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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Couloirs aériens en Ile-de-France

Par / 12 décembre 2002

par Marie-Claude Beaudeau

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,

Au sujet de la question orale avec débat sur la réorganisation des couloirs aériens en ciel francilien, je voudrais vous faire observer, M. Larcher, que vous aviez déposé une question écrite antérieure dans laquelle vous vous interrogiez, en particulier, sur la mesure des impacts environnementaux et leurs effets positifs et négatifs sur les différentes aires géographiques concernées, ainsi que sur le respect effectif de la remontée des trajectoires d’arrivée ».

Le texte de la question orale est moins précis, moins expressif. Il demande simplement de savoir « quelle évaluation en est faite ».

J’interprète cependant votre propos d’ensemble, non pas comme une simple interrogation, mais plutôt comme une condamnation des couloirs aériens mis en place depuis mars 2001. Ai-je raison ?

Je voudrais également noter la prise de position récente de M. Bussereau, lors du débat budgétaire au Sénat, jeudi 5 décembre, sur la navigation aérienne, qui a considéré la création de ces couloirs comme une erreur et qu’ils n’avaient pas fait l’objet de la concertation préalable nécessaire et d’études d’impact suffisantes. Ces couloirs doivent être revus, a-t-il dit à cette tribune.

Il apparaît également que, depuis leur mise en place, ces couloirs suscitent de la part des riverains de l’Essonne, des Yvelines, du Val d’Oise, de Seine-Saint-Denis, de Seine-et-Marne, du Val de Marne une réprobation unanime s’exprimant notamment par des manifestations de rue, que le groupe CRC soutient et auxquelles les élus communistes, républicains, citoyens participent.

Le décor est planté. Ces couloirs doivent être abandonnés. Cette idée grandit. La presse à grand tirage fait état de cette nécessité (voir le Journal du Dimanche).

Aujourd’hui, nous voudrions vous faire part de nos raisons de nous opposer, nous aussi, aux couloirs aériens.

Nous considérons ces couloirs comme des éléments d’un ensemble beaucoup plus important :

L’évolution du trafic aérien au plan national et francilien

A cours de 2001, malgré le passage à vide de septembre 2000, le trafic a progressé en France, beaucoup plus d’ailleurs pour le fret que pour les passagers. L’ensemble des liaisons a progressé et continue à progresser en Ile-de-France, mais aussi en province. A Bordeaux, en octobre 2002, on note une progression de + 8,4 % du nombre de passagers sur 2000. A Roissy, le nombre de passagers a augmenté de près de 2% par rapport à 2001 au cours des mois de juin et juillet avec un peu plus de 9 millions de passagers.

Pour Limoges, le trafic a bondi de 18 % sur les 10 premiers mois de l’année. On pourrait citer d’autres plates-formes. ADP, Aéroports de Paris, n’échappent pas à cette évolution, même si 2001 n’a pas été une très bonne année pour Orly.

Au plan francilien, c’est surtout le fret qui progresse (+ 7 %) conduisant bientôt à un monopole dans ce domaine, monopole contraire au développement des activités économiques au plan national et à toute idée de décentralisation et d’aménagement des Régions et du territoire. Un aéroport comme Vatry, neuf et construit avec des fonds publics, pourrait recevoir le besoin de fret supplémentaire de l’Ile-de-France.

Au cours de la prochaine décennie, on estime à ADP une progression moyenne annuelle de 2 % pour les passagers et de 7 % pour le fret.

L’aéroport d’Orly a atteint son niveau de saturation. Celui de Roissy est près d’atteindre le sien avec 55 millions de passagers.

Pour un Gouvernement ayant aussi à gérer la France de demain, quelle est la réponse possible ?

 ou accroître le trafic à Orly et à Roissy,

 ou créer un nouvel aéroport et décentraliser, répartir le trafic.

Il n’est pas d’autre solution. La meilleure preuve en est que je défends un troisième aéroport et que M. Legrand, lors du débat sur la navigation aérienne, prétend que l’on peut accroître de beaucoup le trafic de Roissy, allant peut-être jusqu’à rêver à de nouvelles pistes, en théorie, possibles, et pour Orly d’envisager un trafic au-delà de 250 000 mouvements annuels et même peut-être un retour à la « nocturne ».

Monsieur le Ministre, vous avez été dans cette voie de façon plus nuancée, j’en conviens. Mais, de façon certaine, vous affirmez que l’on peut encore accueillir un trafic supplémentaire.

Je vous le dis, si vous vous obstinez dans cette voie, vous ne défendez pas le progrès en matière de développement de l’aviation civile. Vous le compromettez. Pourquoi ?

Développer le trafic d’ADP, c’est bien entendu, développer les nuisances. C’est un signe nouveau, reconnu. Le colloque, auquel vous avez participé le 21 novembre dernier, organisé par l’UCCEGA et Avenir Transports, a démontré les enjeux et les bienfaits de la décentralisation du système aéroportuaire. A Cannes, lors du 11e forum Airlines Forum, l’idée d’une mutation profonde du transport aérien a été largement débattue.

Je vous le dis, Monsieur le Ministre, le transport aérien ne se développera qu’en réconciliant l’avion en haut et la vie des populations riveraines en bas.

Je ne vous décrirai pas le problème du bruit. Le problème est connu. Par contre, celui plus émergeant de la pollution avec des taux parfois impressionnants de dioxyde d’azote ou de carbone, qui, combiné avec celui de la circulation automobile, devient inquiétant. Air Parif publie désormais ces taux et je vous y renvoie. Cette situation touche la santé publique. Les études épidémiologiques commencent et font apparaître une apparition de maladies allergiques, d’emphysème notamment d’asthme, d’angoisse, voire de dérèglements psychologiques.

Dans mon département, un de vos amis politiques, le Dr Enjalbert, maire-conseiller général de Saint-Prix, a publié des études en ce sens probantes et inquiétantes.

Choisir le développement du trafic à ADP, c’est aussi compliquer la circulation routière qui dans le secteur de Roissy et d’Orly conduit à l’embouteillage permanent que s’efforcent de contourner parfois les gyrophares ministériels. Une heure et demie de Sarcelles, où j’habite, au Sénat, où je travaille, c’est le temps du trajet quotidien. Il n’y a pas si longtemps, la durée était de ¾ d’heure.

Choisir le développement de Roissy et d’Orly, c’est aussi développer les contraintes d’urbanisme, de réhabilitation, notamment des parties plus anciennes des villes et villages, et de la plupart des bourgs anciens de la Plaine de France. C’est M. Pons, alors ministre des transports, qui s’en était ému et avait décidé de mettre en place une « mission Roissy » sur le devenir de ces bourgs (une bonne quinzaine). Une étude remarquable a été conduite, mais restée sans lendemain faute de suite donnée par des financements appropriés. Des PEB de plus en plus envahissants vont compromettre, si l’extension du trafic se fait, l’équilibre de régions entières. Comment pourrons-nous répondre alors aux besoins d’insonorisation de l’habitat croissants, alors que l’ADEME voit ses crédits diminuer de 10 % en 2003. Actuellement, des villes comme Garges et Sarcelles sont toujours hors du Plan de gène sonore (PGS), alors qu’elles sont en plein zone de nuisance.

Ne parlons pas de risques accrus en pleine zone urbanisée, de sécurité aérienne. Malheureusement, l’actualité nous démontre que l’accident se produit. J’en ai compté pour ma part au moins cinq graves, autour de Roissy, du bombardier américain B52 au Concorde plus récemment.

« Vous êtes hors sujet, Mme Beaudeau ! », pourriez-vous penser. Non, mes chers collègues, je suis en plein cœur du sujet. Pourquoi ?

Le couloir aérien, puisqu’il faut l’appeler par son nom, est né du refus du 3ème aéroport et des contraintes nouvelles de l’accroissement du trafic.

Pour permettre à un plus grand nombre d’avions d’atterrir et de décoller, il faut de nouvelles trajectoires, d’où la théorie des couloirs mis en place.

C’est la théorie du parallélisme qui fait par exemple qu’une nouvelle piste a été construite au Bourget, parallèle à celles de Roissy.

C’est la théorie de l’utilisation d’espaces jusqu’alors vierges ou peu touchés par les circulations aériennes, comme la partie sud des Yvelines, Rambouillet, Dourdan, Etampes, Marcoussis, Brétigny et même Corbeil...

C’est aussi la théorie du renforcement.

A une réunion de concertation, n’a-t-on pas entendu un responsable d’ADP dire « votre commune est moins peuplée, c’est normal que plus d’avions vous survolent. »

Les effets se font sentir en Seine-Saint-Denis, en vallée de Montmorency, en Plaine de France, du fait de l’abandon de Creil comme pôle d’entrée des mouvements pour la façade ouest de Roissy. Et tout cela, sans aucune concertation.

Le quadrillage du ciel francilien est en marche avec les couloirs.

Mais le couloir n’est déjà plus suffisant.

Les volumes de protection de l’environnement (VPE) sont alors venus l’enrichir. Les avions devront rester à l’intérieur de volumes, sous-ensembles des couloirs tant au décollage qu’à l’atterrissage. Tout vol sera contrôlé et s’il s’éloigne à l’extérieur des limites fixées, il pourra faire l’objet d’une saisine de la Commission nationale de prévention des nuisances sonores en vue d’une éventuelle sanction. Un arrêté ministériel pour Roissy et Orly est en préparation afin de créer de tels volumes au départ. Un esprit naïf ou peu averti pourrait considérer qu’il s’agit là d’une mesure de protection de l’environnement. Dans les faits, il s’agit de permettre au plus grand nombre d’avions de se poser et de décoller.

M. le ministre de ROBIEN a déclaré le 25 juillet dernier « Les nouveaux couloirs doivent respecter les volumes de protection environnementale. Il faut les définir avec précision puis les imposer aux exploitants. La procédure respect des couloirs avec sanctions sera mise en place dès cet automne ».

Ainsi les VPE calés dans les couloirs conduiront à une occupation potentielle et opérationnelle des mouvements d’avions rationalisée, contrôlée, dans un système fermé et efficace. Un véritable quadrillage est mis en place.

Résumons-nous : couloirs aériens en mars 2001, VPE annoncés en juillet, et maintenant décrets sur les VPE.

Ainsi le nombre de mouvements pourra augmenter avec une possibilité de concentrer les nuisances ou l’absence de nuisances dans des régions déterminées, voire sélectionnées.

Que restait-il pour parfaire un tel dispositif ? Un ciel contrôlé et au-delà de nos frontières, en Europe. C’est chose faite, puisque depuis le 6 décembre, et M. le Secrétaire d’Etat aux transports l’a annoncé en « première » à la tribune du Sénat, le ciel unique européen est né. Qu’a-t-il été décidé ?

Les ministres des transports des Quinze ont approuvé -et je cite un communiqué l’annonçant‑, le projet de « ciel unique européen » destiné à mettre fin à la diversité des systèmes de contrôle aérien sur le vieux continent en réalisant un espace aérien d’ici deux ans.

J’attire votre attention sur le fait qu’un délai de deux ans est mis en place pour aboutir -et je cite un compte rendu du Monde « à créer des capacités supplémentaires au sein de l’espace aérien européen afin de faire face à l’augmentation du trafic ». Et le compte rendu précise que « l’idée originelle était de réduire la fragmentation du ciel et de son contrôle organisé par chacun des états : en Europe occidentale, au total, 73 centres de contrôle, 35 systèmes différents prennent un appareil en charge à l’entrée de chaque zone pour l’accompagner à la suivante ».

Monsieur le ministre, chaque Etat gardera le droit d’initiative en la matière. L’affirmez-vous ? Il est vrai que la France a fait reculer la Commission européenne sur le choix des prestataires de service de circulation aérienne, y compris leurs moyens propres de communication, de navigation, de surveillance ou de météorologie. La détermination des blocs fonctionnels d’espace aérien relèvera des seuls Etats concernés par ces espaces. Chacun a bien compris que les deux ans prévus pourraient être utilisés pour lever de nouvelles difficultés. Tout comme l’Etat devra mettre à profit ces deux ans, si je comprends bien, pour savoir s’il redistribue ou non une partie de l’espace qu’il réserve aux militaires. L’heure sera-t-elle aussi à l’abandon de notre potentiel aérien national ?

Le transfert de notre système de contrôle public, qui a fait ses preuves, sera-t-il lui-aussi privatisé avec Air France (c’est une certitude), avec ADP (on en parle).

Quant à une meilleure sécurité, la catastrophe survenue au-dessus du lac de Constance où deux avions se sont heurtés devrait nous inciter à plus de prudence.

Alors, mes chers collègues,

ciel unique européen,

couloirs aériens,

volumes de protection de l’environnement,

le système est en place pour une super saturation du ciel francilien.

Plus que jamais, nous préférons le 3e aéroport en Bassin parisien et le développement des aéroports de province.

A ce sujet, Monsieur le ministre, voudriez-vous nous préciser les potentialités de développement des aéroports de province ?

La solution est plus sûre, plus nationale et plus conforme à l’idée généreuse de décentralisation, pour un développement de l’économie et des transports aériens, plus de démocratie dans la décision, un progrès d’une aviation civile française conservant ses contrôles, ses contrôleurs de qualité et son ciel avec un devenir pour chaque aéroport français.

Le débat était nécessaire, mais il ne fait que commencer, nous en reparlerons et j’espère avec un peu plus d’ambition pour les ailes françaises, pour le respect de la vie des populations riveraines de la part du gouvernement.

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