septembre 2001 » sur l’activité aérienne mondiale, force est de constater aujourd’hui que de nombreux états réinvestissent des fonds publics pour sauver leurs compagnies nationales.

Ainsi, en 2002, les États-Unis, ont réinjecté 15 milliards de dollars dans des Compagnies américaines. En Italie, Berlusconi vient de renforcer « AIitalia » avec des fonds publics.

Alors en quoi le statut actuel d’Air France empêcherait-il de renforcer les alliances ?
Cela n’a en tous cas pas empêché Air France de nouer des Alliances, avec les quatre plus grandes compagnies aériennes Aeromexico, Air France, Delta Air Lines et Korean Air, ni de tisser un solide réseau d’accords commerciaux et stratégiques dans le cadre de l’Alliance « Skyteam ».
Privatiser Air France, fait partie d’un grand mouvement idéologique mondial et européen qui active tout le processus d’engagement dans l’économie libérale au détriment d’une économie raisonnée et respectueuse des droits sociaux et humains.

Ainsi, le transport aérien dans son ensemble rencontre des problèmes aigus liés à la saturation des aéroports , la surcharge des systèmes de contrôle aérien.

Les compagnies aériennes se plaignent du morcellement de l’espace aérien européen responsable d’inefficacité et de retards considérables, l’infrastructure aéroportuaire se rapproche chaque année des limites de capacité.

« Le ciel unique » annoncé comme un plan de normes européennes ayant comme priorité la « sécurité » ne répond pas à ces attentes. Il se contredit même, puisqu’il permet la déréglementation, des sites aéroportuaires, de ses activités.

Il invite au démantèlement et à la libéralisation des services dits « annexes » : tels que météorologie, équipementiers du contrôle aérien, bagagistes, alors que, les exigences en matière de sécurité et de sûreté rendent nécessaires le maintien de prestations de services de haut niveau en matière de contrôle aérien, de qualification du personnel et de qualité des infrastructures et du matériel.

Car Monsieur le Ministre, le propre de l’activité du transport aérien et de l’aéroportuaire est d’assurer la sécurité des citoyens. Elle relève en cela du service public et nécessite des financements sûrs et pérennes, pour le dire autrement des financements publics.

Cette déréglementation dégrade les conditions de sécurité et de sûreté, et contribue nécessairement à la détérioration des conditions de travail et en conséquence elle nuit à la qualité du service public.

En exemple les nombreux retards, l’encombrement de l’espace aérien, l’émergence de compagnies aériennes à bas coût dit « low cost », sont des constats très inquiétant, tant en ce qui concerne la sécurité que la sûreté, des salariés, usagers et riverains.

Nous savons que ces compagnies « low cost » sont tout le contraire d’une démocratisation du transport aérien. Elles ne garantissent pas un accès aux transports aériens plus égalitaire pour les usagers !

Leur seule originalité est d’économiser sur tous les services, d’augmenter fortement les taux d’utilisation des appareils.

Pour bénéficier des prix d’appel relayés par de gros efforts publicité, les clients doivent avoir programmé leur voyage longtemps à l’avance. Mais, plus la date du vol se rapproche, plus ces sociétés de « coûts bas », augmentent leurs prix !!!!

Par ailleurs, en matière de transports, la guerre des prix, n’a sur le long terme jamais été une garantie, de qualité, de sécurité ! Les compagnies low cost favorisent le développement d’une concurrence déloyale, pas seulement de « bas coûts mais de « coups bas » qui tirent les prix vers le bas, ce qui fragilise d’autant la rentabilité du secteur.

En effet, pour tenir et résister, de telles compagnies bénéficient d’aides souvent non négligeables des collectivités ou encore d’une réduction de la redevance aéroportuaire.

Or plusieurs aéroports ont connu des fermetures rapides de lignes dès leurs ouvertures, ce qui constitue, a n’en pas douter un gâchis financier considérable, au détriment du contribuable !

Non seulement, les conditions statutaires et grilles de rémunérations des salariés sont bafoués. Mais ces compagnies introduisent sur notre territoire une concurrence effrénée sur les créneaux horaires et les aéroports de province.

Par ailleurs elles exposent les riverains à des nuisances sonores préjudiciables pour la santé.

Enfin comment ne pas parler de la situation dramatique d’Air Lib, héritage de la gestion à la Antoine Selliere d’AOM-Air Liberté.
Aujourd’hui le dossier d’Air Lib semble encore ouvert, de nouvelles propositions d’éventuels repreneurs doivent être examinées jusqu’au bout avec attention.
Toutes les offres susceptibles d’apporter des solutions de reprises viables à longs termes, doivent être étudiées de façon minutieuse pour ne laisser aucune prise aux appétits financiers prédateurs qui lorgnent déjà avec intérêt sur les créneaux libérés … et qui n’ont que faire, du savoir-faire et de devenir des personnels.
Air Lib, ce sont plus 3200 emplois sacrifiés, auquel s’ajoutent des milliers d’emplois induits. Le Val de Marne, l’Essonne les communes riveraines de l’aéroport d’Orly seront très durement touchés par les conséquences sociales et économiques que cela entraînera, sur cette plate-forme, ainsi que toutes les communes ayant des dessertes Air Lib.

En ce qui concerne le pôle d’Orly ainsi que l’ensemble du bassin d’activité et d’emplois du Sud parisien, c’est l’essor économique qui est compromis. 3 200 emplois sont sacrifiés auquel s’ajoute des milliers d’emplois induits.

Abandonner « Air Lib » coûtera plus cher humainement d’abord et économiquement ensuite que si Air-France absorbait cette société. Cette dernière préserverait ainsi les créneaux horaires de circulation d’Air Lib mais aussi les emplois et les compétences de cette compagnie. Quel gâchis, Monsieur le Ministre que l’abandon de cette société !
Vous savez, ce que le bradage d’ « Air Lib » signifie pour les riverains des aéroports, celui d’Orly en l’occurrence : c’est la guerre et la concurrence entre les compagnies dites à « bas prix » prêtes à tous les coups bas pour l’obtention de créneaux horaires de circulations au mépris de la gêne que cela occasionne pour les riverains.

Aujourd’hui, se sont les hommes, les femmes et leurs familles qui sont pris en otage et sacrifiés au seul profit de la rentabilité financière. C’est intolérable !!!

Avec l’emploi menacé, c’est aussi la remise en cause des ressources des collectivités territoriales riveraines. Alors que précisément dans le cadre de la décentralisation, que le gouvernement met en place, on exigera toujours plus de ces dernières.

Vous portez d’ailleurs une très lourde responsabilité dans l’échec des négociations pour sauver Air Lib !

Vous vous êtes employé activement à sommer Air Lib de rembourser ses dettes, le gouvernement a eu moins d’ardeur concernant le recouvrement des dettes de Monsieur Sellière

Privatiser, tout le secteur aérien comme vous le préconisez, avec ce projet de loi pour Air France, c’est partir à l’aventure. Les salariés et leurs familles, valent beaucoup plus que des cotations boursières, Monsieur le Ministre !
Même si le gouvernement se réserve la mise sur le marché au moment opportun, la privatisation voulue entraînera une profonde restructuration économique et sociale de l’entreprise dont la finalité est le gain d’un maximum d’argent le plus vite possible au profit des nouveaux propriétaires.

Mais qui seront ses nouveaux propriétaires, ces nouveaux actionnaires ? Votre projet de loi est plus qu’évasif, il n’y a aucune garantie en la matière, digne de ce nom, quand on sait que les créneaux horaires sont attribués en fonction de la nationalité des capitaux.
Pouvez vous nous donner l’ assurance que notre service public ne sera pas bradé ?

A l’inverse de ce bradage, ce dont nous avons besoin, Monsieur le Ministre, c’est d’un véritable pôle public de transport aérien contribuant en articulation, et en complémentarité avec les autres modes de transport à l’aménagement de notre territoire, dans la perspective du développement durable.
Outre le fait que vous abandonnez le principe même de la péréquation tarifaire condition sine qua non d’un développement équilibré de notre territoire qui ne vise pas seulement l’exploitation des lignes rentables.

Vous n’intégrez pas la nécessaire complémentarité des modes de transports et des infrastructures dans un souci d’économies d’énergie, de réduction des durées des trajets pour les usagers, et de réduction de la pollution.

C’est bien notre service public que vous sacrifiez aujourd’hui avec un tel projet de loi !

Vous comprendrez, Monsieur le Ministre, que pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter un tel texte de loi qui nous engage sur la voie de la régression sociale et de la déstructuration de notre territoire !

En conséquence le groupe CRC proposera une question préalable.

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