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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce projet de loi acte la transposition dans notre droit interne de toutes les exigences portées depuis des décennies par le MEDEF

Sécurisation de l’emploi : conclusions de la CMP -

Par / 14 mai 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles notre assemblée a été contrainte de débattre de ce projet de loi, sinon pour souligner une contradiction.

Ceux-là mêmes qui déclaraient que la transposition de l’accord interprofessionnel du 11 janvier dernier devait se faire dans le respect des signataires n’ont pas hésité à abaisser le rôle du Sénat, à contester le droit constitutionnel d’amendement et à réduire le débat à sa plus simple expression. Drôle de respect du travail parlementaire !

Nous avons noté que, même avant l’utilisation par le Gouvernement de l’alinéa 3 de l’article 44 de la Constitution, chacun de nos amendements avait été écarté, au prétexte, pour reprendre la formule récurrente du rapporteur, qu’ils étaient « hors champ de l’ANI ».

Avec ce texte, le Gouvernement aura donc réussi à diviser les syndicats de salariés ainsi que la majorité sénatoriale. Il s’est attiré les foudres du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France, lesquels soulignent que certains points ne manqueront pas d’entraîner la condamnation de la France devant les instances européennes. Et je ne parle pas des millions de salariés et de citoyens, qui, indépendamment de leur appartenance syndicale, dénoncent cet accord… D’ailleurs, le 5 mai dernier, ils étaient quelque 180 000, à Paris, à vous exhorter, monsieur le ministre, à changer de cap et à renouer avec le changement promis au monde du travail par le candidat à la présidence de la République. Cette mobilisation a dû vous toucher puisque, contrairement à ce que vous aviez fait lors du débat initial, vous n’avez plus parlé aujourd’hui d’« accord historique ».

En lieu et place du changement, ce projet de loi acte la transposition, dans notre droit interne, de toutes les exigences portées depuis des décennies par le MEDEF. Selon le syndicat patronal, les salariés de notre pays coûteraient trop cher, leurs droits collectifs et notre protection sociale, jugés trop rigides, rendraient nos entreprises moins productives. Éternel refrain !

À l’opposé du discours de Châlons-en-Champagne, dans lequel François Hollande rappelait, à raison, que les salariés français étaient plus productifs que leurs homologues allemands et que le coût du travail y était identique, le Gouvernement cède une nouvelle fois aux pressions du MEDEF et donne un bien mauvais signal au monde des affaires.

Les nombreux salariés qui subissent des salaires de misère, qui peinent à survivre avec le SMIC, quand des cadres dirigeants empochent des salaires vingt fois supérieurs aux leurs, apprécieront ! Pourtant, ce sont eux qui, avec cette loi, devront encore davantage servir de variables d’ajustement.

Cependant, vous le savez, les actionnaires du CAC 40 ont pris toutes leurs dispositions pour stabiliser leurs revenus financiers malgré la crise.

C’est sans doute pour cela qu’à l’article 12 de ce projet de loi vous avez permis aux employeurs de baisser la rémunération des salariés en cas de difficultés conjoncturelles, c’est-à-dire en exerçant un chantage à l’emploi. Cette baisse est sans limite, à la condition que le salaire ne soit pas inférieur à 1,2 SMIC. Et ceux qui refuseront ce déclassement seront licenciés à titre individuel pour motif économique…

Alors que, pour la première fois, le pouvoir d’achat baisse, alors que la France est officiellement en récession, vous permettez aux patrons de compresser encore plus les salaires, quand l’urgence était, au contraire, de les sécuriser.

Aucun discours ne justifie cette mesure, dont, mes chers collègues, vous aurez bien du mal à expliquer, dans vos circonscriptions, qu’elle est positive et qu’elle constitue un outil de sécurisation des parcours professionnels.

Mme Éliane Assassi. Eh oui !

M. Dominique Watrin. Certes, vous avez prévu, pour donner l’illusion que les salariés ne seraient pas les seuls à être mis à contribution, que les dirigeants et les actionnaires le seraient aussi. Mais ce parallélisme est un leurre.

Tout d’abord, la contribution de ces derniers doit être prévue « dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance ». Comme si les actionnaires allaient se faire hara-kiri !

Mais surtout, on ne peut pas comparer les deux situations : d’un côté, des actionnaires qui détiennent toutes sortes d’actions dans leur portefeuille, qui perçoivent des dividendes de plusieurs entreprises et qui, s’agissant des cadres dirigeants, cumulent parfois dividendes, actions gratuites, stock-options, jetons de présence et rémunérations ; de l’autre côté, des travailleurs qui n’ont que leur salaire pour vivre !

De la même manière, à l’opposé de la promesse formulée par le candidat Hollande de rendre les licenciements boursiers plus coûteux, vous réduisez le coût de tous les licenciements en favorisant la réparation forfaitaire – que les employeurs réclament depuis des années – au détriment de la réparation intégrale des préjudices.

Les procédures de licenciement collectif seront même simplifiées, là encore, dans le seul intérêt des employeurs, qui n’auront plus à prouver la réalité économique des licenciements.

Pourtant, ce sont elles qui engendrent le plus de contentieux et, par voie de conséquence, donnent lieu aux indemnisations les plus importantes. Là encore, obéissant aux injonctions du MEDEF, vous avez sécurisé non pas l’emploi mais le licenciement, de telle sorte que, demain, les salariés ne pourront plus contester collectivement la réalité économique du licenciement.

D’ailleurs, comment le pourraient-ils quand l’autorité administrative chargée d’homologuer la procédure se limitera, elle-même, à de simples contrôles ? Des contrôles au demeurant particulièrement limités compte tenu des effectifs des DIRECCTE – les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – et des délais dérisoires prévus dans ce projet de loi.

De plus, alors que, en l’état actuel du droit national et international, les licenciements individuels pour motif économique sont requalifiés en licenciement collectif à partir de dix salariés, un employeur pourra licencier en France sans limite, pour un même motif prétendument économique, au cours du même mois, sans que jamais ces licenciements puissent être qualifiés d’économiques ! Voilà, en vérité, un bien joli cadeau au patronat, ainsi dispensé de tout effort particulier en matière de reclassement, de formation ou de priorité de réembauche.

Enfin, ce texte impliquera, lors d’une procédure de contestation d’un plan de licenciement collectif, que le silence d’une juridiction entraîne la transmission automatique de l’affaire à la juridiction supérieure. Cela revient, ni plus ni moins, à organiser un déni de justice ! Vous privez ainsi, le cas échéant, les salariés du droit, dont disposent tous les autres justiciables, à un double degré de juridiction.

À l’issue de cette procédure parlementaire, qui a apporté bien peu de changements, les salariés se verront reconnaître moins de droits que les autres créanciers des patrons. Alors que les banquiers, par exemple, pourront demander réparation pendant cinq ans, les salariés, eux, n’auront plus que trois ans pour le faire, comme si les droits de la finance devaient l’emporter sur ceux des travailleurs !

Cette situation a même ému le rapporteur pour avis de la commission des lois ; néanmoins, bien qu’hostile à cette mesure, tout comme l’ensemble de la commission, il n’a pas déposé d’amendement : une inaction que l’on s’explique mal, eu égard au contenu de son intervention dans la discussion générale, sinon par la volonté de ne pas embarrasser le Gouvernement.

Nous éprouvons une pareille incompréhension à l’égard de notre collègue Catherine Génisson qui, en qualité de rapporteur pour avis au nom de la délégation aux droits des femmes, reconnaît explicitement dans son rapport que l’article 8, relatif au temps partiel, constitue en l’état une discrimination indirecte. Mais elle ne s’y est pas opposée et n’a proposé aucune rédaction alternative.

C’est donc, mes chers collègues, un texte anticonstitutionnel que vous vous apprêtez à adopter. Comme pour le bonus-malus en matière d’énergie, vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été prévenus ! Nous en tirons, pour notre part, toutes les conclusions et voterons contre ce projet de loi.

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