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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Journée de solidarité

Par / 9 avril 2008

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui ne représente qu’une adaptation technique, destinée à répondre à la demande pressante du patronat, notamment à l’industrie du tourisme, et j’ai bien entendu les derniers commentaires de M. Louis Souvet concernant la Feria de Nîmes ou le transport routier.

Elle prévoit de donner toute liberté aux partenaires sociaux, particulièrement au MEDEF, pour ajuster les modalités de cette journée de travail supplémentaire.

À ce titre, elle n’appelle guère de commentaires de notre part sur le texte lui-même. Je soulignerai simplement que notre collègue André Lardeux, dans son rapport, nous présente une réforme - la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et son pendant, la journée de travail non rémunérée - comme un succès qui serait une oeuvre de solidarité nationale largement approuvée par nos concitoyens, alors qu’elle apparaît, au mieux, comme un coup d’épée dans l’eau.

M. le rapporteur omet également, en tentant de justifier cette taxation des seuls salariés, de rappeler que cette invention provient de ceux-là mêmes qui ont instauré les franchises médicales pour faire payer aux malades le prix de leur maladie, qui veulent porter atteinte à la prise en charge à 100 % des affections de longue durée, qui ont préféré taxer les préretraites plutôt que les stock-options et, enfin, qui ont voté, en juillet dernier, 15 milliards de cadeaux fiscaux pour les plus nantis.

Comment s’étonner aujourd’hui que les caisses soient vides et qu’il faille encore rechercher des économies - plusieurs milliards d’euros - toujours dans les poches des mêmes personnes à travers la « modernisation des politiques publiques » ? Tout se tient, mais le Gouvernement se situe dans une logique et nous dans une autre ! C’est pourquoi je crois bon de vous rafraîchir la mémoire.

Cette proposition de loi nous ramène, à l’occasion d’un débat comme toujours tronqué, à des questions fondamentales sans cesse éludées par le gouvernement actuel et par ceux qui l’ont précédé.

Je suis, pour ma part, convaincue que la spectaculaire croissance de l’espérance de vie - vous avez rappelé tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, que le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingts ans s’élèvera à deux millions en 2015 - appelle une réflexion et des mesures à la hauteur d’un enjeu fondamental, à savoir la place que notre société veut attribuer à chacun de nous et tout au long de la vie, avec, bien sûr, les moyens permettant de répondre à la sous-estimation des besoins des personnes âgées dans notre pays.

Déjà, la loi du 21 juillet 2001 créant l’APA avait suscité au sein de mon groupe des objections qui se révèlent aujourd’hui encore fondées. Même si elle constituait un progrès par rapport au dispositif précédent, à savoir la très inégalitaire PSD, ou prestation solidarité dépendance, l’APA maintenait, avec ses conventions tripartites instaurées, une forte inégalité de traitement entre domiciles et établissements.

Le financement « à tuyauterie » - passez-moi l’expression, mes chers collègues - avait très rapidement été insuffisant. Nous avions également déploré que le Gouvernement ne prenne pas d’engagement quant au nombre d’établissements à créer ou à l’augmentation significative des personnels formés. Enfin, la condition d’âge de soixante ans était maintenue.

À l’époque, nous étions déjà convaincus qu’il fallait créer un cinquième risque - on en a beaucoup parlé aujourd’hui - afin que la dépendance relève de la solidarité nationale.

En mai 2004, lorsque le Sénat examina le projet de loi relatif à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées, nous affirmions assister à une régression sociale sans précédent, ainsi qu’à une décentralisation à haut risque des questions liées à la dépendance et au handicap, avec pour conséquence que l’égalité des droits ne serait assurée ni sur l’ensemble du territoire ni selon le degré de dépendance. C’est pourquoi mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même nous étions prononcés contre un texte qui n’était que de la poudre aux yeux.

Depuis lors, cette orientation s’est malheureusement confirmée. La création, dans le texte précité, d’une Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, au statut incertain et au périmètre grossièrement défini, constituait déjà, selon nous, l’amorce d’une protection séparée pour les personnes âgées et les personnes handicapées, en contradiction avec les principes de l’assurance maladie, qui a vocation à couvrir tous les besoins de toutes les catégories de la population.

Les associations comme les organismes de sécurité sociale n’avaient d’ailleurs pas été dupes : ils ont rejeté massivement cette rupture du pacte de solidarité. Je vous rappelle, en effet, madame la secrétaire d’État, que l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, la CNAF, la Caisse nationale d’allocations familiales, et la CNAM, la Caisse nationale d’assurance maladie, avaient repoussé unanimement ce dispositif.

Cette volonté de « mettre à part » les personnes âgées et handicapées représentait, en effet, une remise en cause de la solidarité entre les bien portants et les malades, entre les cotisants et les autres. Voilà qui nous rappelle les franchises médicales ! La logique suivie est toujours la même.

La réflexion qui avait présidé à la création de cette caisse signifiait clairement que le vieillissement et la dépendance n’auraient plus vocation à être pris en charge par la solidarité nationale.

Dans le même esprit, il existe, selon moi, un risque de privatisation de la prise en charge de la dépendance, en raison de la volonté clairement affichée par le Gouvernement de privilégier la prévoyance individuelle et assurantielle en matière d’autonomie. Les grandes compagnies d’assurance sont d’ailleurs bien conscientes du marché qui leur est ouvert.

De la même façon, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a institué une prestation de compensation dont le financement reste des plus flous, puisqu’il émarge, lui aussi, à la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Je n’aurai garde d’oublier, dans cette « panoplie », la loi relative aux libertés et responsabilités locales, qui, je le rappelle, a transféré aux départements l’entière responsabilité des trois grandes allocations de solidarité, à savoir le RMI, l’APA et la PCH, la prestation de compensation du handicap, sans avoir l’assurance qu’une dotation couvrirait intégralement les charges transférées.

En effet, le problème de ces prestations demeure, plus que jamais, la répartition de leur financement entre l’État, via la CNSA, et les départements.

Alors qu’une répartition équitable était prévue à l’origine, la participation de l’État a chuté, ce qui suscite des disparités importantes entre les départements. Or l’APA, comme la PCH ou le RMI, constitue une prestation sociale universelle dont les conditions d’attribution sont fixées nationalement par l’État.

Pour dégager des ressources nouvelles, les conseils généraux ne peuvent donc qu’alourdir la fiscalité qui pèse sur les ménages via la taxe d’habitation. Tout se tient : on prend toujours dans les mêmes poches !

Finalement, le débat de fond, que les gouvernements ont sans cesse éludé, concerne bien la définition d’un droit à compensation universel et son financement, fondé sur l’expression d’une réelle solidarité, comme celle qui présida en 1945 à la création de la sécurité sociale sous l’égide du Conseil national de la Résistance.

A contrario, à l’époque, nous avions proposé de créer un cinquième risque de sécurité sociale, portant sur la dépendance, l’incapacité ou la perte d’autonomie, sans discrimination quant à l’âge de la personne ou l’origine de son handicap. En effet, il ne doit pas y avoir de morcellement des mesures séparant les personnes âgées et les personnes handicapées ; ainsi pourrons-nous répondre aux besoins de nos concitoyens les plus fragilisés, de façon plus cohérente, plus universelle et plus solidaire et sans instituer des barrières d’âge, comme il en existe actuellement.

Quant au fond, la question est bien celle-ci : quelle solidarité souhaitons-nous pour la France du XXIe siècle ? Nous, nous voulons continuer de nous fier à la prise en charge collective, qui se trouve au fondement de notre protection sociale depuis 1945 ; vous, madame la secrétaire d’État, vous entendez nous faire croire que ces questions doivent désormais relever de l’initiative privée, de la couverture individuelle d’un risque, comme pour l’assurance automobile.

Pour toutes ces raisons, et surtout parce que notre conception de la solidarité est bien différente de la vôtre, nous voterons contre ce texte.

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