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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Menaces sanitaires de grande ampleur

Par / 23 janvier 2007

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre système de santé est-il capable de faire face à une menace sanitaire de grande ampleur ? Telle est la question importante qui est posée au travers de la proposition de loi que nous présente notre éminent collègue M. Giraud.

Mis en cause à plusieurs reprises ces dernières années, notre système d’alerte a dû déjà s’adapter. En créant dans un premier temps le plan et le fonds Biotox, en légalisant et en renforçant les plans blancs ensuite, ces réformes ont permis d’avoir un système plus réactif, salué par l’OMS.

Pour autant, notre système n’est pas exempt de certaines fragilités dont les conséquences pourraient être dramatiques. L’épisode de décembre dernier a ainsi de quoi inquiéter. En l’absence de toute épidémie, des difficultés de prise en charge des patients ont été identifiées, qui ont nécessité le déclenchement du pré-plan blanc par la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère de la santé, les fêtes de fin d’année ayant suffi à dérégler l’ensemble du système de santé.

Les services d’urgence, qui fonctionnent à flux tendus permanents, s’avèrent ainsi durablement en difficulté pour faire face aux phénomènes de surcharges, la permanence des soins de ville n’étant pas toujours effective.

Plus inquiétant encore : l’Association des médecins urgentistes hospitaliers de France a pu constater de sérieuses défaillances dans la réactivité du système de veille et d’alerte, la gravité de la situation n’ayant été portée à la connaissance du ministre que beaucoup trop tardivement, alors que le système de santé était déjà en situation de grande vulnérabilité.

La question étant posée, encore faut-il se demander si les mesures prévues dans la présente proposition de loi sont adaptées. Je n’en suis pas personnellement convaincu. Cette proposition de loi souligne surtout, me semble-t-il, les limites d’une politique de sécurité civile et de sécurité sanitaire dans laquelle l’État, s’étant progressivement coupé des moyens opérationnels de gestion des crises, ne joue plus le rôle qui devrait être le sien.

Que nous propose en effet notre collègue Francis Giraud ? Il s’agit à la fois de créer une réserve sanitaire sur le modèle de la réserve civile et d’instituer un établissement public administratif chargé de gérer le fonctionnement de cette réserve et de faire office de laboratoire pharmaceutique en tant que de besoin.

Pour ce qui est de la réserve sanitaire, on est en droit de s’interroger sur le sens d’une telle création et sur son articulation avec les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, et les autres réserves déjà existantes ; je pense en particulier à la réserve civile, créée par la loi de 2004 de modernisation de la sécurité civile. Cette réserve a en effet été instaurée afin d’accroître la capacité des effectifs de secours en cas de crise. Elle permet, sur la base du volontariat, une mobilisation facultative de tout le personnel compétent, y compris des professionnels de santé.

Pourquoi donc ne pas avoir choisi de modifier le fonctionnement et la composition de la réserve civile plutôt que d’instituer une nouvelle réserve spécifiquement sanitaire ? Ne risque-t-on pas de créer des doublons et des difficultés de coordination opérationnelle ? Un tel choix est-il cohérent avec l’observation faite par les auteurs de la proposition de loi, à savoir qu’une pandémie aurait des conséquences non seulement sanitaires, mais également économiques et sociales, ce qui nécessiterait une mobilisation de tous les acteurs ?

La volonté de donner un statut plus protecteur aux professionnels de santé réservistes ne semble pas être un argument déterminant, même si c’est une bonne chose.

En réalité, l’intérêt essentiel de la réserve sanitaire réside dans son rattachement à l’échelon national, alors que la réserve civile tient ses limites, nous l’avions dénoncé fortement à l’époque, dans son rattachement à l’échelon communal et départemental, ce qui coupe l’État des moyens opérationnels.

La création d’un établissement public administratif chargé d’administrer cette réserve comme de faire office, si besoin est, de laboratoire pharmaceutique semble également aller dans le même sens, celui d’une complexité accrue et d’un retrait de l’État.

D’une part, on est en droit de s’interroger sur l’opportunité de créer un nouvel établissement public dans le domaine de la sécurité sanitaire, qui se caractérise malheureusement déjà par une prolifération des acteurs et des structures, source de complexité, de redondances et de lenteur.

Parmi les structures existantes, il était facile d’en trouver une - je pense notamment à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS - qui puisse assurer les fonctions dévolues à ce nouvel établissement public. Qu’apporterait ce nouvel établissement public ? Il ferait office de laboratoire pharmaceutique. Le système de réquisitions ne serait-il pas plus efficace et plus souple ?

D’autre part, confier à un établissement public des missions jusqu’ici dévolues aux services de l’État en matière de coordination et de planification, n’est-ce pas encore une fois amputer l’État de ses capacités d’action ?

Seules les mesures relatives à la prévention des ruptures de stocks nous paraissent réellement pertinentes. Cependant, elles auraient peut-être mieux trouvé leur place dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament que nous examinerons demain. Mais il n’est pas trop tard pour le faire et j’essaierai de m’y employer.

En réalité, le système proposé nous paraît être davantage un trompe-l’oeil : derrière un argument de coordination nationale, il entérine en le masquant le désengagement l’État.

Ainsi, la reprise du fonds Biotox par l’EPA, s’il permet de limiter les effets de dispersion structurelle, ne s’accompagne pas des garanties posées sur l’initiative du Sénat, à l’automne dernier, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, tendant à assurer la participation de l’État à hauteur de 50 %. Je sais que, sur ce point, monsieur le rapporteur, vous êtes d’accord avec moi.

Le délestage sur l’assurance maladie est au contraire acté dans cette proposition de loi puisque l’on décide d’autoriser le dépassement du seuil de financement par l’assurance maladie à plus de 50 % tandis que l’État ne devient qu’un contributeur parmi d’autres.

On aurait également tort de faire l’impasse sur le désengagement financier de l’État dans la sécurité civile : l’Assemblée des départements de France a récemment évalué la part des départements dans ce secteur à plus de 50 % et prévoit une augmentation de 7 % à 8 % par an de cette part des collectivités locales sur une période de trois ans.

La protection des populations dans le domaine sanitaire, comme dans celui de la sécurité civile, relève des missions régaliennes de l’État, qui doit en assurer la charge et financer les mesures d’anticipation. C’est pourquoi, malgré la pertinence des questions qui sont posées, nous ne pourrons pas accepter, monsieur Giraud, les solutions que vous nous proposez.

En conséquence, le groupe communiste républicain et citoyen s’abstiendra sur ce texte.

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