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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Prévention et répression des violences

Par / 23 janvier 2007

Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour établir un état des lieux de l’application de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

Gisèle Gautier l’a rappelé, cette loi est issue de propositions de loi que nous avons déposées, mon groupe et moi-même, ainsi que nos collègues socialistes, dès l’automne 2004. À l’Assemblée nationale, nos collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains avaient déposé cette même proposition de loi dès le mois d’octobre 2003. Nous attendions donc avec impatience que le Gouvernement se saisisse du problème des violences conjugales.

Aujourd’hui, la loi adoptée en avril 2006 est en vigueur. Mais deux questions se posent : correspond-elle à nos attentes et surtout à celles des victimes ? Est-elle réellement appliquée ?

À la première question, je réponds par la négative. C’est pour cette raison que, avec d’autres, notamment avec des associations qui ne sont pas satisfaites de cette loi, je travaille à l’élaboration d’une autre proposition de loi qui irait beaucoup plus loin.

La philosophie de la loi du 4 avril 2006 repose essentiellement sur une aggravation des sanctions à l’encontre des auteurs de violences conjugales. Le Gouvernement nous a expliqué, lors de l’examen du texte en mars 2005, que la réponse à la violence passait par le droit et le renforcement des sanctions. Notre postulat de départ est quelque peu différent. C’est d’ailleurs ce qui nous a conduits à ne pas proposer d’aggravations des sanctions.

En effet, les violences conjugales ne peuvent être comparées aux autres cas de violences contre des personnes. Elles sont fondées sur un processus psychologique différent et sur un rapport inégalitaire entre l’homme et la femme au sein du couple. Le rapport Henrion de février 2001 décrit parfaitement le processus des violences conjugales : ces violences « se distinguent des simples conflits entre époux ou concubins ou même des conflits de couples en difficulté ou "conjugopathie" par le caractère inégalitaire de la violence exercée par l’homme qui veut dominer, asservir, humilier son épouse ou partenaire ».

Ce n’est donc pas un hasard si la femme qui subit ces violences n’a parfois pas le sentiment d’être une victime. Il arrive même qu’on la tienne pour responsable de ces violences et que l’on considère qu’elle a provoqué la situation. Ensuite, elle ne ressent ni le besoin de se défendre ni celui de se plaindre des sévices qu’elle subit. Au contraire, elle éprouve de la honte et de la culpabilité.

Ce sentiment de honte et de culpabilité a longtemps été entretenu par la tolérance dont la société a fait preuve envers les agresseurs et les violences conjugales. « C’est un problème de couple », « Cela ne nous regarde pas », « C’est une simple scène de ménage », telles furent longtemps les phrases employées pour caractériser ces violences et servir d’excuse à la société pour ne pas considérer les violences conjugales comme un trouble à l’ordre public.

De ce point de vue, nous assistons à un retournement de situation inespéré. On ne porte plus aujourd’hui un regard tolérant sur ces violences. De même, on ne méprise plus les femmes qui en sont victimes.

Néanmoins, il ne faut jamais oublier que les violences au sein du couple se produisent toujours dans le cadre d’un schéma psychologique d’emprise, de domination, d’humiliation entretenu par l’agresseur.

De ce fait, l’accompagnement des victimes et la formation des professionnels susceptibles d’être confrontés à ces femmes victimes sont essentiels. Telle est la position que nous n’avons cessé de défendre, que ce soit dans notre proposition de loi ou lors des débats en mars 2005 et en janvier 2006, tout en encourageant le recours aux dispositions législatives existantes.

Il est d’autant plus difficile pour une femme victime de violences au sein de son couple de réagir qu’elle est économiquement dépendante de son conjoint : envisager de le quitter est alors presque impossible. C’est pour cette raison que nous avions déposé des amendements tendant à permettre aux victimes, notamment celles dont les revenus sont inférieurs à 75 % du SMIC, d’être financièrement autonomes, grâce à la solidarité nationale.

Nous insistions également, et nous continuons de le faire, sur le renforcement de la formation des professionnels de santé, des magistrats, des policiers et des gendarmes, de toutes celles et de tous ceux qui sont amenés à rencontrer des femmes victimes de violences conjugales.

En effet, le sentiment de honte influe énormément sur les démarches et les recours entrepris par les femmes auprès des institutions.

D’une part, il n’est pas aisé pour elles de se livrer. Les résultats de l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France de 2000 ont souligné l’occultation des violences conjugales et le silence dont celles-ci sont entourées de la part des victimes elles-mêmes.

Je citerai l’un des constats de cette enquête : « Les femmes ont beaucoup plus faiblement parlé avec d’autres personnes des violences subies au sein de leur couple. Le constat d’un faible recours aux institutions en découle logiquement. Il y a plus de réticences à signaler les brutalités d’un conjoint que celles de toute autre personne : 13 % des cas de violences conjugales, contre 43 % dans les espaces publics et 32 % au travail ».

Les campagnes d’information, telles que les campagnes télévisuelles et d’affichage que nous avons pu voir, sont donc essentielles sur ce plan, afin que les femmes victimes de violence sachent qu’elles peuvent briser le silence auquel elles se condamnent.

D’autre part, nous voyons bien comment, du côté des professionnels de santé ou de justice, il n’est pas aisé non plus d’interpréter des paroles ou des attitudes qui pourraient traduire une situation de violences conjugales. Il est donc essentiel, là aussi, une fois que les femmes ont trouvé le courage de briser le silence, qu’elles puissent parler en toute confiance à une personne attentive, qui sache trouver les mots justes et ensuite engager les actions adéquates.

Cette attitude de la part des professionnels n’est pas forcément spontanée. La formation est donc essentielle, mais, à chaque fois que nous avons formulé une telle proposition, elle a été rejetée. C’est d’autant plus regrettable que c’était également l’une des recommandations formulées par la Délégation aux droits des femmes.

Pourtant, nous l’avons souligné dans les travaux de la Délégation, la seule approche répressive ne peut être satisfaisante pour limiter le phénomène des violences conjugales. Seule une approche globale permettra de lutter efficacement contre ces violences.

Au-delà des professionnels, prévoir dès l’école maternelle une initiation au respect de l’égalité entre les hommes et les femmes s’avère nécessaire afin de réduire, à l’avenir, l’influence de certains phénomènes sociaux sur la violence masculine à l’égard des femmes. Une fois encore, une telle proposition a été rejetée, et nous le regrettons vivement.

Par conséquent, les différents intervenants, que ce soient les professionnels de santé, l’éducation nationale, les services de police et de gendarmerie, les collectivités territoriales ou les associations, doivent impérativement mutualiser leurs actions pour les rendre plus efficaces.

Je considère que ce n’est pas l’esprit qui a guidé la majorité et le Gouvernement lors de l’examen du texte qui allait devenir la loi du 4 avril 2006. Néanmoins, parce qu’il marquait une étape essentielle dans la reconnaissance des violences faites aux femmes, notre groupe a voté ce texte, en émettant quelques réserves et en insistant sur le fait que nous serions particulièrement attentifs à sa mise en oeuvre effective.

Nous demandons donc au Gouvernement, madame la ministre, de faire le bilan de l’application ou non de certaines dispositions de la loi. Ces éclaircissements sont d’autant plus nécessaires que les chiffres concernant les femmes victimes de violences au sein de leur couple sont toujours élevés : une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon.

Une étude sur les coûts budgétaire et social de ces violences, notamment leurs conséquences en matière d’arrêt de travail, d’assurance, de protection policière, de soins, de traitement judiciaire, de logement, de prise en charge des enfants, etc., a été confiée au Centre de recherches économiques, sociologiques et de gestion, avec, comme première étape, un rapport qui devait être rendu fin 2006. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Alors que la justice commence à prendre la mesure de ces violences, nous aimerions savoir dans quelle proportion est utilisée la possibilité pour le procureur de la République, dans le cadre de la composition pénale, et pour le juge d’instruction, dans le cadre du contrôle judiciaire, d’éloigner le conjoint violent du domicile conjugal.

Est-il prévu que l’initiative du parquet de Douai soit davantage généralisée ? L’expérience qui y est menée n’est pas dénuée d’intérêt. Dans cette juridiction, les hommes violents sont systématiquement mis en garde à vue et nombre d’entre eux sont placés pendant quinze jours dans un foyer où ils sont tenus de participer à des groupes de paroles.

M. Roland Courteau. Nous avions déposé un amendement en ce sens qui n’a pas été adopté !

Mme Annie David. Plusieurs parquets se sont inspirés de cette expérience, tels que ceux de Senlis ou de Bordeaux. D’autres parquets sont-ils intéressés ?

S’agissant des statistiques éditées par le ministère de l’intérieur, nous demandions que celles-ci soient sexuées afin de pouvoir dénombrer le nombre de femmes victimes de violences commises au sein de leur couple.

Le 1er février 2005, la Délégation aux droits des femmes auditionnait Michel Gaudin, directeur général de la police nationale au ministère de l’intérieur. Celui-ci nous avait alors indiqué que l’outil statistique ne permettait pas d’isoler les violences conjugales incluses dans la rubrique des coups et blessures volontaires. Il avait toutefois précisé qu’un nouvel outil informatique, appelé système de traitement des infractions constatées, ou STIC-Ardoise, offrirait des statistiques intégrant ce paramètre et devrait être opérationnel en 2007. Pouvez-vous nous dire où en est la mise en oeuvre de ce projet ?

Cette demande d’établir des statistiques sexuées était d’ailleurs formulée par la Délégation aux droits des femmes. Cette dernière recommandait également que soient actualisés les résultats de l’ENVEFF de 2000. Nous saluons le fait qu’une enquête ait été réalisée sur deux ans - en 2003 et en 2004 - à la demande du ministère en charge de la parité par l’ENSAE Junior Études, recensant les morts violentes survenues au sein du couple. Nous encourageons de telles études et souhaitons qu’un travail aussi sérieux que celui qui a été réalisé par l’ENVEFF soit régulièrement effectué.

M. Michel Gaudin nous avait parlé de la mise en place de stages de formation professionnelle pour les policiers amenés à recevoir des femmes victimes de violences conjugales. Qu’en est-il aujourd’hui ? Ont-ils été mis en place ? Si oui, combien de policiers ont-ils pu en bénéficier ?

Pour ce qui est de l’accueil des femmes victimes de violences conjugales, la Délégation recommandait de coordonner le réseau d’accueil et de prise en charge des victimes en y intégrant les collectivités territoriales, en particulier les communes.

Une circulaire du 24 mars 2005 a demandé aux préfets, en collaboration avec les collectivités territoriales et le secteur associatif, un diagnostic partagé des réponses offertes et des besoins à satisfaire en matière d’accueil, d’hébergement et de logement des femmes victimes de violences. Cette circulaire a-t-elle été suivie d’effets ?

Enfin, la loi du 4 avril 2006 prévoit que le Gouvernement déposera tous les deux ans un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples.

M. Roland Courteau. C’était l’un de nos amendements !

Mme Annie David. Nous espérons que cet engagement sera tenu, quel que soit le Gouvernement en place l’année prochaine.

Nous attendons de la part du Gouvernement des réponses précises à toutes ces questions et observations.

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