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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Droits des personnes handicapées

Par / 24 février 2004

par Michelle Demessine

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le ministre,
Mes chers Collègues,

Il y a bientôt 30 ans, la loi de 1975 écrivait pour la première fois le droit, pour les personnes handicapée, d’exister à part entière dans la société. Cette loi fondatrice a constitué le fil rouge permanent du regard de la société sur le handicap, sur le droit à la différence.

Est-ce à dire que tous les moyens, toutes les conséquences de cet acte fondateur ont été mis en place au fil du temps pour être à la hauteur de cette ambition ?
Nous le savons, beaucoup trop sont restés sur le bord du chemin de ce droit. Une nouvelle génération de personnes en situation de handicap arrive aujourd’hui à l’âge adulte, se sont les enfants de la loi de 75. Ceux-la et les autres ont aujourd’hui de nouvelles exigences. Elles s’expriment de plus en plus fort. C’est dire si des milliers de regards sont braqués aujourd’hui sur notre hémicycle ! Il serait grave de les décevoir d’autant que les obstacles demeurent.
L’égalité des droits imprescriptibles reste encore trop formelle, alors que les discriminations elles, sont bien réelles.

Les causes de ces blocages, de cette « inaccessibilité au quotidien », ont pourtant été identifiées. D’ailleurs un des derniers rapports du Conseil Economique et Social de sur la « situation de handicap et cadre de vie », pointait bien entendu les « causes sociétales » mais aussi, « la volonté politique globale insuffisamment inscrite dans la réalité ».

A cette occasion, il indiquait notamment, « que le système d’orientation et d’allocation (était) peu favorable à l’autonomie…, que la répartition des compétences conduisait à une dilution des responsabilités…., mais aussi et surtout, que les financements ne permettaient pas les adaptations nécessaires pour remédier à la particularité de chacune des situations… ».
Les personnes handicapées et le monde associatif qui les représente dans leur diversité portent légitimement depuis de longues années déjà cette exigence de concrétisation du « vouloir vivre ensemble ». Avec eux, nous pensons incontournable aujourd’hui de répondre aux aspirations profondes des personnes qui souffrent de n’être que des « citoyens de seconde zone » ; de répondre aux attentes des proches et des professionnels qui oeuvrent au quotidien, de répondre par une prise en compte sociétale innovante et moderne du handicap, conjuguant les particularités des personnes en situation de handicap avec l’impératif d’universalisme républicain.

La loi d’orientation de 1975, en affirmant le devoir de solidarité de la Nation envers les personnes handicapées, devait permettre de sortir de la logique d’assistance et du champ de la réadaptation pour aller vers l’intégration.
La révision de cette loi aurait dû être l’occasion de franchir une étape supplémentaire : rendre enfin effectif l’accès de tous à une citoyenneté ordinaire.
Ce projet de loi est-il cette loi tant attendue, cette loi refondatrice permettant d’appréhender le champ du handicap dans sa globalité, la personne dans son intégrité et sa diversité ?

Nous ne le pensons pas. Nous ne sommes pas les seuls d’ailleurs ; en témoigne le sentiment général de forte déception exprimé par les associations, par les instances consultatives et les organismes de protection sociale. Et, ici-même sur ces banc au sein le la majorité…
Déception d’autant plus grande que les besoins de compensation sont indéniables et, les relégations dont sont victimes les personnes en situation de handicap insupportables.

Déception d’autant plus légitime que les promesses et déclarations du Président Chirac en faveur d’une société sans discrimination annonçaient une « mini révolution ».
Réagissant tout de suite après la présentation en conseil des ministres de ce projet de loi dit pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, j’émettais la crainte que la montagne accouche une fois de plus d’une souris, que tout cela « débouche sur une nouvelle loi à minima, un simple toilettage se limitant à aménager les dispositifs existants et apportant ponctuellement certaines améliorations ».

Aujourd’hui, les auditions conduites ont malheureusement confirmé mes craintes initiales. Les échanges avec les associations, et les organisations syndicales me confortent malheureusement dans cette appréciation que, décidemment, le présent texte n’est pas à la hauteur du troisième chantier présidentiel annoncé comme historique 30 ans après la loi de 75.

A n’en pas douter, notre débat mettra en exergue, si besoin en est encore, le décalage patent dont souffre votre texte, Madame la Ministre, entre l’exposé des motifs ambitieux et la réalité du dispositif. Je développerai ultérieurement.
Ce sera également l’occasion de voir, qu’en fait, il risque de n’être qu’illusion, poudre aux yeux, car conditionné à la question centrale des moyens financiers et humains qui l’accompagnent. Et là, je dois dire, mes chers collègues, et c’est un autre grief majeur que nous faisons, ne pas pouvoir accepter dans ce texte autant d’incertitudes et d’imprécisions.

Je m’explique. Pour les parlementaires communistes, il manque à votre texte, Madame la Ministre, l’essentiel : son ambition budgétaire. La garantie d’un financement pérenne capable de réaliser les objectifs que vous affichez : celui de la non-discrimination, celui du droit véritable à la compensation et enfin celui de l’accès de tous à tout.
Tout d’abord, et cela n’aura échappé à personne, vous n’avez pas fait le choix d’une véritable loi de programmation pluriannuelle.
La force de la présente loi n’en sera que moindre. Mais surtout, le gouvernement échappe, en refusant de s’engager financièrement sur le long terme, à un contrôle régulier de la réalisation effective des décisions prises.

Il lui est facile d’afficher des programmes d’action spécifique complétant la présente loi. Le problème est qu’ainsi les mesures spécifiques apparaissent seulement en annexe du dossier de presse et sans affectation budgétaire.
Ensuite, Madame la Ministre, vous n’avez pas jugé bon de suivre une des recommandations du rapport du Sénat de notre collègue Paul Blanc, invitant le gouvernement, à considérer que la Nation devait se fixer un objectif de rattrapage immédiat, correspondant à la diminution de l’effort budgétaire consacré au handicap enregistré entre 1985 et 2001 (2,1% du PIB ?1,7%).
Le Conseil Economique et Social avance la somme de 6 milliards d’euros supplémentaires en année pleine.
A l’inverse, ce projet de loi s’enferme dans les limites de son financement : 850 millions d’euros, tournant ainsi le dos, notamment à la mise en place d’un véritable droit individualisé à compensation quelle que soit la nature, l’origine ou l’importance du handicap, moyen pourtant indispensable à l’autonomie.
Comme la CNAV et la CNAF, qui ont émis un avis défavorable sur cette loi, nous déplorons effectivement l’insuffisance des moyens au regard des mesures annoncées.

Les administrateurs de ces caisses ont tenu à insister sur « l’absence totale de visibilité sur le financement de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et de sa gouvernance ».
J’entends ici vous reprocher, Madame la Ministre, votre démarche, ou plutôt devrais-je dire la stratégie de morcellement qu’initie à cette occasion le gouvernement consistant à nous faire légiférer à l’aveugle intervenir par le biais de textes législatifs indépendants dans le but, peut-être de masquer une cohérence inavouable.
Comment aujourd’hui discuter de l’instauration d’une prestation de compensation et renvoyer à demain, à un autre projet de loi, déposé lui à l’Assemblée nationale, relatif à la création de la CNSA ?
Sur la méthode, par souci de cohérence et de lisibilité pour le travail parlementaire, nous ne pouvons accepter de telles pratiques.

Sur de nombreux points et non des moindres, cela a pour conséquence de nous priver aujourd’hui d’apprécier sérieusement toute la portée du texte.
Il faudrait vous faire confiance. Voter un dispositif « dont le pilotage reste à préciser », selon vos propos, Madame la Ministre. Et là je fais référence par exemple à la forme juridique des futures maisons départementales des personnes handicapées, à leur mode d’administration. Alors que ces questions font encore l’objet d’une réflexion dans le cadre de la mise en place de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.( et il y en a encore beaucoup d’autres …)

Plus au fond, je tiens à vous faire part de notre profond désaccord concernant la CNSA ; dispositif imaginé par le gouvernement suite à la catastrophe sanitaire de cet été et unanimement rejeté par les organismes de sécurité sociale.
Surfant habilement sur le concept de cinquième risque, le plan dépendance, concocté sans grande concertation, n’est pas destiné à étendre le champ des risques couverts collectivement dans le cadre de notre système de protection sociale solidaire. Il sera bel et bien utilisé pour servir le gouvernement dans son entreprise de démantèlement de notre dispositif historique de sécurité sociale.
Nous rejetons la logique de ce projet, le type d’organisation proposé, les sources et les modalités de financement de la future caisse autonome.
L’exposé des motifs du projet de loi instituant cette caisse est par ailleurs assez pauvre et peu explicite.

Il renvoie, là encore, à un autre projet de loi fixant les contours définitifs de la CNSA. De plus, et cela renforce nos doutes sur ce montage, il est précisé que « cette caisse aura, dans un premier temps, pour seul rôle de contribuer au financement de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ».
Est-ce à dire, Madame la Ministre, qu’elle pourrait demain par exemple, servir à prendre en charge les actes relevant du soin pour les personnes âgées et les personnes handicapées ?

Dans le contexte actuel de réforme en profondeur de l’assurance maladie, n’est-ce pas anticiper sur les intentions du gouvernement qui souhaite dès maintenant ouvrir des fenêtres de partition dans la prise en charge des soins ?
Non seulement, vous n’ambitionnez absolument pas d’asseoir ni d’élargir les missions de la sécurité sociale. Mais, à n’en pas douter, vous cherchez à encourager nos concitoyens à se prémunir individuellement, par l’assurance privée contre le risque de leur propre dépendance.
N’avez-vous pas Messieurs et Mesdames du groupe UMP, déposé tout récemment, sur le bureau du Sénat, une proposition en ce sens ?

Comment aussi ne pas citer l’important chantier de la décentralisation où là encore, l’absence de mise en perspective du présent texte avec cette réforme en discussion aujourd’hui à l’Assemblé Nationale, nous inquiète tout autant.
J’en veux pour exemple le domaine très particulier de la politique en faveur de l’insertion professionnelle des personnes handicapées qui nécessite comme vous le savez, l’intervention de nombreux acteurs, pouvoirs publics, partenaires sociaux, associations.
Nous sommes tous conscients du travail à réaliser pour donner plus de cohérence aux interventions afin d’optimiser l’insertion et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap.

Pourtant, Madame la Ministre, votre projet de loi n’apporte aucune réponse quant aux rôles et missions respectives notamment de l’Etat et de l’AGEFIPH.
Vous vous accommodez des glissements passés, de l’effacement du rôle de l’Etat et des transferts de charges sur l’AGEFIPH. En témoigne notamment le financement par cette dernière des associations de placement au service de l’emploi des personnes handicapées, du réseau Cap Emploi. En témoigne aussi la volonté du gouvernement transcrite dans le projet de loi sur les responsabilités locales de délester l’Etat de sa responsabilité en matière de formation professionnelle, d’orientation, d’accueil des demandeurs d’emploi.

La formation professionnelle conditionne pour beaucoup l’insertion professionnelle durable. Les personnes en situation de handicap bénéficieront-elles encore de programmes spécifiques dans le cadre de la politique de l’emploi ?
Allez-vous conforter les programmes départementaux d’insertion des travailleurs handicapés ?
Vous l’aurez compris, vos choix, ces imprécisions, ces incertitudes quant au financement, ces questions non résolues quant à la répartition des compétences entre les acteurs nourrissent un sentiment bien légitime de perplexité quant à la réalisation des intentions affichées.

S’agissant maintenant des mesures déclinées dans les différents titres du projet de loi, là encore, je suis contrainte de dire que pour beaucoup elles sont en trompe l’œil.
Je ne m’attarde pas sur l’économie générale de votre texte, Madame la Ministre, les grands principes qui le soutendent, la non discrimination, l’accès systématique des personnes en situation de handicap au droit commun, le droit à compensation étant largement consensuel.
Par contre, il convient, sur la base d’exemple, de s’interroger sur la portée de dispositions clé.
Observant la discordance, pour ne pas dire le fossé entre un exposé des motifs généreux et le contenu du projet de loi, tous s’accordent pour reprocher à cette réforme, son manque d’ambition.
Nous partageons évidemment cette analyse, inquiets que nous sommes, à l’instar de la commission nationale consultative des droits de l’Homme, « des modalités concrètes selon lesquelles les personnes en situation de handicap pourront être remplies de leurs droits ».

Concernant tout d’abord la question clé du droit à compensation, permettez-moi, Madame la Ministre, de contester son caractère universel, alors que l’accès à cette prestation sera limité selon les ressources, l’âge et le taux d’incapacité. On est loin de la définition qui a prévalu à la naissance de cette revendication. Et je m’associerai ici aux termes développés par l’APF : « la prestation de compensation doit permettre d’apporter une réponse adaptée et à hauteur des besoins à toute personne en situation de handicap et ce , quel que soit l’âge, la nature et l’origine de sa déficience. Elle doit s’inscrire dans un véritable régime de protection sociale exempt de toute référence aux principes d’assistance. »
Même en détaillant soigneusement sa décomposition, elle reste hybride et illisible. Les aides humaines apparaissent en constituer la portion congrue. Quant aux aides techniques, évidemment attendues, n’aurait-il pas fallu régler définitivement ce problème par une meilleure prise en charge par l’assurance maladie au lieu d’entériner finalement un dispositif qui restera malgré tous les efforts, morcelé et d’une pérennité aléatoire.

En agissant ainsi, le gouvernement se place encore dans une logique d’aide sociale. Il continue de « saucissonner » les droits et les prises en charge et reproduit les incohérences du système actuel. L’exemple de l’AES est à ce titre très probant. Demain, comme l’a déploré l’AFM, les personnes handicapées seront toujours « des objets de soins, d’assistance ou de dépendance ».
Pour qu’il en soit différemment, nous proposerons pour notre part, d’inscrire le droit à compensation comme une obligation nationale à l’égard des personnes en situation de handicap. Nous renforcerons le caractère universel de ce droit et élargirons son contenu notamment en intégrant la prise en compte des besoins des aidants familiaux.
L’objectif étant, tel que vous l’avez souhaité, Monsieur le Rapporteur, dans votre contribution de l’an dernier, je vous cite : « d’obéir à une règle simple mais essentielle : garantir à chaque personne handicapée, la prise en charge intégrale des frais liés à la compensation de son handicap.

Nous insisterons également sur la procédure d’évaluation des besoins de la personne par l’équipe pluridisciplinaire, dans la mesure où le renvoi à un simple décret n’est pas acceptable. Il est plus qu’impératif que la loi garantisse la compétence, l’indépendance des membres qui la composent car les maisons du handicap regroupent en l’état actuel du texte et les financeurs et les décideurs.
De plus, il nous semble que le projet de loi devrait s’attacher résolument à placer la personne handicapée au cœur du dispositif, notamment en affirmant que celle-ci est la plus légitime pour décrire ses besoins au regard de son projet de vie et, in fine, elle est libre de choisir parmi les solutions proposées.

Cette liberté restera virtuelle si les pouvoirs publics ne s’obligent pas à effectivement faire tomber, sur l’ensemble du territoire, toutes les barrières à un accès réel à la vie, à l’éducation, à l’emploi, au logement, aux transports, tout en poursuivant le développement des structures adaptées en fonction des besoins exprimés et ceux qui continuerons de s’exprimer.

Comment enfin, parler de pleine citoyenneté, et là je veux faire référence à la principale frustration ressentie par les personnes à l’égard de ce texte. Comment donc parler de pleine citoyenneté et refuser d’augmenter les ressources de ceux qui, ne pouvant accéder à un emploi, perçoivent l’AAH, égale à 50% du SMIC ?
Si ce projet de loi lève quelques barrières dissuadant les personnes handicapées de s’engager dans l’emploi, notamment en permettant le cumul de l’AAH avec des revenus tirés du travail en milieu ordinaire, il n’en demeure pas moins qu’il continue d’enfermer les personnes dans la subsistance.

Là encore, nous avancerons des mesures visant à permettre aux personnes en situation de handicap d’avoir les moyens de vivre dignement. Sur les droits attachés à ce minimum social, nous réitérerons notre volonté de voir les bénéficiaires de l’AAH être dispensés du forfait hospitalier, être de plein droit titulaire de la couverture maladie complémentaire et ne plus être pénalisés par l’interruption des droits à l’AAH en cas des hospitalisations.

Concernant maintenant l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, je m’interroge sur l’efficacité des mesures envisagées pour dynamiser « l’obligation d’emploi ».
Que l’on se comprenne bien. Je ne suis pas rétive au principe même d’un quota d’emploi à 6%, aux mesures d’actions positives. Je considère juste que le dispositif reste par trop dérogatoire à l’égard des employeurs privés et publics. Ces derniers pouvant toujours s’exonérer de leurs obligations légales.
J’attends de la discussion sur les articles en question qu’elle nous éclaire sur les conséquences de la transposition timide de la directive européenne relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, mettant à la charge de l’employeur une obligation « d’aménagements raisonnables ».
Actuellement, le constat d’inaptitude d’un travailleur au poste qu’il occupe emporte obligation de reclassement, qui n’est pas une obligation de résultat.

Quelle est la portée de cette nouvelle obligation d’aménagement ? Permet-elle réellement d’étendre le champ de la lutte contre les discriminations ?
Par ailleurs, si effectivement l’objectif visé est celui d’une augmentation du taux d’emploi des personnes handicapées, encore faut-il ne pas négliger le fait que pour beaucoup cette insertion professionnelle ou ce maintien dans l’emploi est conditionné par l’existence d’actions volontaristes, tant en matière de formation professionnelle, que d’amélioration des conditions de travail et de sécurité, que du développement de services de médecine du travail indépendants.
Autant d’éléments ignorés superbement.
Pour ce qui concerne les entreprises adaptées et le travail protégé, il ne suffira pas de modifier les mots qui, je le reconnais volontiers ont leur importance, pour gommer les spécificités et les besoins des entreprises adaptées et particulièrement les personnes qui y travaillent.
Là encore, vos propositions, Madame la Ministre s’arrêtent à la porte de leur mise en œuvre.

Par souci de modernité vous souhaitez rapprocher les ateliers protégés de la logique d’entreprise, mais de quelle logique parlons nous ? de celle qui affranchit l’individu par l’autonomie et le respect ou de celle qui aliène sous le joug de la rentabilité et de la discrimination ?
Nous serons donc vigilants, aux côtés de celles et ceux qui chaque jour se mobilisent pour que l’emploi des personnes en situation de handicap ne se dégrade pas plus encore, vigilants pour que ces entreprises adaptées puissent réellement accomplir leur missions indispensable d’accompagnement social.

S’agissant du droit et de l’accès à la scolarisation dans le cadre de l’Education Nationale, le texte prévoit de renforcer le principe de l’accès. Je suis là encore, assez dubitative. En effet le risque est grand, d’un effet boom rang aboutissant au contraire de l’effet d’intégration si, par là même, sans moyens adaptés cela se traduit par la négation du handicap et donc par son exclusion.
De plus, je fais miennes les critiques de l’APAJH ne « retrouvant pas ici les principes qui sont incontournables »…., du droit à l’école de trois à seize ans sans rupture, de l’importance de la prise en charge précoce, avant même l’âge de trois ans. Nous chercherons évidemment sur ce point à renforcer la responsabilité de l’éducation nationale et à mettre l’accent sur les passerelles entre la scolarisation en milieu scolaire ordinaire et en institutions spécialisées.

Sur le champ primordial de l’accessibilité pris au sens large, nous veillerons à donner tout son sens au concept « d’accès à tout pour tous », en intégrant dans ce texte des aspects importants de la vie des personnes, pourtant méprisés par le projet de loi. Je pense bien sûr au droit aux vacances notamment. Nous extrairons, par ailleurs, toutes les dispositions atténuant la porté normative du principe d’accessibilité des bâtiments et transport. Les multiples dérogations prévues seront rendues exceptionnelles. Elles ne pourront être d’ordre économique. Chacun, collectivités comme particuliers, devant désormais intégrer cette dimension, nous encadrerons dans le temps sa réalisation.

S’agissant enfin, d’un autre volet important du texte ayant trait à la simplification, je suis partagée entre une appréciation positive, le guichet unique est attendu par les personnes en situation de handicap, en regroupant l’ensemble des commissions existantes en une seule, il permettrait d’avoir un seul interlocuteur, et donc une qualité d’écoute ainsi que des réponses efficaces aux situations diverses.
Et, un sentiment négatif, puisque une fois de plus, Madame la Ministre, vous n’êtes pas allé au bout de la démarche.
Les maisons départementales du handicap apparaissent dans votre texte, comme un lieu, non pas d’écoute et d’accompagnement de la personne, mais comme un simple lieu de distribution de prestations.

En consacrant la départementalisation de la prise en compte et de la compensation du handicap, vous prenez le risque d’accentuer encore davantage les inégalités de traitement. En effet, les équipes pluridisciplinaires ne sont pas labellisées ; leur indépendance vis-à-vis de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées n’est pas garantie ; les voies de recours contre les décisions des commissions des droits ne sont pas prévues ; enfin, l’Agence Nationale du Handicap, présidant pourtant au départ de la concertation et devant garantir l’égalité de traitement sur le territoire a disparu du texte.

Il nous apparaît inacceptable de ne pas organiser l’indépendance et la transparence des deux fonctions fondamentales que sont l’évaluation et de financement courrant ainsi le risque d’être confronté au piège d’un dispositif à la fois juge et partie.
Voilà brossées rapidement les principales critiques et propositions que nous ne manquerons pas de reformuler lors de l’examen des articles.

Pour conclure, permettez-moi de vous redire, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les sénateurs, notre grande inquiétude face à ce projet de loi d’affichage, fait de lacunes et de contradictions. Texte que nous chercherons substantiellement à améliorer mais dont nous savons qu’il n’est pas « susceptible de changer fondamentalement la vie des personnes en situation de handicap » pour reprendre l’appréciation de l’AFM.

C’est en pleine connaissance des données démographiques et des besoins de la population en perte d’autonomie ou, en situation de handicap que le gouvernement s’accommode de solutions a minima, à courte vue, nous donnant un nouvel exemple de sa conception particulière de la solidarité nationale.

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