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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Privatisation de France Télécom : motion de renvoi en commission

Par / 21 octobre 2003

par Marie-Claude Beaudeau

Monsieur le Président, Monsieur le ministre, Chers collègues,

Par cette motion de renvoi en commission des articles du Titre II de ce projet de loi, nous voulons exprimer fortement, après la discussion générale, nos doutes sur la validité constitutionnelle et notre inquiétude pour la pérennité des dispositions proposées pour l’avenir des fonctionnaires en activité à France Télécom.

Une question fondamentale reste à notre avis sans réponse concluante et doit être examinée de façon beaucoup plus approfondie : des fonctionnaires de l’Etat peuvent-ils travailler pour une société privée ?

Non seulement, nous considérons que l’examen par la Commission des affaires économiques, saisie sur le fond, n’a pas apporté de justification satisfaisante à sa réponse affirmative, malgré les formules rassurantes que vous avez, Monsieur le rapporteur, comme vous d’ailleurs, Monsieur le ministre, multipliées à l’envi.

Mais nous jugeons aussi très dommageable à l’approfondissement nécessaire de l’examen du texte que la Commission des lois sur un sujet touchant au statut de la fonction publique, et la Commission des finances alors que cette évolution du statut des personnels fonctionnaires rendrait possible une privatisation de très grande ampleur, n’aient pas non plus été saisies pour avis.

Sur plusieurs points, notamment le paragraphe IX de l’article 1, l’avis de la Commission des affaires culturelles n’aurait pas non plus été superflu.

Le 18 novembre 1993, le Conseil d’Etat rendait un avis établissant, pour garantir le respect du principe constitutionnel, que des fonctionnaires de l’Etat ne pouvaient être mis à la disposition d’une société anonyme qu’à condition que des missions de service public lui soient confiées par la loi d’une part et d’autre part que son capital soit détenu majoritairement, de manière directe et indirecte, par l’Etat. On peut difficilement nier que cet avis du Conseil d’Etat relève également du bon sens.

Si ce projet de loi était adopté, France Télécom ne satisferait plus à aucune de ces conditions. Le titre I en effet supprime ses obligations de service public inscrites dans la Loi au titre du service universel, répétons-le sans même que ce soit une exigence incluse dans la directive européenne. Le Titre III rend possible le passage de la part de l’Etat dans le capital en dessous de 50% et ouvre la voie à la privatisation totale de l’opérateur qui est le but à peine dissimulé de l’ensemble de votre loi.

Ces données nous laissent envisager trois interprétations. La première, c’est que l’avis du Conseil d’Etat ne serait plus valable. La deuxième, c’est que votre projet de privatisation est anticonstitutionnel. La troisième, c’est que derrière la « sanctuarisation » que vous prétendez du statut des fonctionnaires de l’Etat en activité à France Télécom, se cache une remise en cause profonde de leurs garanties fondamentales et même de leur statut de fonctionnaires de l’Etat.

Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, évidemment vous essayez de nous persuader de la validité de la première solution. Mais votre argumentation est bien frêle : le corps des fonctionnaires de France télécom est depuis le 1er janvier 2002 un corps en voie d’extinction et les dispositions dérogeant si fortement au statut général de la fonction publique seraient de ce fait provisoires et transitoires, donc constitutionnelles. Le tour est joué.

Reconnaissez tout de même qu’un provisoire qui dure 32 ans, c’est long et vous admettez vous-mêmes, Messieurs, que les fonctionnaires seront encore majoritaires dans les effectifs de France Télécom en 2015. Je rappelle qu’au nombre de 106000, les fonctionnaires en activité à France télécom représentent aujourd’hui 75% des personnels en France et 86% des personnels de la maison-mère.

J’ajouterais, Monsieur le rapporteur, que votre rapport si souvent cité de 2002, « Télécom, un avenir ouvert », considérait avec grand respect l’avis du Conseil d’Etat et s’évertuait à trouver des combinaisons compatibles avec la privatisation, transfert des fonctionnaires vers un établissement public qui les détacherait à France Télécom, participation minoritaire mais stratégique, « golden share », de l’Etat dans le capital, que vous rejetez maintenant d’un revers de main, plutôt au nom de la Commission de Bruxelles.

En fait de provisoire et même d’éphémère, on peut légitimement penser que ce soit le statut bâtard que vous créez dans ce titre II qui le sera. Qui peut imaginer que dans l’univers concurrentiel dont vous nous vantez les mérites, il ne se trouvera pas un concurrent, ou le MEDEF ou la Commission européenne pour remettre en cause la distorsion de concurrence que représenterait l’utilisation de dizaines de milliers de fonctionnaires dans une firme privée.

Aussi nous avons tout lieu de craindre que c’est un marché de dupes que vous proposez aux fonctionnaires et à l’ensemble des salariés de France Télécom.

La question de la constitutionnalité du titre II votre projet de loi se pose ainsi, et les travaux de la Commission ne l’ont pas même abordé, par rapport à l’article 34 de la Constitution qui assigne à la Loi la prérogative de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l’Etat.

A force de dérogations, que va-t-il rester de ces garanties fondamentales ?

Je note déjà qu’il n’est question dès l’intitulé du Titre que de "fonctionnaires de France Télécom", comme s’ils constituaient une catégorie déjà particulière, et pas de "fonctionnaires d’Etat en activité à France Télécom". C’est plus qu’une nuance.

Ensuite, il n’y a qu’à énumérer : les institutions représentatives sont alignées sur le code du travail ; la référence indiciaire des rémunérations est diluée avec la possibilité laissée à France Télécom de moduler les indemnités spécifiques globale ; les pouvoirs de nomination et de gestion des fonctionnaires, à l’exception des sanctions les plus graves, sont confiées au Président de France Télécom pourtant désigné désormais par la Conseil d’administration et non plus par le gouvernement.

Tout est dirigé également pour encourager la direction de France Télécom à inciter sinon faire pression sur les fonctionnaires pour qu’ils quittent l’entreprise, notamment en direction des autres fonctions publiques, ou bien qu’ils renoncent à leur statut.

Les mises à disposition et détachements sont banalisés au sein même de la maison-mère. Le droit d’option d’ici 6 mois, même s’il est supprimé dans la discussion par la majorité trahit une démarche prévisible de la direction de France Télécom.

Comment dans ces conditions prétendre maintenir les garanties fondamentales des fonctionnaires en vidant leur statut ?

Même la garantie de l’emploi est attaquée : à l’article 4, une disposition fait de France-Télécom son propre assureur chômage pour les fonctionnaires placés hors d’activités. Cela signifie bien que ces fonctionnaires pourraient se retrouver au chômage.

Oui, il y a beaucoup de raisons de penser que la privatisation amènera le démantèlement du statut des fonctionnaires en activité à France Télécom et que c’est cela que vous organisez, en violation probable de la Constitution.

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