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Les luttes pour la démocratie engagées en Tunisie et en Égypte mettent en lumière l’échec des ambitions euro-méditerranéennes du président de la République

Bilan et avenir de l’union pour la méditerranée -

Par / 16 février 2011

Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, en Égypte, un large mouvement populaire vient de chasser du pouvoir un dirigeant honni. Même si personne ne peut aujourd’hui prédire l’issue de cette insurrection, cet évènement nous concerne et doit nous amener à réfléchir sur le rôle de notre politique étrangère dans cette région.

Les révoltes sociales, les luttes pour la démocratie engagées ces dernières semaines en Tunisie et en Égypte ont nettement mis en lumière l’échec des ambitions euro-méditerranéennes du Président de la République. Ce qui devait être l’un des grands chantiers diplomatiques du quinquennat est devenu vide de sens.

Cet échec révèle également les faiblesses de notre politique étrangère depuis plusieurs années et la dégradation de l’image de la France dans les pays du Maghreb et du Machrek, mais également au Proche-Orient.

Ironie ou vengeance de l’histoire, lors de la création de l’Union pour la Méditerranée, en 2008, le Président de la République avait insisté pour que cette organisation ait son siège à Tunis. Il n’avait pas obtenu satisfaction, mais il avait pu se consoler en coprésidant l’UPM, jusqu’à ces dernières semaines, avec Hosni Moubarak, dont il faisait ainsi notre partenaire privilégié.

Au-delà des troubles que connaît la région, le coup de grâce avait déjà été donné à cette institution par la démission de son secrétaire général et le retrait forcé de son coprésident égyptien.

La démission de M. Ahmed Massa’deh a été un nouveau coup dur pour l’influence de notre pays dans le monde arabe. Le secrétaire général a justifié sa décision par sa lassitude devant la paralysie de l’organisation, faute d’orientations claires et de possibilité d’accord entre les différents pays sur des projets concrets.

Mais ce qui faisait surtout l’arrière-plan de cette démission, c’était l’incapacité de notre diplomatie, animée par le Président de la République, à donner les impulsions nécessaires à l’Union pour la Méditerranée.

Souvenons-nous pourtant que, en 2008, le Président de la République croyait pouvoir tirer les enseignements de l’enlisement de la politique méditerranéenne de l’Union européenne, appelée « processus de Barcelone ». Il avait alors pris l’initiative d’engager un mouvement de coopération avec les pays de la région, malgré les réticences de la plupart de nos partenaires européens.

En créant cet espace de coopération, il ambitionnait aussi, sans doute, de donner à l’Europe un poids suffisant pour influer enfin sur le processus de paix au Proche-Orient. Il voulait tirer partie d’une influence certaine, due à notre proximité historique et culturelle, pour promouvoir les principes et les valeurs de la France au moyen d’une nouvelle politique de coopération.

Le candidat Sarkozy n’avait-il pas, en effet, promis une « diplomatie des valeurs » durant sa campagne pour l’élection présidentielle ? N’avait-il pas fait la déclaration suivante, le soir même de son élection : « La France sera du côté des opprimés du monde, de tous ceux qui croient aux valeurs de la liberté, de la tolérance et de la démocratie » ?

Hélas, les actes n’ont pas suivi les promesses !

À la lumière de ce qui se passe aujourd’hui, nous voyons bien que notre pays risque de payer cher de lourdes erreurs stratégiques de sa politique étrangère. Le Président de la République n’a pas su trouver le juste équilibre entre la diplomatie, les enjeux économiques et les droits fondamentaux.

C’est ce qui fait aussi que les opposants tunisiens et égyptiens ignorent totalement, et rejettent parfois, I’UPM, trop associée à leurs yeux aux anciens présidents Ben Ali et Moubarak. Cela a largement contribué à décrédibiliser notre pays dans cette région et à altérer l’image de la France auprès de peuples qui paraissent ne plus rien avoir à attendre de nous, ni de l’Europe.

Sans vision stratégique, votre politique diplomatique, dans ce cas précis, s’est faite au jour le jour, au gré des événements. Il s’agissait, selon le vieil adage britannique, d’attendre et de voir…

Notre incompréhension du processus historique en cours dans ces pays, notre incapacité à prendre position et à réagir face aux événements actuels s’expliquent par la conception strictement néolibérale que ce gouvernement, comme les dirigeants européens, se fait de la coopération avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.

En effet, vous concevez l’aide économique à ces pays comme le moyen d’assurer un certain type de développement, sans vous préoccuper des conditions sociales et politiques dans lesquelles il s’accomplit. L’histoire nous apprend pourtant qu’il est illusoire de penser qu’un développement durable, économique, social mais aussi culturel, puisse se réaliser sans démocratie.

Votre conception, c’est celle des agences de notation, qui ont immédiatement baissé la note de ces pays lorsque les intérêts des puissances économiques étaient menacés.

Vous vous êtes ainsi satisfaits à bon compte de la stabilité garantie par des pouvoirs corrompus qui opprimaient leurs populations afin de préserver un ordre économique et social qui servait leurs seuls intérêts et les protégeait. Vous vous êtes laissés aveugler par l’épouvantail du fondamentalisme religieux musulman que ces pouvoirs n’ont cessé d’agiter afin de se présenter comme un rempart contre celui-ci.

On découvre malheureusement aujourd’hui la triste réalité de ces manipulations.

On apprend, par exemple, que l’ancien ministre de l’intérieur égyptien est soupçonné par la justice de son pays d’être impliqué dans un odieux attentat contre une église copte, officiellement attribué à un mouvement terroriste islamiste.

Tout cela vous a conduits à être peu regardants sur la nature de ces régimes, à être complaisants avec ce qu’il faut appeler des dictatures.

Mais vous avez aussi, et peut-être surtout, gravement ignoré, ou en tout cas sous-estimé, la colère de ces peuples contre les injustices, leurs aspirations, mais aussi leur capacité à édifier des sociétés démocratiques.

Permettez-moi de rappeler que notre groupe avait déjà dénoncé l’absence de prise en compte de cette dimension majeure que constituent les droits fondamentaux à l’occasion du sommet fondateur de l’UPM, tenu à Paris au mois de juillet 2008.

Dès cette époque, nous critiquions la différence de conception entre l’Union pour la Méditerranée et le processus initial de Barcelone, qui, bien que fondé sur une politique libérale de libre-échange, liait développement économique et lutte contre la pauvreté et fixait des exigences en matière de droits fondamentaux.

Nous avions également relevé que le docteur Moncef Marzouki, opposant au régime de Ben Ali devenu aujourd’hui populaire en Tunisie, nous renvoyait à nos propres exigences afin de garantir la réussite d’une nouvelle politique méditerranéenne. Je le cite : « Aurait-on pu envisager l’élargissement de l’Europe à l’Espagne, au Portugal ou encore à la Grèce du temps des dictatures de Franco, Salazar ou des colonels grecs ? »

Aujourd’hui, que reste-t-il du projet mort-né de l’Union pour la Méditerranée ? Après deux ans et demi d’existence, le bilan de cette institution est très mince. Des accords sur l’énergie solaire, le trafic maritime, les transports routiers ont été conclus et, en avril 2010, une conférence sur l’eau a été organisée, sans recevoir une véritable suite. Rien de concret dans tout cela, seulement une succession de séminaires ou d’études déconnectés des réalités économiques, sociales et politiques.

Certes, ce bilan décevant ne peut être uniquement imputé à votre conception erronée des conditions dans lesquelles doit se réaliser le développement des sociétés. Il y a aussi des raisons objectives qui font qu’aucun projet ne peut aboutir tant que ne sont pas réglés des conflits ou des désaccords entre les différents acteurs de la région. Je pense naturellement aux conflits entre Chypre et la Turquie, entre le Maroc et le Sahara occidental et, bien entendu, au conflit israélo-palestinien, qui fait de la coexistence entre Israël et les pays arabes l’un des principaux problèmes posés à l’UPM.

L’UPM ne pourra retrouver une légitimité qu’au prix d’une profonde redéfinition de notre politique euro-méditerranéenne d’aide au développement des pays de cette région, dans un sens qui soit favorable à leurs peuples et non aux seuls intérêts des acteurs du libéralisme économique.

C’est à cette révision profonde que je vous avais invitée, madame le ministre d’État, en vous interrogeant, il y a quinze jours, en pleine tourmente tunisienne. Vous m’aviez alors répondu d’une façon que j’ai ressentie agressive et inappropriée.

Aujourd’hui, le Président de la République, le Gouvernement et vous-même prenez, malheureusement, le train de l’histoire en marche. Pourtant, Nicolas Sarkozy semble encore marquer quelque réticence à reconnaître son incapacité à comprendre vraiment ce qui se passe dans ces pays, alors que, vendredi dernier, il saluait le « courage » dont aurait fait preuve Hosni Moubarak en démissionnant…

Il est donc grand temps, pour la France et pour l’Europe, de tirer les enseignements de ces événements et de revoir radicalement leurs stratégies dans cette région.

L’Europe, et plus généralement l’Occident, qui ont trop longtemps tenu ces peuples pour mineurs et soutenu leurs dirigeants et leurs dictateurs, doivent aujourd’hui aider par tous les moyens les processus démocratiques qui s’enclenchent, dans le respect de l’indépendance des États et des choix des peuples. Il leur appartient, notamment, de soutenir le développement économique et social de ces pays, condition essentielle de la pérennisation de ces démocraties naissantes.

Ce sont ces exigences que le coprésident de l’UPM, également président en exercice du G20, à savoir M. Sarkozy, devrait entendre pour mettre en œuvre de nouvelles orientations.

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