Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Egalité des chances et CPE : explication de vote à propos du contrat première embauche
Par Roland Muzeau / 1er mars 2006En introduisant par voie d’amendement un dispositif rejeté par les Français, non examiné par les partenaires sociaux, à un texte sur lequel l’urgence était déclarée, M. de Villepin a montré, une nouvelle fois, qu’il était l’homme de tous les coups de force.
Coup de force pour imposer un projet condamné par la jeunesse et par tous les syndicats. Coup de force permanent contre la démocratie et le Parlement, confirmé au Sénat où les parlementaires de la majorité muselés ont respecté la consigne donnée de ne pas amender un article. Aucun des 81 amendements de l’opposition n’a été retenu. L’U.M.P., « droite dans ses bottes », s’est bouché les oreilles. Résultat : le C.P.E. est en passe d’être adopté conforme, malgré les questions qu’ils soulève.
Coup de force idéologique également, puisque le C.P.E. s’impose désormais comme la clé de voûte d’un projet de loi portant sur l’égalité des chances alors que justement, il légalise la précarisation des conditions d’existence des jeunes salariés.
Nous ne pouvons accepter, qu’au nom de l’emploi, ce gouvernement légitime toute une série de réformes accentuant l’insécurité sociale des salariés. Le C.P.E., comme le C.N.E., viennent répondre aux demandes du Médef et des ultralibéraux, attribuant au Code du travail, aux droits et garanties collectives, la responsabilité du chômage. Ils répondent à leur désir d’une liberté quasi complète du licenciement.
Avant tout, ces nouveaux contrats - échéances de 2007 obligent - visent à une diminution rapide des chiffres du chômage. Le gouvernement cherche à doper les embauches et non à augmenter le volume d’emplois, à substituer des emplois très précaires à d’autres emplois déjà précaires.
Les premières enquêtes sur le C.N.E. confirment son effet limité sur les créations nettes d’emplois. D’après les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, il n’aurait créé que 70 000 postes. De plus, écrivent-ils, « il est possible que ces emplois crées soient détruits afin d’éviter d’entrer dans un régime de protection de l’emploi contraignant, un C.D.I. avec déjà deux ans d’ancienneté ». En revanche, l’impact négatif du C.N.E sur les conditions de vie des salariés est réel.
Le C.P.E. étant un copié-collé du C.N.E., ses effets seront identiques et tout aussi redoutables.
Nous avons démontré au fil de nos amendements, qu’il soulevait d’abord une question de principe dans la mesure où, contrairement à la convention n° 158 de l’O.I.T., ratifiée par la France, il permet de licencier un travailleur sans motif valable et sérieux et sans procédure contradictoire. En excluant en raison de leur âge, une catégorie de salariés, des garanties de droit commun en matière de licenciement, il introduit une discrimination injustifiable entre les jeunes de moins de 26 ans et les autres salariés. Plus grave peut-être encore, nous avons montré que le fait de pouvoir être licencié à tout moment, pendant deux ans, déséquilibrait la relation de travail au profit de l’employeur, mettait les jeunes dans une position de totale soumission et les exposait à l’arbitraire. Bref, que le C.P.E. précarisait les conditions d’existence des jeunes salariés en laissant ces derniers « dans un état de parfaite indétermination quant à leur avenir ».
Convaincus de la perversité immédiate du C.P.E. pour le jeune salarié et des dangers potentiels qu’il recèle pour l’ensemble des salariés - ce contrat n’étant qu’une première étape dans la réforme voulue du contrat de travail en général - nous voterons résolument contre. Pour reprendre la conclusion d’une tribune libre publiée dans Le Monde, d’un collectif de juristes de droit social, « non décidément, l’espoir très aléatoire d’une amélioration de l’emploi ne peut justifier l’existence d’une catégorie de salariés corvéables à merci et l’effacement de 32 années d’acquis sociaux, ainsi que la négation de principes fondamentaux internationalement reconnus ».
Nous sommes aux côtés de ces salariés, dans cet hémicycle comme dans la rue et nous voterons contre ce C.P.E.