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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les contradictions socialistes vis-à-vis de l’Union européenne

Droits syndicaux en Europe -

Par / 10 décembre 2009

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne déposée par nos collègues du groupe socialiste et qui vise à réviser la directive de 1996 sur le détachement des salariés a été accueillie favorablement par les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, mais également avec des sentiments partagés.

Bien entendu, nous sommes favorables à toute initiative législative ayant pour objectif une amélioration des droits individuels et collectifs des travailleurs ; aussi cette proposition de résolution, qui vise le respect du droit à l’action collective et plus généralement des droits syndicaux en Europe dans le cadre du détachement des travailleurs ne nous est-elle pas indifférente. Nous en partageons pleinement les constats et soutenons notamment la demande d’introduction d’une clause de progrès social donnant la primauté aux droits sociaux sur ceux du marché intérieur.

Cependant, et c’est la raison de l’accueil mitigé que cette proposition a reçu de mon groupe, la démarche de nos collègues socialistes ne manque pas de susciter des interrogations, notamment concernant leur position à l’égard de l’Union européenne, qui contient selon nous de très grandes contradictions, voire constitue une véritable tentative de concilier l’inconciliable.

En effet, la dérive libérale et la remise en question des droits sociaux au sein de l’Union européenne, constatées et dénoncées avec justesse dans cette résolution, ne sont que les résultats de choix politiques approuvés par le Parlement européen avec les voix socialistes, le Parti socialiste européen ayant voté la plupart des textes européens dont la conjonction aboutit à la situation déplorée aujourd’hui.

Nos positions respectives sur l’Union européenne et le traité constitutionnel européen ont été longuement exposées au sein même de cet hémicycle. Nous avons été le seul groupe à voter et à appeler à voter « non » lors du référendum sur ce texte en 2005.

Non pas que nous soyons contre l’idée d’Union européenne ; et vous le savez bien, nos précédents votes et prises de position sont assez clairs sur ce point. Mais nous avions appelé à voter contre cette Europe-là, celle du marché et de la concurrence libre et non faussée, la même dont on déplore aujourd’hui les abus, et qui menace les droits des salariés, …

M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Mais c’est aussi celle de la Charte des droits fondamentaux !

Mme Annie David. Mon cher collègue Denis Badré, je vous ai laissé parler, bien que n’étant pas en accord avec vos propos ; je vous remercie de faire de même.

M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Je faisais juste un rappel !

Mme Annie David. … cette Europe, disais-je, dont nous redoutions le risque qu’elle conduise à un abaissement des exigences sociales et à un nivellement par le bas des droits des citoyennes et citoyens de l’Union européenne. Non, cette Europe-là, nous ne la cautionnons pas et ne la cautionnerons jamais.

Nous pensons que les risques sociaux contenus aujourd’hui dans l’Union européenne vont bien au-delà des craintes que suscitent les jurisprudences récentes de la Cour de justice des communautés européennes, la CJCE.

Ces jurisprudences ne sont que le révélateur d’une construction européenne qui prétend concilier développement économique et promotion des droits sociaux mais qui, en dernière analyse, a sciemment décidé de faire primer le premier sur la seconde.

Cependant, une fois rappelée notre volonté de construire une Europe des peuples, une Europe solidaire et fraternelle, plutôt que de nous abstenir, nous avons décidé de soutenir ce texte et de saisir cette occasion pour tenter de changer ce qui peut l’être. Nous ferons donc des propositions pour renforcer encore les exigences de ce texte quant aux droits à l’action collective des travailleurs, même si nous sommes bien conscients que notre marge de manœuvre est pour le moins réduite.

Ainsi, dans quatre arrêts qui illustrent cette question, et je vous proposerai dans un instant un amendement qui ajoute ce quatrième arrêt dans la résolution, les droits du marché ont-ils primé sur les droits des salariés à exercer une action collective.

Aujourd’hui, si le droit de mener une action collective est considéré par la CJCE comme « un droit fondamental », son exercice est soumis à des restrictions qui l’obligent à s’effacer devant un autre principe jugé plus fondamental encore, celui du libre exercice des prestations de service. Notre collègue Richard Yung a d’ailleurs mentionné tout à l’heure le cas de ces marins finlandais à qui on voulait imposer le droit letton, et dont le mouvement de grève a été déclaré illicite.

L’adoption de la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services a certes présenté un progrès par rapport à la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, qui aboutissait souvent à appliquer au contrat de travail la loi du lieu de résidence habituelle du travailleur détaché, c’est-à-dire la loi la « moins-disante », avec tous les risques de violation des droits des travailleurs et de dumping social que cela pouvait comporter.

La directive de décembre 1996 impose au contraire le droit du travail du pays d’accueil pour les travailleurs détachés. Ainsi, elle donne corps au vieil adage selon lequel « À Rome, il faut vivre comme les Romains ! ».

Cependant, l’interprétation faite par la CJCE de l’article 49 du traité instituant la Communauté européenne fait que cette directive se retrouve aujourd’hui presque entièrement vidée de sa substance.

Le noyau dur de règles impératives qu’elle contient se réduit et toutes les actions que les salariés mettent en place pour en faire assurer le respect sont condamnées comme étant contraires au principe de libre exercice des prestations de service.

Aujourd’hui, malgré toutes les déclarations d’intention des textes fondateurs, les droits économiques priment sur les droits sociaux. Il faut d’urgence changer le curseur de place. Si un juste équilibre de ces intérêts peut être atteint, nous l’appelons de nos vœux. Mais s’il doit y avoir hiérarchie des normes, nous pensons que celle-ci doit se faire en faveur des salariés.

Pour conclure, après avoir rappelé notre souhait de construire une Europe des peuples et notre entente sur les constats formulés, nous vous proposerons de compléter cette résolution par l’inscription d’une série de droits pour les salariés qui s’articuleront autour de trois axes.

Tout d’abord, nous souhaitons améliorer l’information dont vont pouvoir disposer les travailleurs détachés au sein de l’Union.

Nous souhaitons ensuite développer la coordination entre les administrations des États membres et renforcer l’effectivité des sanctions qui pourront être prononcées en cas de violation des obligations découlant de textes communautaires.

Enfin, devant la remise en question du droit à l’action collective - et notamment du droit de grève -, nous proposerons également que celui-ci soit intégré dans le noyau dur des droits que tout État doit accorder à un salarié détaché.

Certes, nous avons bien conscience qu’au sein des 27 États membres, ces droits n’ont pas le même contenu et n’offrent pas le même niveau de protection juridique. Cependant, et c’est là l’objectif de la construction européenne, nous estimons qu’il faut tendre à améliorer les conditions de vie et de travail de chacune et chacun de nos concitoyens européens et mettre en œuvre, en quelque sorte, l’Europe du mieux-disant social !

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