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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Déclaration du gouvernement sur l’énergie

Par / 27 avril 2004

par Marie-France Beaufils

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

Dans le débat à l’Assemblée Nationale, vous disiez, M. le Ministre, « qu’en matière d’énergie, la France a la chance exceptionnelle d’être en avance sur ses concurrents. »

Pour notre part, nous pensons que cette réalité ne doit rien à la chance et n’a d’exceptionnelle que le fait que notre pays s’est donné les moyens au sortir de guerre d’une véritable politique énergétique. Le gouvernement du général de GAULLE, avec son Ministre de la production industrielle, M. PAUL, mettait en œuvre le programme du Conseil National de la Résistance et donnait à notre pays les moyens d’engager sa reconstruction, le développement de son activité industrielle.
Les choix que nous devons élaborer aujourd’hui sont aussi décisifs pour l’avenir que ceux de cette époque ou ceux des années 60, lorsque la France se dotait de la filière nucléaire au sein du service public pour répondre aux besoins de la population, tout en gagnant en indépendance.

Une politique énergétique pour la France doit à la fois déterminer comment répondre aux besoins croissants en France, en Europe, mais aussi dans le monde et particulièrement dans les pays en voie de développement, tout en respectant l’avenir de notre planète et en donnant cette accessibilité de tous les êtres humains à cette énergie indispensable à l’amélioration de la vie.

En un siècle, la consommation mondiale d’énergie a quadruplé. Mais cette spectaculaire croissance ne concerne qu’un cinquième des êtres humains sur notre planète, vivant essentiellement dans les pays les plus développés. Et ce, avec de grandes inégalités, puisqu’un américain du nord consomme deux plus fois plus qu’un européen ou qu’un japonais. Mais les inégalités sont aussi internes à notre pays. 600.000 foyers ont l’électricité coupée chaque année. Un cadre consomme deux fois plus d’électricité qu’un ouvrier. Un habitant de Neuilly deux fois plus qu’un habitant d’Aubervilliers.

Pour ce siècle qui commence, c’est un autre défi, puisque ce sont des pays en voie de développement avec une forte progression de leur population et de leur activité économique que vont naître les besoins les plus importants (en 2000, le monde a consommé 9 milliards 346 millions TEP tonnes équivalent pétrole, en 2020, l’estimation est de 14 milliards 900 millions). Aujourd’hui, la consommation mondiale d’énergie repose pour 36% sur le pétrole (contre 46% en 1973), 24% sur le charbon, 24% sur le gaz (contre 15% en 1973). Le nucléaire et l’hydraulique intervenant respectivement pour 13% et 3%.

La réponse actuelle à cette demande croissante repose donc à 80% sur les ressources fossiles de notre planète. Du fait de leur localisation, de leur nature, nous sommes face à des problèmes de limites d’épuisement, de risques géopolitiques et de risques environnementaux.

Les risques d’épuisement, on les connaît, même s’il existe encore quelques débats sur le nombre d’années restantes. Ce sont environ 40/50 ans pour le pétrole avec un pic de production en 2010 et un risque d’augmentation des prix quand la ressource va diminuer. On voit, d’autre part, les tensions que cela peut faire naître. Il est certain que si l’Irak ne possédait pas autant de richesses pétrolières, le gouvernement de M. BUSH aurait été moins soucieux de l’avenir de ce pays.

On donne généralement 60 à 70 ans pour les réserves de gaz. Ces ressources énergétiques sont essentiellement dans les pays du Moyen-Orient et de l’ex-URSS. Quant au charbon, c’est plus lointain, 250 ans environ ; c’est l’énergie fossile la plus abondante et la mieux répartie entre les continents. C’est celle qui va être la plus utilisée par la Chine, mais qui le reste aussi pour notre voisin l’Allemagne.
Toutes ces énergies fossiles ont un inconvénient majeur, leurs rejets polluants dans l’atmosphère participent à l’effet de serre, même si c’est dans une moindre mesure pour le gaz et nous devons en tenir compte.

Réfléchir donc aux choix énergétiques pour la France nécessite que nous prenions en compte ces éléments. Notre pays a signé les accords de Kyoto, ce que n’ont pas encore fait les Etats-Unis et la Russie, nous nous devons de respecter la signature de la France. Il y va de l’avenir des générations futures.

Il s’agit donc de valoriser les technologies qui n’utilisent pas la combustion de ces ressources fossiles pour la production de l’électricité et le chauffage dans l’habitat. Mais en même temps, il faut veiller à ce que les pays qui ont des difficultés à faire d’autres choix (en particulier ceux en voie de développement) optimisent leur utilisation…
Mais il nous faut aussi intervenir sur la conception de l’aménagement du territoire dans notre pays comme à l’échelle européenne. C’est ainsi que les transports à eux seuls représentent 32% de la consommation énergétique contre 20% en 1973 en France.

Une politique volontariste doit être engagée, ce que votre gouvernement, comme les deux précédents, n’a toujours pas prise, bien au contraire. En décidant de supprimer les subventions aux transports en commun en site propre ou celles pour le transport combiné, vous refusez de reconnaître la réalité des conséquences environnementales de ces choix. Le routier est, en effet, plus facile à développer, mais si nous ne gagnons pas à l’utilisation du transport ferré pour les voyageurs comme pour les marchandises, nous n’aurons pas de réduction significative de la pollution.

Une politique énergétique pour la France doit s’appuyer également sur l’amélioration de l’efficacité énergétique, ce qui nécessite de veiller à ce que l’effort de recherche dans cette direction soit soutenu, et particulièrement la recherche fondamentale, et que les critères marchands ne freinent pas les progrès technologiques qui en découlent.
La France fait figure de bon élève dans ce concert international de dégradation des conditions environnementales : c’est ainsi que le citoyen français renvoie quatre fois moins de gaz carbonique dans l’atmosphère que le citoyen américain. Ce résultat est essentiellement le résultat des choix des années 60 pour la production électrique d’origine nucléaire.

En 2001, l’énergie produite en France provenait à 75,8% du nucléaire, 13,9% de l’hydraulique, à 6,2% du charbon, à 2% des produits pétroliers, 1,4% du gaz et 0,7% du solaire et de l’éolien. Sans ce parc nucléaire, nous produirions 1,5 fois plus de CO2. L’Allemagne rejette par habitant presque deux fois plus de CO2 que la France (10 tonnes/habitant contre 6 tonnes/habitant).

Répondre aux besoins de nos populations, dont je le rappelle une part importante est en dessous du niveau moyen de consommation, suppose que nous gardions un parc nucléaire performant, en même temps que l’on développe les énergies renouvelables.

En effet, nous voulons tous créer les conditions que les rejets de gaz à effet de serre soient réduits, or, pour cela, il faut développer des énergies qui n’en produisent pas. Aujourd’hui, la mode est à l’éolien, on peut faire mieux, c’est certain, mais c’est une énergie qui ne produit pas en continu. Le solaire doit être plus développé également, en particulier pour l’eau chaude sanitaire. J’ai bien lu vos propositions de faire comme à Barcelone pour que lors des permis de construire, on impose aux habitants l’installation de panneaux solaires, mais cela suppose que le coût d’investissement pour les familles modestes puisse être atténué. Dans tout ce secteur des énergies renouvelables, y compris l’hydraulique, des capacités de développement existent, mais elles ne peuvent pas être en capacité de nous affranchir de l’utilisation du nucléaire.

Aujourd’hui, le problème avec le nucléaire, ce sont, entre autres, les déchets. C’est ce à quoi s’attèlent les travaux des chercheurs. Mais on ne peut pas laisser les USA ou le Japon maîtres de cette technologie.
Nous sommes donc aujourd’hui face à des choix qu’il ne faut pas éluder, nous avons à franchir une étape intermédiaire pour garder un niveau de fiabilité, de sécurité et de coût dans ce domaine énergétique. C’est pourquoi l’EPR doit être construit.

Mais comme toutes les technologies modernes, le nucléaire demande que les compétences individuelles et collectives des acteurs de son développement et de son exploitation passent à un niveau supérieur. Ces technologies demandent et doivent donner une place et un rôle aux salariés, à tous les niveaux, qualitativement nouveau au regard de leur sens des responsabilités. A travers de nouvelles formes d’organisation, cette place doit leur être reconnue. La vigilance et l’amélioration de la sécurité passent en priorité par des progrès dans ce domaine dit « des facteurs humains. »

Sans l’énergie nucléaire, nous ne pourrons pas, pendant longtemps encore, produire une quantité d’énergie suffisante pour faire face aux besoins de notre développement sans mettre en cause celui des pays en voie de développement, sans mettre en cause la réduction de la production des gaz à effet de serre. Ce sont des contraintes qui pèsent sur nos choix.
Si ces choix sont faits, ils ne peuvent être efficaces à l’échelon de notre société, ils ne peuvent véritablement répondre aux exigences :

- d’accessibilité des citoyens à l’énergie ;

- de sécurité d’approvisionnement donc d’indépendance énergétique ;

Si ce n’est pas l’Etat qui détient ces choix.
Aujourd’hui, si nous avons une certaine sécurité, une qualité de fonctionnement de nos centrales, c’est bien grâce à l’entreprise publique et ses salariés.
Les énergies renouvelables, comme l’éolien qui s’installe peu à peu, n’ont de capacité de développement que parce qu’EDF a une obligation d’achat de l’électricité. En rachetant cette électricité, EDF permet que sa revente se fasse au même tarif. Cette péréquation est un outil indispensable pour l’accessibilité du consommateur.

Si, d’autre part, nous voulons progresser dans la diversification des sources de production énergétique, cela suppose des investissements que l’entreprise publique est la seule à pouvoir faire, compte tenu de leur ampleur et de la longueur du temps de retour. Elle l’a d’ailleurs démontré au cours des décennies qui viennent de s’écouler et l’Etat ne s’en est pas trop mal ressenti.
Aujourd’hui, débattre de la politique énergétique pour la France, c’est aussi rappeler que l’énergie n’est pas un bien de consommation qui peut être soumis aux règles concurrentielles, sinon, c’est un renforcement des inégalités, c’est un retour en arrière inacceptable.

L’entreprise publique EDF-GDF a démontré ses capacités. Vous avez dit à l’Assemblée Nationale, M. le Ministre, que « le principe de spécialité les empêche de propose aux clients une offre commune d’électricité et de gaz alors que les concurrents pourront bientôt le faire. »
Je pense qu’EDF et GDF doivent jouer la complémentarité et non la concurrence, mais cette évolution n’impose aucunement l’ouverture du capital ou le changement de statut. Elle pourrait tout à fait être réalisée par la fusion d’EDF et GDF, ce qui ne serait que mieux pour la cohérence de la politique énergétique. Ce que nous proposions, d’ailleurs, bien avant votre arrivée au gouvernement. C’est en fait, ce qu’ont réalisé les Allemands avec la fusion d’EON et Rurhges. Vous dites également que le gouvernement entend qu’EDF-GDF restent des entreprises publiques, mais, en même temps, vous voulez ouvrir leur capital.

Nous avons souhaité que soit fait un bilan de toutes les déréglementations, ouverture du capital et autres formes de privatisation ces dernières années, en France, en Europe et au-delà. Nous avons suffisamment d’expérience et toute proche, comme en Angleterre, pour tirer les conclusions de ces choix et ne pas se lancer dans le mêmes processus. Les usagers, comme les salariés de ce secteur, mais aussi l’activité industrielle n’ont rien à y gagner.
Votre autre argument pour changer le statut d’EDF et GDF, ce serait l’exigence de Bruxelles sur la fin de la garantie illimitée de l’Etat. C’est une interprétation que nous ne partageons pas.

La garantie de l’Etat aujourd’hui, n’apporte pas de ressources à l’entreprise publique, elle permet seulement d’obtenir des prêts pour les investissements dont on sait que l’ampleur restera considérable. De plus, l’Etat a plus récupéré de l’entreprise que l’inverse. Elle assure des missions de services publics.
L’Etat lui impose d’engager le démantèlement des centrales, ce qui représente plus de 26 milliards d’euros sur trente ans.

Changer le statut, n’est-ce pas plutôt fragiliser l’entreprise, compte tenu de son niveau d’endettement, suite à des investissements plus qu’hasardeux à l’étranger ?
C’est le statut d’entreprise publique industrielle et commerciale qui permet aujourd’hui de répondre aux usagers, quel que soit le lieu où ils vivent, quel que soit le coût de production des ressources utilisées. Si vous vous engagez dans un changement de statut, si vous ouvrez le capital, l’exigence de rentabilité par les actionnaires interférera dans des choix qui exigent des investissements lourds.
Les salariés d’EDF et GDF s’expriment depuis de nombreux mois, ils vous demandent de retirer votre projet de changement de statut, comme celui sur les retraites. Vous devez les entendre.

Comme vous devez écouter l’avis de la population, des élus. Les choix qui doivent être faits en ce début de XXIème siècle ne peuvent être faits au sein de nos seules deux assemblées. Un véritable débat public doit permettre à la population de donner son avis.
Nous voulons, vous l’avez dit vous-même, M. le Ministre, que la population participe elle aussi à la maîtrise de notre consommation énergétique. Dans ma ville, nous avons décidé, pour y parvenir, de consacrer une semaine à ces questions. L’an dernier, les débats ont porté sur la maîtrise de la consommation.

Cette année, sur les énergies renouvelables, plus de 500 personnes en ont débattu, dans une commune de 16.000 habitants, cela montre que ce sujet intéresse. Le débat public sur la politique énergétique de la France et les outils nécessaires à sa mise en œuvre doit être engagé au plus tôt avec nos concitoyens.

Vous avez décidé dans ce domaine une politique ultralibérale, je dirais à la TATCHER. Les électrices et les électeurs ont exprimé ces 21 et 28 mars derniers, leur refus du démantèlement de leurs services publics. Ils n’ont aucune envie que l’énergie qui contribue à la qualité de leur vie devienne une marchandise comme les autres. Ils savent combien les salariés et les clients d’ENRON l’ont vécu et le vivent encore douloureusement. Ce sont donc aussi les choix européens qui doivent être revus dans ce domaine.

La politique énergétique de la France concerne bien chaque citoyen, comme chaque salarié d’EDF-GDF. Sa définition touche à notre avenir, mais aussi, celui des générations futures.

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