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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Créons un véritable droit qui ne dépende pas du bon vouloir des autres salariés

Don de jours de repos à un parent d’enfant gravement malade -

Par / 30 avril 2014

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer en commission des affaires sociales, les parlementaires du groupe CRC sont, comme vous tous, émus par les situations individuelles des femmes et des hommes qui, confrontés à la maladie grave de leur enfant, à un accident important ou à la fin de vie de celui-ci, se retrouvent dans des situations complexes. En effet, les dispositifs existants, comme les absences pour enfant malade prévues à l’article L. 1225-61 du code du travail ou le congé de présence parentale, présentent d’importants inconvénients : ils sont trop limités dans le temps et insuffisamment rémunérés.

Cette proposition de loi se fixe donc comme objectif noble de permettre à ces parents, déjà en souffrance psychique, de pouvoir rester plus longtemps auprès de leur enfant pour augmenter les chances de guérison. En sécurisant juridiquement les dons de jours de repos dans le privé et en étendant le dispositif au public, elle prétend leur éviter la précarité économique.

Comme vous, nous sommes, au groupe CRC, convaincus qu’il convient de mieux accompagner les familles. Le faible nombre de familles concernées chaque année, tout au plus 1 500 par an, nous conforte d’ailleurs dans l’idée que c’est possible.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Dominique Watrin. Toutefois, nous considérons que votre proposition de loi ne permet pas de répondre à ces objectifs et à ces ambitions louables. Elle ne garantit en rien qu’un parent concerné puisse disposer de tout le temps nécessaire pour accompagner autant que de besoin son enfant. Car le don, théoriquement anonyme et gratuit, reposera sur l’aléa et peut-être même sur l’injustice ! La perception du nombre de jours de repos pourra être fonction de la place dans la hiérarchie, du capital de sympathie ou encore du nombre de fois où le salarié aura déjà lui-même cédé des jours de repos. De la sorte, deux salariés d’une même entreprise placés face à des besoins identiques pourraient ne pas bénéficier du même traitement.

L’auteur et les rapporteurs de la proposition de loi citent volontiers comme exemples emblématiques le cas de ce père de famille de chez Badoit qui a pu cumuler 170 jours de repos grâce à la solidarité de ses collègues ou bien, plus récemment, de ce fonctionnaire de police qui avait cumulé la promesse de plus de 150 jours de RTT, mais qui n’a pu en profiter compte tenu de l’état actuel du droit. On évoque aussi volontiers les accords collectifs chez Badoit justement, 2 500 salariés, dans le groupe PSA, 90 000 à 100 000 salariés, ou chez Casino, 73 000 emplois. Mais comment un salarié d’une très petite entreprise confronté à la même souffrance psychique et à la précarité économique pourrait-il cumuler autant de jours de repos et donc de possibilités d’accompagner son enfant ?

Ce qu’il faudrait, c’est créer un vrai droit, assuré pour tous et non hypothéqué sur les relations amicales et sociales que l’on a pu tisser ; un vrai droit qui ne dépende pas du bon vouloir des autres salariés, de leur propre état de fatigue ou tout simplement du besoin de prendre la totalité de leurs jours de congés ; un droit qui évite la culpabilisation de l’autre.

Qui plus est, la proposition de loi, et cela nous ennuie quelque peu, prévoit que l’employeur pourrait s’opposer à l’élan solidaire exprimé par des salariés. Autrement dit, on entend créer un droit qui serait doublement putatif, dépendant tout à la fois des collègues de travail et de l’employeur.

Ce n’est pas, mes chers collègues, l’idée que nous nous faisons, pour notre part, du mot « solidarité ». S’il faut effectivement renforcer et sécuriser la solidarité locale, il faut aussi sécuriser la solidarité nationale.

Et je vous le dis, nous n’avons pas de leçon d’humanité à recevoir, notamment de la part de l’auteur de la proposition de loi, qui a déclaré dans la presse que les élus seraient en quelque sorte irresponsables s’ils ne votaient pas cette loi et, plus encore, s’ils avaient l’outrecuidance de déposer des amendements ! À l’évidence, avec de tels messages adressés aujourd’hui aux parlementaires, on imagine ce que sera demain la pression sur les salariés culpabilisés.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ça, c’est sûr !

M. Dominique Watrin. Nous, sénateurs CRC, sommes fiers d’assumer notre responsabilité de législateurs. Et c’est notre rôle de parlementaires communistes, de parlementaires de gauche de faire avancer le droit social ! C’est pourquoi, bien que limités par l’article 40 de la Constitution, nous proposons que soit engagée sans délai une étude de faisabilité. Celle-ci montrerait, j’en suis certain, qu’il est possible, à condition évidemment d’en avoir la volonté politique, de dégager quelques dizaines de millions d’euros pour améliorer le dispositif de l’allocation journalière de présence parentale, en la portant notamment à 90 % du salaire net.

Car il faudra qu’on nous explique ! Le Gouvernement est capable de distribuer 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales aux entreprises sans la moindre contrepartie, mais il ne pourrait pas dégager quelques dizaines de millions d’euros pour améliorer le sort de ces parents ?

Enfin, cerise sur le gâteau, c’est aux salariés, déjà en peine, qu’il est demandé ici d’être généreux, la notion de partage s’appliquant uniquement entre salariés. Est-ce faire preuve de dogmatisme que de poser la question de la solidarité verticale ? La vérité, c’est que vous appelez les salariés, les ouvriers, les agents publics, y compris les petites gens, à se substituer à la solidarité nationale, alors qu’ils doivent eux-mêmes faire face à des difficultés. La vérité, c’est que votre proposition de loi, présentée comme généreuse, exonérera totalement les employeurs de leurs responsabilités. Pis, elle va créer, je l’ai dit, des situations d’injustice intolérables entre ceux qui pourront et ceux qui ne pourront pas collecter des jours de repos.

Oui, sécurisons juridiquement les accords collectifs et les démarches individuelles de solidarité ! Mais, oui, parce que nous sommes des législateurs responsables, parce que nous sommes garants de l’égalité de traitement entre les citoyens, ayons aussi l’ambition de porter l’exigence d’une solidarité universelle !

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC ne votera pas la proposition de loi.

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