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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Archives

Par / 8 janvier 2008

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les archives nationales ont été créées par le décret du 12 septembre 1790 et leur ouverture au public sans restriction ni discrimination a été proclamée par la loi du 7 messidor an II. Pourtant, ce principe fondateur n’est jamais à l’abri de tentatives de remise en cause.

Notre vigilance à l’égard de toute remise en cause de l’accès aux archives est d’autant plus aiguisée que les archives sont notre histoire à tous : sans archives, il n’y a pas d’histoire !

C’est pourquoi les archives ne doivent pas être réservées aux historiens, aux professeurs ou aux chercheurs. Elles doivent être accessibles à l’ensemble de nos concitoyens, qui doivent pouvoir s’approprier l’histoire de leur pays, leur histoire. Elles participent ainsi pleinement à la sauvegarde de la mémoire collective.

En cela, le principe de libre communicabilité des archives publiques ainsi que la réduction des délais des secrets protégés par la loi, tous deux prévus par l’article 11 du projet de loi, constituent indéniablement un progrès en direction du public. Cet article établit comme principe l’ouverture des archives au public, ce que ne faisait pas la loi de 1979. Il faut y voir de toute évidence une avancée démocratique, au bénéfice de tous les citoyens.

Cet accès sans restriction ou presque aux archives ne peut donc que renforcer l’obligation de transparence que détient un État démocratique vis-à-vis des citoyens. La collecte, la conservation et la gestion de ces archives constituent donc une mission de premier ordre pour une démocratie.

Cette mission particulière des Archives nationales justifie évidemment leur caractère de service public régalien. La mission présidée par Bernard Stirn et chargée en 2005 d’étudier l’organisation administrative des Archives nationales ne s’y est d’ailleurs pas trompée, même si nous ne partageons pas totalement son choix de faire des Archives nationales un service extérieur à compétence nationale.

Dans son rapport, il est précisé que, pour opérer ce choix, la mission s’est notamment fondée sur la nature des missions des Archives nationales.

L’article L.211-2 du code du patrimoine dispose, en effet : « La conservation des archives est organisée dans l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche. »

En mentionnant la justification des droits des personnes publiques, ainsi que le besoin des services de l’État de consulter leurs archives, le législateur atteste l’essence profondément régalienne de ce service public.

Sur ce point, nous sommes satisfaits de constater que le projet de loi ordinaire, sur lequel portera quasiment l’ensemble de mon intervention, ne touche pas à la définition de ce qu’est une archive. Mieux, il constitue un progrès par rapport à la loi de 1979, notamment dans le domaine de l’accès des chercheurs et du public aux archives.

En ce qui concerne la communicabilité des archives, le texte prévoit une innovation majeure en faisant du libre accès le principe et du maintien de certains délais l’exception.

Je rappelle simplement pour mémoire qu’en 1979 le principe était la non-accessibilité aux archives pendant au moins trente ans, l’accès aux archives dans des délais plus courts étant l’exception, sauf pour ce qui concerne les documents administratifs entrant dans le champ d’application de loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.

S’agissant des exceptions à ce principe de libre communicabilité, il faut bien admettre que le projet de loi prévoit des délais nettement plus courts que ceux qui sont actuellement applicables, ce qui constitue un véritable progrès.

La seule « frilosité » du projet porte sur les délibérations du Gouvernement, qui pourront être consultées après un délai de vingt-cinq ans, au lieu de trente ans, et sur les documents susceptibles de porter atteinte à la sûreté nationale ou à un secret de la défense nationale, consultables après un délai de cinquante ans, au lieu de soixante ans actuellement.

Pour les autres documents, le raccourcissement des délais est loin d’être négligeable : les minutes notariales et les archives des juridictions administratives et judiciaires pourront être consultées passé un délai de cinquante ans, au lieu de cent ans.

Ce même délai de cinquante ans s’appliquera aux archives publiques dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée.

Le projet de loi favorise donc largement, et dans un sens que nous souhaitons, l’accès aux archives publiques. C’est pourquoi nous regrettons quelque peu l’initiative de la commission des lois, qui propose de faire passer ce délai de cinquante ans à soixante-quinze ans, le délai de cinquante ans ayant l’avantage de faciliter la recherche, notamment en histoire sociale contemporaine.

En revanche, si nous approuvons le principe de la libre communicabilité des archives publiques et du raccourcissement des délais s’agissant des exceptions, nous ne pouvons émettre le même jugement positif au sujet du respect de la mission des Archives nationales.

En effet, la conservation des archives publiques prévue par l’article 3 du projet de loi semble quelque peu dangereuse. L’article L. 212-4 du code du patrimoine, dans sa nouvelle rédaction, prévoit la possibilité de confier des archives publiques au stade d’archives vivantes ou intermédiaires à des sociétés privées d’archivage. Cette disposition constitue une totale nouveauté, car elle n’existait pas aux termes de la loi de 1979. Elle découle directement de la pratique puisqu’il faut bien reconnaître que, depuis une vingtaine d’années, des entreprises privées spécialisées sont déjà chargées de stocker les archives publiques.

Cette pratique, que nous déplorons, n’est que le résultat du manque de moyens, de personnel et de locaux de préarchivage, ce qui a conduit la direction des Archives de France à revoir à la baisse ses prétentions et ses exigences de service en matière de gestion des archives.

Même s’il n’est question, pour l’instant, que des archives courantes et intermédiaires, il n’en est pas moins regrettable que la loi entérine aujourd’hui ce recours au privé.

L’article L. 212-4 du code du patrimoine, en écartant, certes, les possibilités de recours au secteur privé pour la gestion des archives courantes et intermédiaires, fragilise la gestion des archives définitives par les services publics d’archives.

Par ailleurs, ces sociétés de stockage privées seront habilitées à conserver ces archives, mais aussi, en fonction du contrat qui les lie avec les administrations ou organismes publics, à les communiquer.

Ce délestage d’une mission aussi sensible ne peut que nous inquiéter. Notre souci est le même s’agissant des archives du Conseil constitutionnel, pour lesquelles la même possibilité d’externalisation est prévue.

C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à supprimer cette possibilité d’externaliser la gestion des archives courantes ou intermédiaires publiques.

L’autre réserve que je souhaite formuler concerne les archives des entreprises publiques. En effet, sur ce point, je considère le projet de loi comme étant en retrait par rapport à la loi de 1979. Les archives des entreprises publiques ne sont plus situées dans le champ des archives publiques.

La prise en charge de ces archives par le service public pose certes beaucoup de problèmes, notamment parce que le réseau de cinq centres d’archives du monde du travail, qui était programmé, n’a pas été réalisé.

Cependant, renoncer à conserver les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques posera nécessairement le problème du contrôle de ces archives, surtout si la révision générale des politiques publiques, lancée par le Gouvernement en juillet 2007, aboutit à la suppression d’une direction des archives de France.

Nous avons, pour ce cas précis, également déposé un amendement visant à réintroduire les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques.

Le projet de loi ordinaire, hormis les deux remarques que je viens d’exprimer, nous satisfait dans sa globalité. Sur le papier, l’ouverture à laquelle il entend procéder nous semble évidemment aller dans le bon sens. Dans les faits, cependant, j’espère que les moyens accompagneront la mise en oeuvre de ce texte. Le libre accès aux archives publiques et surtout le raccourcissement des délais nécessitent du personnel pour stocker et gérer ces archives, rédiger les inventaires.

De même, et c’est notamment le cas s’agissant des archives notariales, il faudra bien des espaces supplémentaires ou du moins des espaces réaménagés. Je pense, en particulier, au site parisien des Archives nationales, dont la rénovation s’avère nécessaire.

C’est également pourquoi nous espérons que seront tenues les promesses faites par le précédent gouvernement à propos des effectifs du futur centre de Pierrefitte-sur-Seine.

La mission de service public assurée par les Archives nationales ne peut être correctement effectuée sans les personnels nécessaires. Or tout archiviste, tout agent travaillant dans les centres d’archives, voire tout citoyen qui a eu accès aux centres d’archives, sait que, derrière chaque mètre linéaire, il y a des hommes et des femmes qui travaillent quotidiennement à la collecte, au tri, à la conservation, à la communication de cette mémoire collective de la nation que constituent les documents d’archives.

Sans créations de postes, cette mission de service public ne peut qu’être incomplètement assurée et c’est la mémoire collective qui s’en trouvera ainsi affectée.

De même, faire adopter ce projet de loi sans une direction d’administration centrale puissante, de plein exercice et reconnue dans ses attributions, sans contestation possible, semble inquiétant.

Nous attendons donc de votre part, madame la ministre, l’assurance de ne pas assister, à terme, à la disparition de la direction des archives de France ou à la fusion de ses services au sein d’une nouvelle organisation des directions d’administration centrale du ministère de la culture, comme le Gouvernement pourrait l’envisager dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

L’accueil que nous réservons à ce projet de loi n’en reste pas moins positif.

Sous couvert des réserves que j’ai émises et du sort que connaîtront nos amendements, nous voterons en faveur de ces deux projets de loi.

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