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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Réforme de l’Assurance maladie (2)

Par / 22 juillet 2004

par Marie-Claude Beaudeau

L’objectif de ce projet de loi n’est pas de rétablir l’équilibre financier de l’assurance maladie : votre gouvernement, tout en dramatisant le déficit de la sécurité sociale, l’a délibérément laissé se creuser. Sous prétexte de combler le trou de la sécurité sociale, vous organisez le démantèlement structurel de l’assurance maladie : « le trou de la sécu », vous servira encore pour justifier sa privatisation rampante. Cette année, 13 milliards d’euros de déficit sont annoncés pour atteindre 15 milliards en 2007 quand les recettes nouvelles prévues ne représentent que 5 milliards !

Ces recettes nouvelles sur lesquelles vous comptez sont injustes. Le prélèvement d’un euro sur chaque acte, dont le montant n’est pas fixé par la loi, n’est pas fixé une recette nouvelle mais un nouveau déremboursement. Que dire de la solidarité à l’envers que vous instituez en faisant peser sur les patients les plus malades 700 millions d’euros supplémentaires ! Que penser du forfait hospitalier qui, en 2007, sera de 17 euros par journée d’hospitalisation ? En versant un milliard d’euros de la taxe sur le tabac à l’assurance maladie, vous ne faites que rendre, et encore partiellement, à l’assurance maladie une recette qui lui est due.

Quant au 2,3 milliards d’euros supplémentaires de la contribution sociale généralisée (C.S.G.) ils vont peser sur les salariés, les retraités et les chômeurs. Quelle injustice ! Son taux va être rehaussé de 0,16 % pour les actifs - ce qui est dissimulé par une extension de l’assiette - de 0,4 % pour les retraités - déjà frappés par la loi Fillon. Les personnes âgées et les malades sont les premières visées par ces mesures uniques ! L’augmentation de la C.S.G. sur les placements des ménages ne compense même pas l’avantage tiré par les actionnaires du passage de l’avoir fiscal au crédit d’impôt.

Les recettes nouvelles correspondant à 4 milliards d’euros ponctionnés sur les salaires contre seulement 780 millions prélevés sur les entreprises : avec une augmentation de 0,03 % de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Votre volet « économie sur les dépenses » relève de la supercherie : le coût des mesures n’est pas pris en compte et vos précisions sont si peu étayées que le directeur du budget lui-même ne les prends pas au sérieux ! Entre ce que vous appelez être de la régulation médicalisée fondée sur le dialogue et la culture positive et comptable de Bercy, les assurés ne feront pas la différence ! Le patient à consulter un médecin traitant avant un spécialiste conduit à une multiplication des actes et non à une diminution des dépenses de santé.

Cette mesure est, de surcroît, associée d’une libération des honoraires des spécialistes pour les consultations sans prescription préalable du médecin traitant. Seuls les patients riches pourront échapper aux files d’attentes. Vous prétendez attendre 1 milliard d’euros d’économie de la mise en place du dossier médical personnel sans mentionner les 600 millions d’euros au minimum que cette mesure coûtera pour rétribuer l’hébergeur - Cap Gemini à ce que l’on prétend. En réalité, ne cherchez-vous pas plutôt à ficher les assurés ?

 Le déficit de prévention est reconnu unanimement comme une source de surcoûts. Votre politique de sanction et de déremboursement va dans le sens opposé : les personnes les plus modestes renonceront à se faire soigner à temps.

 Votre loi votée, le déficit tendanciel de l’assurance maladie à niveau de croissance économique égal sera de plus de 10 milliards d’euros par an. Vous l’admettez vous-même, monsieur le Ministre, en prolongeant la C.R.D.S.

 M. DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé. - Non !

 Mme Marie-Claude BEAUDEAU. - Le remboursement de vos déficits cumulés entraînera le paiement de deux milliards d’euros d’intérêts financiers par an.

 M. Xavier BERTRAND, secrétaire d’État. - Non plus !

 Mme Marie-Claude BEAUDEAU. - Votre projet ne s’attaque ni à l’absence de moyens affectés à la prévention ni à la sous-estimation du coût des accidents du travail et des maladies professionnelles qui pèse sur l’assurance maladie quand il devrait être couvert par les cotisations patronales.

 Nous assistons, en réalité, à une véritable contre-réforme du financement de la sécurité sociale, au centre de la politique gouvernementale, comme vient de le rappeler le Président de la République : la baisse des charges, en réalité celle des cotisations patronales, de la part socialisée des salaires. Depuis 20 ans, le taux de la cotisation sociale patronale n’a pas été relevé alors que cette cotisation représente le fondement solidaire de notre système d’assurance maladie depuis la Libération. Depuis 10 ans, les gouvernements ont multiplié les exonérations fiscales pour complaire au Médef sans effet sur l’emploi. Les exonérations atteindront 21 milliards d’euros en 2005 ! Leurs effets, masqués par la croissance, apparaissent aujourd’hui de manière flagrante. Vous répétez à l’envi que le trou de la sécu se creuse de 23 000 euros par minute. Nous préférons retenir le chiffre de 36 000 euros par minute d’exonérations fiscales. Ces exonérations, baptisées « réduction », servent doublement le Médef : il fait main basse sur l’argent de la sécurité sociale…

 M. DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé. - C’est une fixation !

 Mme Marie-Claude BEAUDEAU. -… et sur une partie de la rémunération des salariés. L’asphyxie financière de l’assurance maladie mènera à la marchandisation de la santé et livrera à la finance un marché colossal qui leur échappe encore. À l’inverse les salariés, les retraités et leurs familles, ils devront sacrifier leur pouvoir d’achat en souscrivant à une assurance complémentaire et paieront plus chers les prestations de santé.

 Votre projet aggrave en lui-même les restrictions de dépenses de santé au nom de la « maîtrise médicalisée ». Il détourne vers le privé, une partie de l’argent de l’assurance maladie avec les aides, prélevées sur le fonds de financement de la C.M.U., pour l’acquisition d’une assurance complémentaire ou la prise en charge d’une partie des assurances des professionnels.

 Il prépare le démantèlement de l’assurance maladie.

 Vous annoncez, pour l’automne, la modification de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Il est inadmissible que nous discutions de ce projet de loi en ignorant son contenu. Chercherez-vous, à travers le vote des dépenses pluriannuelles, à ce que le Parlement donne les pleins pouvoirs au nouveau directeur général de la C.N.A.M. ?

 Ce véritable proconsul, nommé pour 5 ans par le gouvernement et irrévocable, dirigera également la future union nationale des caisses d’assurance maladie.

 Vous voulez lui confier la haute main sur le rationnement futur des soins et des médicaments remboursés. Dans la même logique, la « haute autorité » recommandera une répartition de la pénurie de moyens selon « le cadrage pluriannuel des dépenses de santé ». Les sources de financement échapperont à toute possibilité de blocage réelle des représentants salariés auxquels vous retirez les prérogatives dont ils disposaient actuellement dans le conseil d’administration de la C.N.A.M.

 Vous octroyez un droit de regard sur les déremboursements à la nouvelle union des organismes de protection sociale complémentaire, réunissant mutuelles et assurances privées. Autant confier au loup la surveillance de la bergerie !

 Soigner mieux et dépenser mieux, dites- vous : la privatisation de notre système d’assurance maladie que vous préparez aboutira à dépenser plus et à soigner moins bien. Aux États-Unis, les dépenses de santé dépassent 14 % du P.I.B. contre 10 % dans notre pays pour des indices sanitaires bien plus mauvais : 43 millions d’Américains sont dénués de toute couverture sociale. La privatisation signifie gaspillage et exclusion.

 Actuellement en France, sur 100 euros, l’assurance maladie en utilise 95 pour des soins ou de la prévention, les frais de gestion représentent moins de 5 %.

 M. ABOUT, président de la commission. - On peut mieux faire !

 Mme Marie-Claude BEAUDEAU. - Voilà une efficacité dans la solidarité incompatible avec la logique de l’assurance privée qui doit aussi rémunérer ses actionnaires, à au moins 10 % par an, dépenser des sommes impressionnantes en publicité pour attirer des clients - uniquement des clients solvables, bien entendu, à faible risque ou capables de payer de lourdes surprimes.

 Le système d’assurance maladie conquis en 1946 est juste et efficace. Ses principes, notamment de financement, n’ont pas besoin d’être réformés mais défendus et appliqués.

 Votre gouvernement, parce qu’il se refuse à le faire, crée une situation de crise, le déficit, nourrissant les prétentions revanchardes que le patronat a toujours entretenues.

 Tout au long du débat, nous défendrons des propositions pour résorber le déficit et faire progresser l’assurance maladie, afin de tendre vers le remboursement à 100 %. Nous demanderons la suppression de la C.S.G., impôt injuste…

 M. VASSELLE, rapporteur. - Mis en place par M. Rocard !

 Mme Marie-Claude BEAUDEAU. - Et son remplacement par le rétablissement des cotisations sociales salariées et la création d’une taxe sur les revenus financiers des ménages.

 Pour lutter contre la dette patronale, de près de 2 milliards d’euros par an, dont 600 millions jamais recouvrés, nous proposons la création d’une surcotisation patronale - un peu de solidarité entre les entreprises ne saurait nuire… - ainsi qu’une taxe de 15 % sur les laboratoires pharmaceutiques.

 Nous demanderons l’augmentation des transferts de la branche accidents du travail et maladies professionnelles vers la branche maladie afin de compenser une sous-déclaration manifeste.

 Enfin et surtout, nous défendrons le mode de financement le plus juste, prélèvement direct sur la création de richesses : la cotisation sociale. En effet, 100 000 chômeurs de moins représentent 1,3 milliard d’euros de cotisations en plus ; un relèvement de 1 % de tous les salaires, 2,5 milliards. Tout le problème est là : depuis 1980, la part des salaires a reculé de 10 % dans le P.I.B.

 Dans l’immédiat, nous exigerons la suppression des 21 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales patronales et une remontée immédiate de un point du taux actuel, soit 6 milliards d’euros.

 Le Conseil national de la Résistance avait proposé « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ». Dans notre pays libéré, Ambroise Croizat, ministre du général de Gaulle, a réalisé cet objectif en mettant en place la sécurité sociale. Cette vision d’avenir reste plus actuelle que jamais. Votre projet la remet en cause. Nous voterons donc contre ce texte.

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