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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Poursuivre le débat d’aujourd’hui est vain

Financement de la sécurité sociale pour 2014 (nouvelle lecture) : question préalable -

Par / 28 novembre 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec l’ensemble de mes collègues du groupe communiste, républicain et citoyen, nous avons pris une décision importante. Nous l’avons prise à contrecœur, mais il s’agit pour nous de témoigner de la gravité de la situation.

Pour la première fois depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République, nous sommes en effet contraints de soutenir une motion tendant à opposer la question préalable sur un texte aussi important qu’un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous y sommes contraints tant par le contenu du texte que par le contexte.

Comment ne pas nous souvenir qu’en première lecture, après trois jours de débats, le Gouvernement a, par votre voix, madame la ministre, fait le choix de recourir à deux procédures lourdes de conséquences : le vote bloqué et une demande de seconde délibération générale, réécrivant l’ensemble du projet de loi, pour en revenir au texte que vous aviez imaginé ?

Cette décision, mes chers collègues, n’est pas anodine, ni pour notre assemblée, ni pour la démocratie.

Madame la ministre, c’est un très mauvais signal que vous avez envoyé – en tordant, en quelque sorte, le cadre constitutionnel – afin que votre gouvernement ne soit pas confronté à la même situation qu’avec les retraites, quand le groupe socialiste a été contraint de voter contre un projet de loi qui, même réécrit, apparaissait comme vôtre.

Certes, la seconde délibération est prévue par l’article 43, alinéa 4, de notre règlement. Il n’en demeure pas moins que son utilisation, aussi large, pour récrire l’ensemble d’un projet de loi, est choquante. Elle est même violente : en la couplant au vote bloqué, vous niez tout à fait le travail et la réalité du Sénat.

Pour justifier le recours à ces deux procédés, vous avez affirmé, madame la ministre, qu’en agissant de la sorte, vous vouliez éviter – ce sont vos propres termes – « à un vote qui ne traduisait pas la réalité de cet hémicycle ».

Mais de quelle réalité s’agit-il, si ce n’est que, au Sénat, vous ne disposez pas d’une majorité pour faire aboutir des projets de lois de finances ou de financement qui s’inscrivent – nous le déplorons – dans la continuité de l’action du gouvernement précédent…

La « réalité de cet hémicycle », c’est celle-là !

Ce que vous avez voulu, en fait, c’est permettre au groupe socialiste de voter pour le projet de loi, quitte à méconnaître au passage le travail de notre Haute Assemblée et à supprimer les amendements adoptés à l’initiative de notre rapporteur général – nous ne les avons pas nécessairement soutenus, mais leur adoption témoignait d’une certaine forme d’accord et de consensus au Sénat.

Cette réalité-là, vous avez également fait le choix de l’ignorer, au point notre rapporteur général, je le constate, n’a déposé aucun amendement à l’occasion de cette nouvelle lecture. N’est-ce pas indirectement un constat d’échec, les travaux du Sénat n’étant pas reconnus dans les faits ?

Face à cette façon de mener le débat parlementaire, mon inquiétude est grande. En réalité, le Sénat n’est pris en considération que lorsqu’il apporte un soutien indéfectible à la politique du Gouvernement. Ce n’est vraiment pas notre conception de la politique !

Madame la ministre, si je voulais être provocatrice, je dirais que ce processus s’apparente à un vote de confiance, ne laissant pas d’autres choix aux parlementaires que d’être derrière vous, ou contre vous.

Et si je dis « parlementaires » et non « sénateurs », c’est à dessein, puisque vous avez eu recours au même procédé à l’occasion de l’examen par les députés du projet de loi portant réforme des retraites – à ceci près qu’à l’Assemblée nationale vous avez, à vous seuls, la majorité absolue. C’est donc contre votre propre camp que vous l’avez utilisé…

Et pour cause ! Une partie des députés socialistes sont hostiles à l’article 4 de la loi sur les retraites, qui prévoit le gel des pensions des retraités pendant six mois. Il aura fallu, pour les convaincre de voter le texte final, que vous vous engagiez, au cours de la nouvelle lecture du PLFSS, à revaloriser au 1er avril et au 1er octobre les retraites les plus basses.

Cette annonce nous conduit d’ailleurs à vous interroger sur la manière dont vous entendez financer cette mesure nouvelle. Bien qu’elle soit intervenue durant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, elle n’a fait l’objet d’aucun amendement tendant à rectifier les dépenses. Pourtant, cette revalorisation devrait entraîner une moindre réduction des dépenses. Nous ne sommes pas opposés à cette mesure, mais le principe de sincérité budgétaire nous conduit à vous demander comment vous allez équilibrer les comptes.

Tout cela me conduit, après être intervenue sur la forme, à en venir au fond, les deux étant étroitement liés, puisque ce sont bien vos options politiques qui vous privent de majorité et vous conduisent à recourir à de tels procédés.

Dans le même temps que vous annonciez la revalorisation des pensions pour les bénéficiaires de l’ASPA, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, vous décidiez aussi un « coup de pouce » de 50 euros destiné à permettre aux retraités de souscrire une assurance complémentaire. Disons-le clairement, dans le contexte actuel, cette mesure est positive, tant le nombre de retraités non couverts par un contrat d’assurance santé complémentaire est important. Les plus modestes renoncent à ces contrats, qu’ils jugent trop onéreux ou que, tout simplement, ils ne peuvent plus financer.

Or l’augmentation de cette l’aide pour l’acquisition d’une assurance complémentaire santé, dite ACS, est financée par le fonds CMU-C, qui n’est lui-même abondé que par les organismes mutualistes ; c’est-à-dire que l’État ne le finance plus. Au final, les seuls à contribuer sont les mutualistes, donc, les salariés ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

En décortiquant le dispositif, on s’aperçoit que, derrière une mesure apparaissant juste de prime abord, s’organise en réalité une solidarité entre ceux qui, bien que modestes, peuvent s’offrir une mutuelle, et ceux qui ne le peuvent pas.

Les revenus des capitaux dédiés à la spéculation, les rentes financières et immobilières sont, encore une fois, épargnée.

À peine Jean-Marc Ayrault a-t-il annoncé une réforme fiscale et Pierre Moscovici un gel des impôts que vous les faites en quelque sorte mentir. En effet, aujourd’hui plus qu’hier, vous faites jouer aux mutuelles et aux assurances santé complémentaires une mission de percepteurs qui n’est pas la leur. En effet, pour financer le renforcement de l’ACS, plutôt que d’instaurer un financement dédié, vous mettez à contribution les mutuelles. Or ces dernières n’auront pas d’autres choix que d’augmenter leurs tarifs. Elles devront également le faire pour supporter la ponction de 150 millions d’euros que vous leur imposez au titre du financement des nouveaux modes de rémunération.

Qui plus est, vous avez renoncé à revenir sur le doublement de la taxe sur les contrats d’assurance que la droite avait imposé sur les contrats responsables. Non seulement cette taxe est maintenue – alors qu’en 2011 il se trouvait au Sénat une majorité pour la supprimer –, mais vous avez fait le choix, au titre de l’équité, d’augmenter la taxe sur les contrats non responsables.

Autrement dit, votre conception de la justice sociale, c’est que, pour rendre une taxe injuste plus acceptable, vous augmentez une autre taxe ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Michelle Meunier. Vous exagérez !

Mme Laurence Cohen. Toujours sur ce sujet important du rôle et de la place des organismes complémentaires, nous contestons aussi – comme nous l’avons fait dans l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 – les clauses de désignation, rebaptisées « clauses de recommandation ».

Sous prétexte de réduire le reste à charge supporté par nos concitoyens, vous incitez fiscalement les employeurs à souscrire des contrats d’assurance complémentaires pour leurs salariés et à opter pour ceux qui sont recommandés par la branche.

Nous n’y serions pas opposés, si un tel mécanisme ne s’accompagnait pas d’importantes exonérations de cotisations sociales, de l’ordre de 2,5 milliards d’euros. Au final, sous le prétexte de développer l’étage complémentaire de notre sécurité sociale, vous appauvrissez volontairement le seul bien commun à tous les salariés : la sécurité sociale obligatoire…

Et, lorsque les employeurs ne jouent pas le jeu, ils ne perdent pas pour autant le bénéfice des exonérations de cotisations sociales, puisqu’ils ne seront finalement soumis qu’au forfait social. Les employeurs qui jouent le jeu, comme ceux qui ne le jouent pas, peuvent toujours compter sur vous pour pouvoir contourner les règles relatives au financement de notre système de sécurité sociale !

Cette obstination est incompréhensible, car la preuve est faite que tous les cadeaux accordés aux grandes entreprises n’ont aucune conséquence positive et ne font qu’encourager le MEDEF à en demander toujours davantage. Pourtant, vous pourriez enfin vous saisir de nos amendements que, dans un passé qui n’est pas si lointain, nous votions ensemble…

Je le dis avec d’autant plus de passion que les salariés, eux, auront moins de chance, puisque les contributions patronales à ces mutuelles seront désormais réintégrées dans le revenu net imposable. Demain, certains salariés pourraient donc devenir imposables, comme tant d’autres le sont devenus – de même que des retraités – en raison du maintien du gel du barème de l’impôt sur le revenu.

En première lecture, mon collègue Dominique Watrin et moi-même étions intervenus pour dénoncer un ONDAM insuffisant, en baisse importante par rapport à celui qui avait été arrêté l’année dernière. Nous vous avions dit combien cet ONDAM allait peser lourd sur les établissements publics de santé, qui sont confrontés à des difficultés financières majeures – je crois que nous en sommes tous témoins quand nous visitons nos hôpitaux, en Île-de-France ou ailleurs.

Vous ne nous avez pas écoutés, et le projet de loi qui nous est soumis en nouvelle lecture aggrave encore la prévision, puisque l’ONDAM affiche désormais une baisse de 150 millions d’euros. Devant la commission, notre rapporteur général a présenté cette baisse comme étant la preuve d’une politique de gestion rigoureuse des dépenses d’assurances maladie.

De politique rigoureuse à politique de rigueur, il n’y a qu’un pas, que vous avez malheureusement franchi, et ce aussi bien pour l’année prochaine que pour cette année. En effet, la campagne tarifaire que vous avez menée cette année a été plus rude que celles des années précédentes, y compris si l’on pense au gel des MIGAC, les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation. Encore une fois, sachez-le, nous le déplorons très vivement.

D’autant que – faut-il le rappeler ? – les établissements privés commerciaux sont éligibles au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ce que n’a d’ailleurs pas manqué de dénoncer la Fédération hospitalière de France.

Je m’associe totalement au courrier que lui a récemment adressé Éliane Assassi. Ma collègue y défend l’idée que les établissements publics de santé puissent bénéficier, comme les collectivités locales, du fonds de compensation pour les emprunts toxiques, ce que Dominique Watrin a rappelé dans son propos liminaire. Malgré les demandes formulées par leurs directeurs, ces établissements publics demeurent exclus de ce dispositif, ce qui nous choque : beaucoup d’hôpitaux ont été contraints de souscrire de tels emprunts pour investir, dans la mesure où l’État s’est progressivement retiré.

Voilà, mes chers collègues, pourquoi nous vous invitons à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.

Monsieur Daudigny, malgré tout le respect que j’ai pour les travaux que vous pouvez conduire en tant que rapporteur général, n’inversez pas les responsabilités ! Le Gouvernement s’est obstiné – par votre intermédiaire, madame la ministre – à ne pas nous entendre, et parfois même à ne pas nous répondre ! Bien des questions, posées en première lecture, sont en effet restées sans réponse… Cette attitude nous donne l’impression, au fond, de ne pas être respectés dans la diversité de nos votes.

C’est pourquoi nous pensons qu’il serait vain d’entamer ce débat. Au final, il était clair que vous ne souhaitiez pas en tenir compte…

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