Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Commission d’enquête sur le groupe E.A.D.S.

Par / 13 décembre 2006

Monsieur le Président,
Mes chers Collègues,

Je souhaiterais préalablement à mon intervention pour le groupe communiste, républicain et citoyen sur les conclusions de la commission des affaires économiques concernant la proposition de résolution du groupe socialiste relative à EADS, souligner ma satisfaction de voir inscrites à l’ordre du jour de nos travaux deux propositions de résolution émanant de l’opposition parlementaire.

En effet, dans l’ordre du jour des séances mensuelles réservées, il est bien rare qu’une telle place soit accordée aux initiatives de l’opposition. Je formule le souhait que lors des prochaines séances mensuelles réservées, cet équilibre soit maintenu.
Cependant, cette bonne disposition de la majorité ne va pas jusqu’à accéder à la création d’une commission d’enquête sur EADS .

En effet, la commission des affaires économiques formule un avis négatif sur celle ci, au double motif, qu’une enquête judiciaire est en cours sur l’infraction de délit d’initié mais également que l’Etat n’étant actionnaire que de 15 % du groupe, la représentation nationale n’est pas fondée à enquêter sur la situation de ce groupe européen puisqu’il ne s’agit pas d’une entreprise publique nationale.
Si le premier argument peut se comprendre aisément, le deuxième est plus hasardeux.
En effet, indépendamment de la participation française dans le capital de cette entreprise, son secteur d’activité est un fleuron de l’industrie nationale depuis la création de Aérospatiale. A ce titre, la commission reconnaît d’ailleurs pleinement le caractère stratégique du secteur d’activité de EADS.

Pourtant, au motif, que l’Etat ne serait pas suffisamment présent dans le capital de ces entreprises, la représentation nationale n’aurait ni à connaître, ni à influer sur les enjeux relatifs à ces secteurs d’activité !
Si on suit bien votre raisonnement, c’est donc à terme, l’ensemble de l’économie qui doit échapper au pouvoir politique puisque selon les dogmes libéraux, les services publics et les entreprises nationales appartiennent à l’histoire et doivent céder la place à la concurrence libre et non faussée pour l’ensemble des activités humaines.
Cet argument apparaît d’ailleurs en filligrane dans la motivation de votre refus de création d’une commission d’enquête, refus qui tient pour parti des conséquences sur la bourse de la création de cette commission, comme l’a rappellé Monsieur le Rapporteur !

Nous déduisons également de votre argumentaire que la majorité gouvernementale va clairement dans le sens de l’abandon du modèle gaulliste qui a permis l’intervention étatique dans les secteurs clefs de l’économie française.
En effet, depuis 20 années, l’Etat ne cesse de se déssaisir de ses participations dans des entreprises publiques. La liste est longue : GDF, EDF, Air France, Aéroport de Paris, et bien d’autres encore.
Dans le domaine de l’aéronautique, le gouvernement Jospin a permis la privatisation d’Aérospatiale et sa fusion avec l’entreprise Matra, entreprise du groupe Lagardère, comme vous le soulignez dans le rapport.

Cette opération a effectivement permis la création de EADS en 2000 conçu non comme une coopération intergouvernementale mais comme une entreprise européenne, fonctionnnant avec des actionnaires de plusieurs pays, français, allemands et espagnols, qu’ils soient publics ou privés et dont l’objectif premier était celui de concurrencer Boeing.
Les communistes dans leur diversité n’étaient pas forcément favorables à cette opération. Mais là n’est pas la question aujourd’hui.

Certes le gouvernement Jospin a fait des erreurs, notamment quand son action a été dans le sens de l’accompagnement du libéralisme mondialisé, et qu’il s’est séparé des outils de maîtrise publique et donc citoyenne.
Concrétement, lorsque Lionnel Jospin déclarait en 2002 que le pouvoir politique ne pouvait contraindre l’économie, je pense qu’il a fait une erreur fondamentale qui explique en partie la desaffection de la politique par nombre de nos concitoyens.

Cependant, ne disons pas qu’aujourd’hui, les parlementaires de gauche, ne pourraient débattre de la situation de EADS parce que le gouvernement Jospin avait fait le choix de privatiser Aérospatial.
Dans ce sens, les sénateurs communistes estiment qu’il est plus qu’urgent de faire le bilan des politiques de libéralisation et de privatisation menées tant au niveau national qu’européen.

Il devient, en effet, urgent d’analyser si ce désinvestissement des pouvoirs publics dans les secteurs clefs de l’économie, pour laisser comme seul régulateur la loi du marché a permis un véritable développement de ces secteurs et répondu aux besoins des usagers.
Notamment dans le secteur de l’aéronautique, au regard des difficultés de EADS et de l’opacité incroyable qui entoure la gestion de cette entreprise, nous estimons que cette politique de retrait des pouvoirs publics n’est pas concluante.

Dans ce sens, je trouve que la proposition de résolution du groupe socialiste était intéressante et aurait mérité plus qu’un débat de quelques heures et une simple information des parlementaires dans plusieurs mois.
J’en viens maintenant au fond même de cette proposition de résolution, c’est à dire, la volonté d’enquêter sur la situation de l’entreprise EADS, sur les causes qui ont provoquées le retards de livraison de l’A 380 et finalement sur la politique industrielle de celle ci.

A mon sens, la question du retard de livraison ne peut se comprendre et s’analyser que dans le cadre global de la politique industrielle de ce groupe.
En effet, de nombreux arguments techniques peuvent être avancés pour justifier de ce retard et notamment l’utilisation d’un logiciel non conforme pour le cablage à l’usine de Hambourg.
Cependant, je considère que ces retards sont la conséquence directe de la politique industrielle de cette entreprise, ou plutôt de son absence de politique industrielle.

En effet, comment ne pas considerer que la gestion de cette entreprise vers un rendement et une rentabilité maximum crée ce type de risque ?
Les causes profondes de la crise que connaît EADS aujourd’hui émanent d’une stratégie essentiellement financière, qui a fait prévaloir les intérêts des actionnaires sur la logique industrielle.
En effet, alors que les dividendes versés aux actionnaires n’ont jamais été si importants, en augmentant de manière continue, soit 200% en quatre années, dans le même temps, un politique de réduction des coûts est largement mise en oeuvre .

On se trouve donc devant une stratégie de réduction des coûts de production qui n’est absolument pas justifiée par des difficultés financières ni par la situation de l’euro par rapport au dollar comme le suggère la commission, mais uniquement par la volonté des actionnaires français, allemands et espagnols d’augmenter leurs profits.
Ils ne sont pas déçus, ceux ci sont pour l’année 2005, encore en hausse de 30 %. Pour l’année 2006, le géant de l’aéronautique table sur une progression de son chiffre d’affaire près de 3 milliards d’euros.
C’est dans ce cadre que, l’entreprise a lancé il ya maintenant deux années, le plan dit « route 06 » destiné à économiser 1,5 milliards d’euros par an.
Ainsi, les actionnaires ont voulu pour des raisons financière réduire les délais d’études et de développement de l’A 380 de 7 années à 5 années.
Conséquence directe, la filiale Airbus a réduit son budget recherche et développement en 2004 en plein développement de ce nouvel avion.
La filière sogerma a également été sacrifiée parce qu’elle ne générait pas le taux de rentabilité espéré par les actionnaires. Le conseil d’administration a en effet, décidé « d’arrêter les activités déficitaires sans perspective de rentabilité. »
Le recours accru à la sous traitance est aussi source de risque en élargissant encore un peu plus la chaîne de production.

Nous estimons donc que c’est ce plan qui est fondamentalement à l’origine des retards de production de l’A 380 et non de simple problèmes de compatibilité technique ou de gouvernance d’entreprise.
Vouloir aller toujours plus vite en rognant toujours plus sur les coûts comporte en effet ce type de risque.
Pourtant, sans recul aucun, la direction d’EADS persiste dans cette logique. En effet, le lancement décidé le 1er décembre dernier en conseil d’administration de l’A 350 , est lié à la mise en oeuvre d’un nouveau plan de restructuration intitulé « énergie 8 ».
Celui ci vise à permettre l’autofinancement par EADS de l’A350 à hauteur de 5 milliards d’euros d’ici 2010.
Il propose également que les sous traitants prennent à leur charge 1,8 milliards d’euros de coûts de développement, c’est à dire, en pratiquant eux même des réductions des coûts.
Le reste des financements nécessaires devraient être trouvés en passant par des émissions obligataires avec garantie publique.

Ce plan repose également sur un recours accru à la sous traitance à hauteur de 50% alors que pour l’A 380 le recours à la sous traitance était de 30 %. Il ne s’agit pas, comme l’a souligé le rapporteur, d’une réduction de la sous traitance, bien au contraire, mais d’une concentration des sous traitants et la réduction de 30% des prix de leur prestations.

Ce sera donc à eux d’assumer la charge de la sous traitance en cascade. Ils devront délocaliser dans les pays à bas coûts de main d’oeuvre.
D’autre part, ce plan préconise également des supressions d’emplois.
C’est donc une nouvelle fois, les emplois, les conditions de travail et les investissements qui pâtiront de la logique financière de l’entreprise.
Les sénateurs communistes estiment, devant cette situation, que les pouvoirs publics ont une responsabilité politique particulière, qui ne dépend pas de l’importance de capital détenue mais du caractère stratégique du secteur d’activité de l’entreprise EADS.

L’Etat français doit définir une politique industrielle pour la france et doter celle ci des outils nécessaires pour parvenir aux objectifs fixés démocratiquement.
L’industrie aéronautique ne peut être laissée au seuls mains des actionnaires qui n’ont pas fait la preuve de leur capacité à développer l’activité de ce secteur.
Dans ce sens, je ne reviendrais pas sur les récents problèmes judiciaires, mais on voit bien que les intérêts des actionnaires ne coincident pas toujours avec les intérêts de l’entreprise, on voit également que lorsqu’on laisse la gestion aux seuls actionnaires privés, ce sont leurs intérêts qui prévalent.

Nous ne pouvons nous en satisfaire.
Il faut rompre avec cette logique de regression et construire un grand projet industriel avec des financements publics contrôlés par les citoyens pour des investissements à long terme dégagés de l’emprise financière.
Ce projet passe par la définition de gammes complètes de produits qui répondent aux besoins et qui ne soient pas soumis au choix prioritaire d’actionnaires guidés par le retour sur investissement le plus élevé, dans le temps le plus court.

Airbus qui a récemment décidé du lancement de l’A350, doit donc aujourd’hui y consacré les budgets nécessaires.
L’avenir passe également par le successeur de l’A320, l’avion monocouloir qui a fait la différence dans la compétition avec Boeing.
Enfin, le gros-porteur A380 reste l’enjeu majeur des efforts industriels à engager impliquant de nouveaux investissements technologiques et humains et une nouvelle conception des rapports entre maître d’oeuvre et sous-traitants.

Or, la priorité donnée à la réduction des coûts, répercutée en cascade par tous les équipementiers, est une course éperdue vers la régression sociale et l’échec industriel.
Il faut donc sortir de cette ornière et revaloriser le travail, les salariés et leurs compétences.
En effet, la compétence d’Airbus, c’est avant tout le savoir faire de ses salariés.

Pour cela, nous estimons à l’inverse de certains sénateurs qui préconisent l’abandon pur et simple des parts de l’Etat dans EADS, que seul un renforcement de la présence des capitaux publics sera capable de garantir une maîtrise citoyenne des enjeux liés à la politique industrielle dans le secteur aéronautique.

En effet, la gestion d’EADS est pour le moins opaque et sa dimension européenne, loin de favoriser une plus grande transparence et coopération inter intergouvernementale, visant tout simplement à éliminer la moindre velléité de contrôle public et démocratique des choix dans ce secteur, je le rappele, fleuron de l’industrie française, notamment.
Je terminerai en disant que ce n’est pas cette construction européenne que nous appelons de nos voeux, ce n’est pas une europe des capitaux privés intégrés dans le marché mondialisé, mais une europe des peuples, démocratique où les pouvoirs publics oeuvrent pour le développement partagé et le progrès pour tous.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen estiment que cette proposition de résolution devrait être adoptée afin de permettre à la représentation nationale d’apprécier la situation du secteur aéronautique et ainsi apporter des informations très utiles sur les conséquences de la libéralisation dans ce secteur stratégique.

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