Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Droits des malades et qualité du système de santé

Par / 30 janvier 2002

par Guy Fischer et Michelle Demessine

I Discussion générale

M. FISCHER. Le projet de loi qu’il nous est enfin ! permis d’examiner concrétise des engagements pris par le Premier ministre il y a de cela plus de deux ans, lors de la clôture des États généraux de la santé. Il ambitionne de répondre aux insatisfactions, aux attentes exprimées : véritable démocratie sanitaire, transformation des pratiques et comportements afin que chacun trouve sa place au sein d’un système de santé modernisé.

Je salue le travail accompli, notamment par les associations françaises de défense des droits des malades, regroupées au sein du collectif inter-associatif sur la santé (C.I.S.S.) ; elles n’ont eu de cesse de se mobiliser, de nous solliciter pour que le projet de loi intitulé initialement « modernisation du système de santé », aboutisse, en dépit d’une surcharge du calendrier parlementaire, mais surtout de la délicate question de l’indemnisation des personnes contaminées par l’hépatite C.

Le texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 4 octobre dernier au terme d’un débat assez consensuel. Cette première étape a été positivement ressentie. La semaine dernière cependant, dans un communiqué de presse, le collectif inter-associatif a exprimé ses craintes que la majorité sénatoriale ne vienne bouleverser l’équilibre général du texte. Il a appelé le Sénat à la sagesse pour que le texte puisse effectivement être adopté avant la fin de la session parlementaire.

Nous comprenons d’autant mieux ces inquiétudes, que la majorité sénatoriale s’est employée tout récemment à prolonger la discussion sur un autre texte, retardant d’autant celle-ci. En outre, sur le fond, il ressortait des auditions de la commission des Affaires sociales que, sur le point précis de la relation entre le médecin et le malade, tous nos collègues n’étaient pas séduits par l’idée de réaffirmer dans la loi les droits des malades et des familles.

C’est en tenant compte des changements qui traversent notre système de santé, de l’intérêt que les Français lui portent, de l’aspiration profonde des usagers à une relation médecin-patient revisitée que nous nous positionnerons dans ce débat. Nous aurons aussi à l’esprit mais sans ironiser comme se plaît à le faire l’opposition le fait que la quasi-totalité des professions de santé revendiquent une revalorisation des tarifs d’honoraires et une reconnaissance effective de leur rôle.

Quel message responsable le gouvernement adressera-t-il aux médecins hospitaliers, aux infirmières, aux généralistes, spécialistes et urgentistes ? La réforme des études médicales entreprise est certes intéressante. Toutefois, on ne saurait s’en tenir là. Un renouveau conventionnel, tournant définitivement le dos aux sanctions et à la logique purement comptable de maîtrise des dépenses de santé s’impose.

L’attitude des députés de droite, lors de l’examen de la proposition de loi visant à réformer le système de conventionnement des médecins libéraux, ne témoigne pas de cette volonté.

Si demain, les 56 % des médecins libéraux qui se disent prêts à se « déconventionner », selon un sondage publié par le Quotidien du médecin, mettaient leur menace à exécution, qu’adviendrait-il du principe d’égal accès aux soins ?

Si nous voulons effectivement nous assurer du respect des droits fondamentaux des patients, par exemple le droit d’égal accès à des soins de qualité, encore faut-il porter une attention particulière à notre système de protection sociale, élargir le champ de celle-ci, veiller à ne pas céder aux sirènes du Médef qui propose, ni plus ni moins, la privatisation de la sécurité sociale !

Nous apprécions les grandes lignes de ce texte. Il comporte des avancées essentielles : possibilité offerte au patient d’accéder directement à son dossier médical, application du droit élémentaire d’information, indemnisation des victimes d’aléas thérapeutique, dispositions du titre II moins médiatisées mais qui contribuent aussi à l’amélioration de la qualité des soins.

Ce satisfecit n’exclut pas certaines réserves ; nous souhaitons des modifications, des engagements de votre part.

S’agissant des discriminations fondées sur des critères de santé ou de handicap conduisant à exclure de la couverture complémentaire maladie ou de l’emploi les personnes les plus vulnérables, les sénateurs de mon groupe ne peuvent que se satisfaire des garanties apportées par l’article 1 bis, qui pose désormais le principe de la non-utilisation des tests génétiques par les employeurs et assureurs. Contrairement à notre rapporteur, nous ne regrettons pas l’intégration dans le chapitre consacré aux droits de la personne, de cette disposition interdisant les discriminations en raison des caractéristiques génétiques tirées de la loi bioéthique ; elle vient utilement compléter l’article 1 du projet de loi qui pose le principe de non-discrimination dans l’accès à la prévention et aux soins.

Nous proposerons d’étendre l’interdiction : en matière de couverture maladie complémentaire, il est inadmissible que les compagnies d’assurance choisissent de couvrir les seuls « bons risques » et qu’elles ne soient pas soumises aux mêmes règles que les mutuelles.

De même, nous présenterons un amendement à l’article 58, validant la convention relative à l’assurance des personnes exposées à un risque de santé aggravé.

J’ai été surpris de constater que l’accès à l’emprunt et à l’assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé n’avait suscité à l’Assemblée nationale aucun débat de fond. L’opinion publique française rejette majoritairement la sur-tarification fondée sur les réponses à un questionnaire médical, lors de la souscription d’une assurance décès dans le cadre d’un emprunt ou d’une assurance pour les risques invalidité ou incapacité. Nous avons tous entendu tel ou tel témoignage de personnes atteintes de cancer, de diabète, ou séropositives, qui se trouvent empêchées de contracter une assurance, donc obligées de renoncer à leurs projets.

Les associations signataires ou non signataires de la convention du 19 septembre dernier attendaient du gouvernement qu’il reprenne sur le plan législatif ce cadre conventionnel. Tel sera le sens de nos amendements : que la loi aille plus loin.

Au chapitre « droits des usagers », l’article phare est l’article 6. Il traite du droit à l’information du patient sur son état de santé, du consentement libre et éclairé du malade, lequel participe à la prise de décision, et de l’accès libre et direct au dossier médical.

Cette transparence nouvelle suscite certaines craintes chez les médecins, tant les changements culturels qu’elle implique sont grands. Des précisions ont été apportées par l’Assemblée nationale quant à la nature des informations, le délai de consultation et la gratuité. Nous partageons entièrement l’appréciation portée par le rapport Caniard sur cette « approche nouvelle » qui fait du droit des personnes un élément central de la modernisation du système et qui « permet d’éviter l’opposition réductrice et stérile entre professionnels et usagers ».

Arguant que le texte, « malgré sa volonté affirmée de rééquilibrer la relation patient-médecin, risque de créer un déséquilibre au profit du patient », le rapporteur apporte des réponses qui ne nous semblent pas les bonnes. Il nous propose d’introduire une référence aux devoirs, obligations ou responsabilités des patients, sans que l’on en comprenne très bien le contenu ; il envisage de supprimer l’article 6 bis instituant un défenseur des droits des malades, lequel pourrait être saisi par toute personne rencontrant des difficultés à faire valoir ses droits.

Le texte souffre de l’absence de sanctions en cas de non-respect des droits individuels et collectifs. Ces derniers ne doivent pas rester un vœu pieux. L’intervention du défenseur des droits des malades peut être intéressante, à condition, toutefois, que son statut s’apparente à celui du médiateur de la République. Pourquoi ne pas transformer ce défenseur en une véritable autorité administrative indépendante comme le souhaitent les associations ?

Sur les orientations de la politique de santé, autre volet important de ce titre I, censé rendre l’élaboration des politiques publiques plus lisible et plus démocratique, nous n’adhérons pas aux changements envisagés, faute de voir en quoi ils seront facteurs de progrès. Quelle sera, en fait, la place réservée aux associations d’usagers ? Comment les expressions régionales des besoins de santé seront-elles répercutées ? Pourquoi n’est-il pas fait mention des politiques de prévention ? Quelle sera la marge de manœuvre des parlementaires ?

À de nombreuses reprises, nous avons tenté d’obtenir qu’avant l’examen du budget de la sécurité sociale, la représentation nationale puisse définir les orientations pluriannuelles de notre politique de santé. L’article 24 ne saurait nous satisfaire. Nous prenons acte de l’argument constitutionnel avancé à l’Assemblée nationale pour rejeter la demande des parlementaires communistes, que le rapport présenté par le gouvernement fasse l’objet d’un vote ; nous attendons donc de voir quelle suite sera donnée à la proposition faite par M. Evin de préparer une loi organique permettant la saisine du Parlement sur cette question.

Les dispositions du titre II visent essentiellement à promouvoir la qualité du système de santé. L’accent est mis sur les compétences des professionnels et leur formation.

Les députés ont reconnu les titres d’ostéopathe et de chiropracteur. La validation de ces formations a été entourée de garanties qui ne semblent pas suffire à la commission : elle récrit totalement l’article 52 bis de manière à réserver l’exercice de ces pratiques aux seuls médecins.

Dans l’intérêt des patients, notre groupe défendra un amendement mettant fin à la situation précaire des professionnels de santé exerçant dans les centres de santé : les collectivités locales pourraient conclure à nouveau des C.D.I. Nous voulons aussi, dans l’intérêt des femmes, préciser que le D.E.S. de gynécologie médicale mentionné à l’article 57 quinquies s’inscrit bien dans le groupe des disciplines médicales (M. Lesbros applaudit.). Sachant que la réforme ne s’appliquera pas sans mal sur le terrain, nous insistons sur l’autonomie de ce diplôme par rapport à celui de gynécologie- obstétrique.

J’en viens maintenant à l’examen des articles 58 et 61. Nous en reconnaissons les aspects positifs ; en premier lieu, ils rappellent les règles en matière de responsabilité en cas d’accident médical. Le législateur refusant jusqu’alors d’indemniser l’aléa thérapeutique en raison des enjeux financiers, le juge, saisi de nombreuses demandes de réparation, s’était éloigné de la notion classique de faute. Ce rappel était important ; il améliore le sort des victimes en mettant fin aux distorsions entre le juge judiciaire et le juge administratif.

Les modifications que propose le rapporteur sur les principes même de la responsabilité médicale nous semblent nécessaires, qu’il s’agisse de la définition de l’accident médical, des affections iatrogène et nosocomiale, des précisions contenues dans la jurisprudence pour les infections nosocomiales.

En deuxième lieu, est créé un droit à l’indemnisation, au titre de la solidarité nationale, des accidents médicaux graves non fautifs. C’est sur cet aspect du texte unanimement salué que nous sommes le plus critiques, non pour ce qu’il dit mais pour ce qu’il ne contient pas : il exclut les personnes atteintes d’hépatite C, laquelle provoque chaque année 2000 décès. Je tiens à relayer ici la déception et la colère des associations. L’association « Hépatites écoute et soutien » de mon département dénonce « après l’exclusion civile dont les personnes contaminées sont victimes dans leur vie quotidienne, la présente exclusion légale ». Nous avons déposé un amendement créant un fonds d’indemnisation ; c’est un appel au débat. Ce texte facilitera certes l’indemnisation de ces victimes, puisqu’il appartiendra au transfuseur d’apporter la preuve que le sang n’était pas infecté, mais c’est devant la justice qu’elles devront faire valoir leurs droits.

En troisième lieu, est mise en place, une procédure amiable de règlement des litiges en cas d’accident, afin d’accélérer l’indemnisation des victimes tout en protégeant les médecins contre la multiplication des procès. Les commissions régionales, clés de voûte du dispositif de conciliation et d’indemnisation, sont investies d’un pouvoir énorme. Nous souhaitons qu’elles ne puissent pas décider sans expertise si les conditions fixées par la loi sont réunies.

Enfin, je ne discuterai pas en détail la position de notre commission vis-à-vis de l’obligation d’assurance pour les professionnels de santé libéraux et les établissements de santé ; me contentant de rappeler le titre d’un article paru la semaine dernière dans les Échos : « Profession de santé : le Sénat a entendu les souhaits des assureurs ».

Sur l’arrêt Perruche je partage les positions de M. Salas dans le hors-série « justices » du recueil Dalloz. Il identifie bien les causes de telles dérives vers la « quête judiciaire de la réparation » : « Notre société de réparation généralisée n’est pas le fruit d’une victimisation dangereuse. Elle traduit un déplacement de la demande de justice vers le juge, faute de trouver dans l’État l’attitude solidaire qu’elle attend ».

Allons jusqu’au bout de la prise en charge par la solidarité nationale du handicap ; préservons le regard solidaire que porte notre société sur le handicap !

II Arrêt Perruche

Mme DEMESSINE. Je voudrais, à mon tour, évoquer l’Arrêt Perruche, qui a provoqué beaucoup d’émoi et suscité la passion en raison d’une sur-médiatisation, ce qui n’est pas idéal pour un débat serein.

Dans quelle société voulons-nous vivre ? Alors que les progrès de la science, de la recherche, et des technologies bouleversent nos repères, il faut savoir raison garder et revenir aux droits fondamentaux, c’est-à- dire à la loi d’orientation de 1975 dans son article premier, enrichi dernièrement par l’article 53 de la loi de modernisation sociale, qui définit la place de la personne handicapée dans notre société.

L’article L. 114-1, stipule que : « la prévention et le dépistage du handicap et l’accès du mineur ou de l’adulte handicapé physique, sensoriel ou mental aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens, notamment aux soins, à l’éducation, à la formation et à l’orientation professionnelle, à l’emploi, à la garantie d’un minimum de ressources adapté, à l’intégration sociale, à la liberté de déplacement et de circulation, à une protection juridique, aux sports, aux loisirs, au tourisme et à la culture constituent une obligation nationale.

« La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quelles que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie, et à la garantie d’un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante ».

Le premier alinéa de l’article L. 114-2 rappelle que : « Les familles, l’État, les collectivités locales, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations, les groupements, organismes et entreprises publics et privés associent leurs interventions pour mettre en œuvre cette obligation en vue notamment d’assurer aux personnes handicapées toute l’autonomie dont elles sont capables ».

À l’époque, il y a plus de vingt-cinq ans maintenant, ce texte a été profondément novateur. Il a pu voir le jour aussi grâce à l’action déterminée, des associations de personnes handicapées et de leurs parents. (M. About approuve.)

Avec ce texte le droit d’exister à part entière était reconnu.

Cette loi fondatrice a éclairé et éclaire toujours notre société sur le handicap et sur le droit à la différence.

En a-t-on tiré les conséquences en terme de politique volontariste, de moyens humains, et financiers, de droit à compensation financière ? Non, et là est le problème.

Je mesure néanmoins tout ce qui a été mis en place.

Une génération nouvelle de personnes handicapées arrive aujourd’hui à l’âge adulte, ce sont les enfants de la loi de 1975.

Ils ont de nouveaux potentiels et des nouvelles exigences qu’il faut prendre en compte.

Or, les moyens mis en œuvre ne suivent pas le nombre de places dans les structures spécialisées augmente mais reste très en deçà de la demande, l’intégration scolaire avance mais à trop petits pas. Le monde de l’entreprise reste encore trop fermé à l’intégration et préfère s’acquitter de son obligation en acquittant une sanction financière, au demeurant peu dissuasive. (Mme Luc approuve.)

Certes, la loi de 1975 a permis de grandes avancées sur la prévention et sur la prise en charge de l’enfant handicapé mais l’âge adulte reste un chantier inachevé. (M. About approuve.) Ainsi en est-il du temps d’attente pour être accueilli en C.A.T., ce qui réduit l’objectif intégrateur de ces structures spécialisées.

Il en est de même du trop petit nombre de structures susceptibles d’accueillir des personnes lourdement handicapée même si un plan de rattrapage de 16 500 places d’ici à 2005 est en cours.

De plus, le montant de l’allocation adulte handicapé est si bas qu’il ne permet pas de mener une vie digne de ce nom.

Pour débattre sereinement de l’arrêt Perruche il fallait rappeler le problème de fond. Nous devons maintenant nous attaquer à la réforme de la grande loi de 1975 pour répondre aux attentes et, surtout accorder des moyens beaucoup plus importants.

C’est sans doute la perspective douloureuse de l’insécurité tout au long de la vie, qui provoque la recherche d’une solution individuelle par la voie de la justice, plutôt que de compter sur la solidarité nationale.

M. ABOUT, président de la commission. Très bien !

Mme DEMESSINE. Je comprends parfaitement la réaction de certains parents dans une situation si douloureuse. Leur souffrance est infinie et seul le temps, et une prise en charge efficace et de proximité, peuvent contribuer à construire un vrai projet de vie, rendant le bonheur et l’espoir.

En confirmant le 28 novembre 2001 sa jurisprudence issue de l’arrêt Perruche rendu un an plus tôt, la Cour de cassation reconnaît qu’un enfant handicapé peut lui-même demander réparation d’une faute médicale, ce qui a suscité de nombreuses critiques de la part des juristes, des médecins, des associations de parents d’enfants handicapés.

Devant l’ampleur des questions éthiques et juridiques ainsi soulevées, la grande majorité de la représentation nationale a pris conscience qu’il était de sa responsabilité de légiférer.

Le gouvernement a décidé d’ajouter au projet relatif aux droits des malades, les dispositions qui viennent d’être votées par les députés.

Les personnes handicapées désirent relever du droit commun. Nous devons donc éviter d’instituer un régime de responsabilité dérogatoire pour le diagnostic prénatal.

Nul ne peut être indemnisé du seul fait de sa naissance « fut-il né handicapé ». Le principe posé par le premier alinéa de l’article premier met un terme aux problèmes posés par l’arrêt Perruche. Mais la mention « fut-il né handicapé » suscite une forte réticence de la part des associations qui la jugent stigmatisante et discriminatoire. En plus, sa conformité au droit européen n’est pas évidente. Sa suppression n’enlèverait rien à la force de la déclaration.

Le deuxième alinéa rappelle les règles de droit commun de la responsabilité : la personne handicapée peut obtenir réparation en cas de faute ayant un lien direct avec le préjudice.

En revanche le troisième alinéa, qui consacre la jurisprudence Quarez du Conseil d’État, en permettant d’indemniser non seulement le préjudice personnel des parents, la mère n’ayant pu exercer son droit d’avorter suite à la faute du médecin, mais également la charge que représentent les responsabilités éducatives découlant du handicap de leur enfant, soulève de sérieuses difficultés.

Comme beaucoup de ceux que j’ai rencontrés, je crains que ce texte, qui soulève beaucoup plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses, ouvre une brèche dangereuse en introduisant une inégalité de traitement et de prise en charge entre les personnes handicapées.

Aujourd’hui, malgré le droit commun, la grande majorité des familles ne fait pas appel à la justice mais fait le choix de la responsabilité, en comptant sur la solidarité nationale. (M. About approuve.)

Il faut donc réfléchir à l’individualisation de la prise en charge du handicap. L’esprit de solidarité qui s’est tissé au fil du temps à l’égard des personnes handicapées est précieux et il convient de le conforter.

Prenons garde à ne pas susciter, par nos décisions, un malaise, une défiance vis-à-vis du corps médical, car la confiance est un lien perpétuellement construire.

Ce débat, qui ne peut laisser aucun de nous indifférent, nos collègues de l’Assemblée nationale l’ont mené avec une haute tenue mais, aussi, avec le sentiment de ne pas être allés jusqu’au bout de leur démarche. Et je crois qu’ils souhaitaient que nous prenions le relais.

Le travail accompli en commission témoigne de cet état d’esprit ; nous avons cherché à dépasser toute vision partisane et à apporter une réponse crédible afin d’éviter tant les dérives de la jurisprudence que le développement de l’individualisation de la réparation.

Je veux dire mon immense satisfaction que M. le ministre soit ouvert à la recherche commune d’une solution.

Lorsque nous examinerons les amendements, puissions-nous débattre sans nous enfermer dans des débats d’école ou des querelles juridiques, car des millions de personnes handicapées et leurs proches attendent de ceux qui les représentent qu’ils donnent du sens à leur vie.
III Explication de vote

M. FISCHER. J’ai apprécié la sérénité de notre débat. Contrairement à ce qu’elle fait habituellement, la majorité sénatoriale a respecté la philosophie du projet de loi.

M. KOUCHNER, ministre délégué. C’est vrai !

M. FISCHER. Sans combattre les dispositions rééquilibrant les relations entre médecin et patient elle s’est néanmoins inquiétée d’une éventuelle détérioration de cette relation. Ainsi, la commission des Affaires sociales a cru bon de rappeler que les droits nouveaux reconnus aux usagers leur créaient autant de responsabilités nouvelles. Je persiste à ne pas comprendre en quoi celles-ci consistent.

Estimant injurieuse pour les professionnels l’appellation « défenseur des droits des malades », la majorité l’a supprimé. Je le regrette.

Certains points restent insatisfaits, notamment l’absence de véritable définition démocratique de la politique de santé. Nous attendons encore un débat parlementaire sur la santé publique ­ préalablement à la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale.

Les dispositions consacrées à la qualité des soins sont trop disparates pour que je puisse formuler une appréciation générale, mais les mesures relatives à la formation des médecins et aux réseaux de soins seront utiles pour faire évoluer le système de santé dans le bon sens.

À propos du titre III, relatif à l’indemnisation des victimes, j’estime injuste que l’on persiste à écarter les personnes infectées par le virus de l’hépatite C.

Il reste que le projet de loi sort enrichi, de ce débat constructif, même si certaines solutions restent imparfaites, je pense notamment à la suite législative de l’arrêt Perruche, qui a donné lieu à une discussion de grande qualité à laquelle notre collègue Mme Demessine a pris une grande part.

Je souhaite que la C.M.P. nous permette de progresser encore en dissipant toutes les ambiguïtés.

Pour ces raisons, et parce que nous ne comprenons pas le sort réservé à certains de nos amendements, comme celui portant sur la création d’un diplôme de gynécologue médical distinct du diplôme de gynécologue obstétricien ou celui permettant de signer des contrats à durée déterminée dans les centres de santé municipaux, nous nous abstiendrons, en espérant que la C.M.P. aboutira.

Les dernieres interventions

Affaires sociales Grand âge : le coup de com’ prend un coup de vieux

Diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie - Par / 28 mars 2024

Affaires sociales Pour de meilleures retraites, de meilleurs salaires pour les travailleurs agricoles

PPL visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles - Par / 19 mars 2024

Affaires sociales Maxi Puff, maxi danger pour la santé des jeunes

Proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique - Par / 8 février 2024

Affaires sociales Pour un véritable service public de l’autonomie

Proposition de loi pour bâtir la société du bien vieillir en France - Par / 30 janvier 2024

Affaires sociales Mieux dépister les troubles du neuro-développement

Proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement (TND) - Par / 26 janvier 2024

Affaires sociales Vol au-dessus d’un nid d’anxiété

Ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale - Par / 18 janvier 2024

Affaires sociales Allocation autonome universelle d’études : coût ou investissement ?

Débat sur une proposition de loi proposée par le groupe écologiste au Sénat - Par / 14 décembre 2023

Affaires sociales Budget solidarité : un coup sérieux au pacte social

Vote des crédits Solidarité, insertion et égalité des chances pour 2024 - Par / 6 décembre 2023

Affaires sociales Les mesures prises depuis des années sont d’une inefficacité navrante

Représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes (conclusions de la CMP) - Par / 26 janvier 2022

Affaires sociales Certaines victimes de ces thérapies ont subi de véritables tortures

Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle (conclusions de la CMP) - Par / 20 janvier 2022

Administration