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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Enseignements de l’exercice par la France de la présidence de l’Union européenne (question orale avec débat)

Par / 20 janvier 2009

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Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Je me réjouis de ce débat sur le bilan de la présidence française de l’Union auquel nous invite Hubert Haenel. L’Europe reste en effet un sujet trop souvent absent de nos débats, alors même que les enjeux de sa construction concernent directement nos concitoyennes et concitoyens et que la plupart de nos lois sont des transpositions de directives.
De manière quasi unanime, le monde médiatique, les politiques, les experts et l’administration européenne ont loué un bilan jugé exceptionnel.

Nicolas Sarkozy aurait fait preuve de détermination, dynamisme et charisme pendant cette présidence de l’Union européenne, à l’image de son mandat national.
Balayant tous les obstacles sur son passage, redorant la politique, permettant des consensus sur des sujets réputés difficiles, il aurait parfaitement maîtrisé les crises survenues lors des ces six derniers mois : crise politique, financière, économique et sociale.
C’est en tout cas le message que l’on nous assène depuis la mi-décembre !
Au delà de l’agitation médiatique, nous devons lors de ce débat nous concentrer sur le véritable bilan de la présidence Française de l’Union et la mise en œuvre des quatre priorités annoncées au début de ce mandat.

Certains mérites peuvent, bien sûr, être reconnus à cette présidence. Comme le souligne Hubert Haenel dans sa question, les évènements de ce second semestre auront permis de replacer le conseil européen comme le moteur des choix et des politiques menées par l’Union européenne. Nous ne pouvons que souscrire à cette repolitisation du débat.
Cependant, n’oublions pas deux questions fondamentales :
Premièrement, pour rendre véritablement sa légitimité politique à l’Union européenne, il ne s’agit pas seulement de redonner du poids au conseil européen, mais faut-il encore renforcer les pouvoirs de son Parlement.

Dans ce cadre, comment ne pas reconnaître que cette institution a été mal-menée sous cette présidence. Notamment, comment expliquer que le conseil des ministres ait entériné le rehaussement des relations avec Israël le 8 décembre dernier alors même que le Parlement européen s’était prononcé seulement 5 jours plus tôt pour un report de ce projet ?

Deuxièmement, si le rôle politique de l’Union a été renforcé, celui-ci s’est accompagné d’un retour important à l’intergouvernemental. Notamment la méthodologie choisie pour le plan de relance européen s’est soldée par l’addition de plans nationaux dans le cadre des compétences des États membres.

En effet, celui ci représentant un effort commun de 200 milliards d’euros a finalement été financé, par les États membres, à hauteur de 170 milliards d’euros.
Nous regrettons que cette méthode, en laissant beaucoup de place aux tractations inter-étatiques, écarte la recherche d’un « intérêt général communautaire ». Pourtant, de la définition de cet intérêt communautaire découle directement la définition des protections minimales des citoyens et des services publics à mettre en œuvre pour garantir ces droits !

De plus, le Président français ne cache pas qu’il estime que le leadership de l’Union doit revenir, non seulement au Conseil européen, mais également à un petit groupe de pays : Allemagne, France, Grande-Bretagne et Espagne. Il s’est ainsi exprimé en ces termes : « c’est aux grands pays de prendre des initiatives. Ils n’ont pas plus de droits, mais plus de responsabilités ». Ce qui est, je le rappelle, en pleine contradiction avec l’esprit de la construction européenne.

Pour finir sur les questions institutionnelles, Hubert Haenel souligne dans sa question les difficultés de la présidence semestrielle, qui sont certes réelles mais appellent un certain étonnement de notre part.
Pourquoi aujourd’hui un tel regain d’intérêt pour les difficultés liées à la présidence semestrielle ?
Tout simplement parce que chacun l’espérait, la présidence française devait être la dernière d’une durée de 6 mois, la dernière avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui permet de passer d’une présidence semestrielle à une présidence de deux ans et demi.

Je me permets alors d’attirer votre attention une nouvelle fois sur les difficultés à vouloir préjuger du vote des peuples ou surtout de leur absence de vote.
Cette question de l’adoption du traité de Lisbonne est un exemple qui illustre totalement le déficit démocratique profond de la construction européenne, dont la résorbtion n’a pas été la priorité de la présidence française, loin s’en faut. Sa mission première, dans ce domaine, aura été, en effet, de trouver une issue pour contourner le vote des Irlandais.
Pour soumettre une nouvelle fois ce traité aux Irlandais, le conseil européen a fait le choix de céder sur des revendications nationalistes du gouvernement irlandais, concessions qui ne vont pas dans le sens d’une Europe de progrès. Notamment il est dorénavant reconnu que la charte des droits fondamentaux ne s’appliquera pas à l’Irlande dans certains domaines comme celui de la famille. Nous étions déjà inquiets de l’absence de portée contraignante de cette charte, mais si elle est vidée de son contenu, sa fonction sera vraiment très limitée voire inexistante.

Au delà des questions institutionnelles, cette présidence française appelle des commentaires sur son ambition politique traduite par les 4 priorités de la présidence française. Et là, je dois bien dire que le groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche n’approuve pas le bilan de cette présidence.
La gestion de la crise s’est avérée être une simple gestion de circonstance puisque qu’elle n’a pas permis d’en interroger les causes profondes et de réorienter les politiques de l’Union. En effet, selon les sénateurs de mon groupe, les racines de la crise sont à rechercher dans les politiques de libéralisation et de marchandisation de l’ensemble des activités humaines, qui conduisent à la déconnexion de l’économie réelle et des marchés financiers.

Alors que la commission en prévoit, dans ses prévisions économiques révisées, une récession de - 1,9 % dans la zone euro pour cette année et la suppression de 3,5 millions d’emplois, rien n’est pourtant fait pour protéger les citoyens européens contre la crise sociale.
Les politiques de déréglementations sont, bien contraire plus que jamais à l’ordre du jour, tout comme l’indépendance de la banque centrale européenne ainsi que le pacte de stabilité ou bien encore la proscription des aides d’États.
Concernant la politique agricole, le Bilan santé PAC, devant préfigurer une réforme plus importante de la PAC, permet encore de renforcer les grands exploitants et entérine la suppression des quotas laitiers à l’horizon 2014.

Sur le plan énergétique, le succès que devait être le plan climat en posant des objectifs ambitieux de 20% de réduction de l’émission de gaz à effet de serre s’est révélé bien décevant, de la voix même des associations.
En effet, lors de la discussion de cet accord, de nombreuses dérogations ont été concédées aux industries les plus polluantes grâce à la pression de pays comme l’Allemagne ou l’Italie et les pays de l’Est.

Ce système de quotas d’émission, qui est le cœur de ce plan, outre qu’il impose le principe de pollueur/payeur qui ne nous semble pas particulièrement satisfaisant, laisse en suspens la question des modes de production, qui elle, est essentielle. En effet, il ne suffit pas de définir des objectifs environnementaux pour transformer le mode de production de pays dont la production énergétique repose principalement sur le charbon.

Sur le fond, la libéralisation des marchés de l’énergie ne peut coïncider avec une meilleure prise en compte du facteur environnemental et ce secteur, comme le souligne le rapport de la mission d’information sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, ne peut être laissé « à la main invisible du marché ». Il faut donc une véritable politique énergétique commune reposant sur la diversification du bouquet énergétique vers les modes les moins polluants.

Concernant la politique extérieure de l’Union, loin d’offrir l’image d’une Europe accueillante, celle-ci pose les bases d’une forteresse défensive illustrée par le fameux pacte sur l’asile et l’immigration, premier acte fort de la présidence française présenté le 7 juillet dernier. Celui-ci permet non seulement la détention provisoire pendant une durée de 18 mois, mais également le renvoi des enfants. De plus, le concept de l’immigration choisie ne respecte ni le droit des migrants ni la dignité humaine. Tous les murs dressés ne serviront à rien tant qu’un déséquilibre important continuera d’exister entre le Nord et le Sud.

Concernant le plan international, la décision du rehaussement des relations avec Israël est scandaleuse, notamment au regard de la politique d’occupation menée par cet État . Loin de subir les foudres de l’Union, l’État d’Israël se voit offrir par les 27, comme une récompense, sa participation aux programmes communautaires. Nous en sommes choqués et demandons immédiatement la suspension de cet accord.

En effet, le projet d’Union pour la Méditerranée ne dédouane pas l’Union européenne de prendre ses responsabilités au Proche Orient et de peser plus encore, au delà de l’aide humanitaire, pour une résolution politique du conflit, pour une paix juste et durable, pour la reconnaissance d’un État de Palestine dans les frontières de 1967, à côté de celui d’Israël.

J’en finirais par la politique sociale qui devait être une priorité de cette présidence, selon le discours du premier ministre française devant l’Assemblée Nationale le 18 juin dernier.

Le Président de la République avait ainsi affirmé, je le cite, « je veux une Europe à l’intérieur de laquelle aucun État ne puisse pratiquer le dumping social ».
Xavier Bertrand, dans les murs du sénat, avait pointé comme des priorités de la présidence telles que la santé et la sécurité au travail, qui devait prendre en compte la pénibilité, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ou encore la responsabilité sociale des entreprises. Ces priorités devaient se concrétiser par des directives ! Mais on ne peut que déplorer l’immobilisme de la commission et du conseil européen sur ces questions.

Je vous rappelle que le rapport de Gabi Zimmer, adopté à l’unanimité et proposant l’instauration d’un salaire minimum au niveau européen, n’a pas trouvé de traduction législative.
D’autre part, la reconnaissance d’un droit à la santé n’a pas avancé d’un pouce. Au contraire, celui ci est sans cesse remis en cause par l’abandon de l’hôpital public au profit de l’initiative privée qui ne garanti pas l’accès de tous.

La seule proposition concrète, heureusement repoussée par le Parlement, s’est incarnée par la fameuse directive sur le temps de travail, symbole du moins disant social. Cette directive proposée par Xavier Bertrand proposait notamment, sous prétexte d’instaurer des normes minimales, la mise en œuvre de la semaine des 65 heures, faisant craindre une « régression sociale jamais vue », selon l’expression de la Confédération européenne des syndicats. Nous sommes donc très loin de l’Europe sociale qui protège que nous a décrit l’ambassadeur permanent de France auprès de l’Union européenne dans son audition récente devant la commission.

Pour conclure, cette présidence n’a pas fait avancer l’Europe sociale, nous l’avons vu, bien au contraire, elle a poursuivi sur le chemin des politiques libérales qui justement ont conduit l’Europe dans le mur.

Les élections européennes de juin prochain seront, je l’espère, une occasion forte pour les peuples de peser pour une Europe dont les maîtres mots ne seraient plus libre concurrence et marché roi, mais justice économique, sociale et environnementale permettant le développement de tous et le progrès social pour chacun.

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