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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Un auxiliaire des plans sociaux et des liquidations d’activité

Action du fonds stratégique d’investissement -

Par / 22 octobre 2009

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question orale avec débat déposée par notre collègue Nathalie Goulet présente un certain nombre de caractéristiques pour le moins intéressantes.

Elle permet d’ouvrir un débat que la loi de finances devrait encore approfondir, ce qui ne peut manquer de donner sens à l’initiative parlementaire, sous tous ses aspects.

Les parlementaires du groupe CRC-SPG ont d’ailleurs pour eux d’avoir, lors de la création du Fonds stratégique d’investissement, marqué leur interrogation quant aux attendus et aux missions confiées à ce qui nous était présenté comme un « fonds souverain à la française ».

Permettez-moi de procéder à un rappel.

S’inspirant sans doute de l’exemple du fonds norvégien Statoil, qui capitalise les bénéfices des investissements réalisés à partir des revenus tirés de l’exploitation des ressources énergétiques de la mer du Nord pour prendre en charge, entre autres choses, le financement de la protection sociale de ce pays nordique, le Président de la République a souhaité mettre en place le FSI pour répondre aux défis de la désindustrialisation.

En mettant sur la table 20 milliards d’euros, apportés à parts quasi égales par l’État et par la Caisse des dépôts et consignations, et destinés à financer des prises de participation dans toute entreprise industrielle de notre pays, on tentait de donner une réponse, que d’aucuns qualifiaient d’ailleurs, à l’époque, de « colbertiste », au problème de l’hémorragie constante d’emplois et d’activités industrielles dans notre pays.

De fait, ainsi que le souligne l’auteur de la question orale, le Fonds d’investissement stratégique est une forme de filiale de la Caisse des dépôts et consignations – dont la spécificité, je le rappelle, est d’être soumise au contrôle du Parlement – alors même que la majorité du capital du Fonds est détenue par la CDC.

Pour le moment, comme chacun le sait, le Fonds n’a qu’une existence juridique particulièrement ténue, découlant de l’application de l’article 5 de la loi de finances rectificative de février dernier, et je me permets de rappeler ce que nous en disions déjà alors.

« Le collectif consacre la création du Fonds stratégique d’investissement, structure dont la gestion est confiée à la fois à Augustin Romanet de Beaune, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, et au P-DG de Citroën, qui sort juste d’un plan social massif à Rennes...

« Déjà, avec une telle “carte de visite”, cela promet...

« Mais voilà aussi qu’on apprend que la Caisse des dépôts et consignations s’apprête à apporter 3 milliards d’euros de “cash” pour le capital de ce fameux “fonds souverain à la française”...

« Comment le fait-elle ? En cédant des actifs immobiliers et, en l’espèce, 35 000 logements sociaux appartenant aux filiales immobilières de la CDC et situés notamment dans de nombreuses communes de la proche banlieue parisienne.

« La vente de ce patrimoine, dont la Caisse espère donc obtenir une plus-value de 3 milliards d’euros, risque fort de conduire à la mise sur le marché de ces logements, en dehors de la législation HLM !

« De fait, pour financer des prises de participation prétendument publiques dans des entreprises considérées comme stratégiques, on va commencer par dilapider le logement social ! »

Cette observation liminaire nous amène directement au sujet qui nous préoccupe.

Non content d’avoir fait d’un cadre du groupe PSA le directeur général du Fonds, on a nommé le fils du ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance directeur général adjoint !

Venons-en aux faits plus récents qui ressortent de l’action du Fonds stratégique d’investissement.

Préservation des emplois et des activités industrielles sont la raison d’être du Fonds, si l’on doit croire ses créateurs.

Le problème est que quelques salariés d’entreprises d’ores et déjà recapitalisées par le FSI n’ont pas cette lecture des faits ou, plutôt, ils constatent qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et que les faits n’ont qu’un lointain rapport avec les intentions !

Je présenterai ici un exemple significatif de l’intervention du Fonds, que la presse a d’ailleurs traité, celui de la société Nexans, à Chauny dans l’Aisne.

Je confesse que le journal dont j’ai tiré cet exemple n’est pas vraiment favorable à la politique gouvernementale actuelle, puisqu’il s’agit de l’Humanité (M. le secrétaire d’État sourit), mais les faits sont les faits et, Mme Goulet ayant cité Le Figaro, permettez-moi de citer un article dont le titre ne présente pas d’équivoque – « L’État boursicote, les salariés trinquent » – et que son auteur résume lui-même de la façon suivante : « Le Fonds stratégique d’investissement était “l’arme anticrise” de Sarkozy. Voilà qu’elle s’est transformée en bombe contre l’emploi. Dans l’Aisne, la multinationale Nexans va raser l’un de ses berceaux avec l’aide de l’argent public. C’est un scandale qui tient à deux chiffres : 60 millions d’euros et 387 chômeurs ! »

L’article compte ensuite l’histoire de Chauny, cette petite bourgade de l’Aisne qui, depuis 1922, « vit au rythme de ses usines de câbles passées de la Compagnie générale d’électricité à Thomson, puis Alcatel, puis Nexans ».

« Début juillet, la multinationale française Nexans – 22 400 salariés dans le monde, dont 3 000 en France, une marge opérationnelle à 8,9 % et 195 millions d’euros de profits en 2008 – a bénéficié d’un investissement de 60 millions d’euros de la part du Fonds stratégique d’investissement tant vanté par Nicolas Sarkozy comme sa véritable “arme anticrise” censée défendre le travail et les usines en France. À peine trois mois plus tard, voilà qu’avec les largesses de ce fonds à capitaux exclusivement publics, le groupe programme le saccage de l’emploi, en supprimant 14 % de ses effectifs sur le territoire de son berceau historique, qui demeure aussi son principal marché ! “ Cet argent ne peut pas servir pour investir dans des unités déficitaires”, ont osé arguer, devant les salariés, les dirigeants de Nexans.

« Sur place, le vacarme du scandale commence à parasiter la complainte des licenciements. Le délégué syndical central CGT, soupire : “Franchement ? Je sais que le FSI est rentré dans le capital du groupe, mais c’est tout !” À Fumay, dans les Ardennes, sur un autre site de Nexans où cinquante-trois licenciements viennent d’être annoncés, le délégué CGT et membre du comité de groupe européen réclame, par courrier recommandé, une entrevue avec Gilles Michel, le directeur général du FSI. “Ce fonds devait servir à consolider les positions des fleurons industriels et à préserver les emplois en France, se souvient-il. Il ne peut en aucun cas être utilisé pour restructurer ou délocaliser. Or, dans le cas de Nexans, il y a manifestement un petit doute…” À Paris, au conseil d’orientation stratégique, censé être, selon Nicolas Sarkozy, le “gardien de la cohérence et des équilibres de l’action du fonds”, les syndicats sont pour le moins fumasses. “Nous n’avions aucune information sur les conséquences sociales du projet, s’insurge l’un de leurs représentants. N’ayant aucun pouvoir réel dans la gouvernance du FSI, nous ne disposons que de l’information qu’ils veulent bien nous donner. Manifestement, le patron de Nexans se sert du FSI pour améliorer ses fonds propres. Après, c’est vraiment : “Circulez, il n’y a rien à voir !” »

« Dans toute sa communication financière, le groupe, plutôt florissant, avoue ne viser qu’un objectif : “Faire de Nexans, un groupe plus rentable.” Sur le terrain, cela signifie par exemple que, depuis des années, la direction de l’usine organise la sous-activité de son site industriel à Chauny. “Le groupe a trois coulées continues de cuivre en Europe et celle de Chauny est à la fois la plus performante et la plus productive, pointe le délégué syndical. Chez nous, toutes les installations sont doublées, c’est unique au monde ! Mais la direction de Nexans s’en fiche, ils ont décidé qu’on était en surcapacité et que, de toute façon, cette activité ne produisait plus assez de valeur ajoutée.” Au FSI, où travaille un petit commando d’as de la finance débauchés dans les banques d’affaires et les fonds d’investissement traditionnels, on s’excuse de ne pas s’immiscer du tout dans la stratégie industrielle de Nexans. “Moi, je ne sais pas quand le plan social a été préparé, avance le porte-parole du FSI. Nous n’avons pas à décider de la stratégie de l’entreprise, ni de sa gestion. Si on arrivait en disant à l’entreprise qu’on veut jouer un rôle important, elle n’accepterait pas que l’on entre dans son capital. Nous pouvons discuter par exemple du reclassement des salariés, mais c’est l’entreprise qui garde la main.”

« Opacité complète pour les ouvriers et leurs représentants, transparence totale pour les patrons et leurs actionnaires, privés… ou publics ! En avril, Nexans promet “d’accentuer très fortement ses actions de restructuration” et, en juillet dernier, au moment de l’entrée officielle du FSI dans le capital de la multinationale, Frédéric Vincent, son P-DG, se félicite bruyamment : “Le FSI connaît les enjeux auxquels un groupe industriel global comme le nôtre doit faire face.” Détail piquant, à la limite du conflit d’intérêts : le FSI connaît d’autant mieux la stratégie de Nexans qu’un des membres du comité exécutif du fonds, Jérôme Gallot, président de CDC Entreprises, filiale de capital-investissement de la Caisse des dépôts et consignations, siège au conseil d’administration du leader mondial du câble depuis 2007. Alors que Nexans a provisionné des dizaines de millions d’euros pour la restructuration envisagée et qu’il vient de distribuer près de 56 millions d’euros à ses actionnaires, à quoi servent donc les 60 millions d’euros du FSI ? À Chauny comme à Fumay, ou sur les autres sites de Nexans en France, les ouvriers en sont de plus en plus convaincus, le FSI est un fonds d’investissement comme les autres. Ni plus ni moins rapace que les autres. Un fonds qui ne crache même pas sur les “licenciements boursiers” de ceux qui l’ont abondé par leurs impôts… »

Mes chers collègues, s’il convenait de se demander quel sens donner à la réponse à la question posée par notre collègue Nathalie Goulet, ce serait sans doute assez aisé à définir.

Premier aspect, le Fonds stratégique d’investissement doit effectivement être placé sous la responsabilité de la Caisse des dépôts et consignations et, par là même, de sa commission de surveillance, où siègent des parlementaires.

Second aspect, oui, l’argent public est une chose bien trop précieuse et une denrée bien trop rare pour qu’il soit utilisé aux fins de financer des stratégies d’externalisation d’activité – c’est bien ce qui s’est produit dans l’affaire Nexans – et des plans sociaux dont souffrent au premier chef les salariés, leurs familles et les territoires où ils résident !

Au-delà des étranges choix stratégiques qui président au fonctionnement du FSI, on peut remarquer, dans cette affaire, que l’intervention du Fonds se fait sans la moindre information des salariés et, plus encore, sans la moindre participation des premiers intéressés aux choix de gestion opérés par le Fonds.

On ne peut, mes chers collègues, faire le bonheur des gens contre leur gré. C’est une tendance qui semble guider la manière de gérer les affaires du pays et qui prévaut singulièrement depuis le printemps 2007 ; les salariés de notre pays sont suffisamment intelligents pour s’intéresser au premier chef à la gestion de l’entreprise où ils travaillent !

Ce que nous venons de décrire n’empêchera nullement Nexans de tirer pleinement parti de la réforme de la taxe professionnelle, présentée comme la mesure phare du projet de budget pour 2010 et qui ne servira, dans le cas précis, qu’à assurer encore plus aisément le financement du plan social !

Si le Fonds stratégique d’investissement devient l’auxiliaire des plans sociaux et des liquidations d’activité, comme chez Nexans, Technip, Trèves, Valeo ou encore dans la holding des aventuriers qui avaient promis à Jean-Luc Warsmann monts et merveilles lors du rachat, avant la liquidation que l’on sait, de Thomé-Génot, nous sommes en présence d’une opération pure et simple de détournement de fonds publics au profit d’on ne sait trop quoi !

Il est grand temps, et Mme Goulet a eu raison de soulever la question ce matin, que le Fonds stratégique d’investissement soit soumis au contrôle parlementaire, que son action réponde à une éthique plus précise et que les salariés des entreprises où il est appelé à intervenir soient pleinement associés à l’évaluation de l’efficacité de son implication.

Nous nous attacherons à faire valoir cette exigence le moment venu.

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