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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Article 25 de la Constitution et élection des députés

Par / 11 décembre 2008

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous vous en souvenez très certainement, nous avons combattu la réforme constitutionnelle. Nous la considérions en bien des points antidémocratique et taillée sur mesure pour le nouveau Président de la République.

Le Gouvernement nous avait alors rétorqué que nous nous trompions et que cette réforme renforcerait au contraire les pouvoirs du Parlement. Le débat ne fut pas simple et de nombreux sénateurs et députés, au-delà des clivages politiques d’ailleurs, s’y opposèrent. Malgré tout, à quelques marchandages politiques près, la réforme fut votée, mais de si peu, de si peu !...

À la suite de ce débat qui fut difficile pour la majorité, nous aurions attendu du Gouvernement qu’il cherche à réaffirmer la légitimité de cette révision constitutionnelle et nous soumette en priorité les mesures phares de cette réforme : l’organisation du référendum abrogatif ; la liste des emplois pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République est soumis à un avis préalable ; l’organisation de la délibération des projets de loi ; le droit d’amendement et l’exception d’inconstitutionnalité ; la pétition permettant la saisine du conseil économique, social et environnemental ; les compétences du défenseur des droits des citoyens. Or il n’en est rien !

Les deux premiers projets de loi relatifs à l’application de la réforme constitutionnelle ne sont qu’une basse manœuvre d’opportunisme politique au service du Gouvernement. Débattus avec beaucoup de discrétion et de hâte, ils doivent être efficients dès le prochain remaniement ministériel, qui s’annonce, il faut le dire, de plus en plus proche.

Le projet de loi organique que nous examinons vise à permettre aux ministres, en cas de démission, de retrouver leur siège de parlementaire sans se soumettre à nouveau au suffrage universel, comme c’était le cas depuis 1958 !

L’hypothèse d’un remaniement du Gouvernement dès janvier prochain explique sans aucun doute le dépôt en urgence de cette loi organique. Elle pourrait en effet profiter aux vingt-six ministres, dont le premier d’entre eux, détenteurs d’un mandat d’élu national.

Prouesse remarquable que cette construction juridique : non seulement prévue pour les députés ou les sénateurs qui deviendront ministres après le vote de la loi organique - ce que proposait le « comité Balladur » - cette disposition serait immédiatement applicable puisque cette loi bénéficierait d’un effet rétroactif ! La rétroactivité n’est habituellement pas tolérée car considérée comme anticonstitutionnelle, sauf exceptions de la plus haute importance... C’est sans doute le cas !

Mais quid des suppléants alors ? Seront-ils considérés comme des « sous-élus », des « faire-valoir » ? Ces parlementaires sont arrivés sous le régime d’une règle qui sera changée en cours de législature. Ils n’auront guère leur mot à dire si le ministre sortant désire regagner son siège.

Comment, et au nom de quel principe constitutionnel et démocratique, peut-on légitimer cette disposition ? La question reste sans réponse... En réalité, le Gouvernement se sert de la loi pour régler ses petites affaires personnelles au sein de sa propre famille politique, car le Président de la République veut éviter la fronde au sein de son parti et parmi des députés de la majorité. Ces derniers l’ont bien compris, et certains n’hésitent pas à le dire publiquement. Ainsi, selon votre collègue député UMP Jacques Myard, ce retour quasi automatique des ministres au Parlement consiste à « mettre les députés dans la main du Président de la République ». Un autre de vos confrères député, Jean-Pierre Grand, n’hésite pas à décrire cette réforme comme « la porte ouverte à l’instabilité gouvernementale en période de difficultés ». À ses yeux, « ce sera fatalement ressenti par l’opinion publique comme la mise en place par notre assemblée d’un « parachute politique doré » ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !

Mme Josiane Mathon-Poinat. J’avoue que cela est fort bien dit ! En effet, en cette période de crise, grâce à cette loi, les ministres seront, eux, prémunis du chômage qui menace des centaines de milliers de travailleurs en 2009.

Au lieu de garantir le parcours professionnel des élus de la majorité et de se servir de cette loi pour régler vos démêlés familiaux, mesdames, messieurs de la majorité, il serait temps de créer un vrai statut de l’élu que nous appelons de nos vœux depuis tant et tant d’années et pour lequel nous avons déjà fait de nombreuses propositions. Les salariés élus ne sont pas tous des professionnels de la politique et ne retrouveront pas leur emploi à l’issue de leur mandat !

Abordons maintenant le projet de loi ordinaire

Il fixe les règles d’organisation et de fonctionnement de la commission chargée de donner un avis sur les projets de loi et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.

À première vue, la création d’une telle commission paraît nécessaire. Elle permettrait en effet d’étudier le redécoupage des circonscriptions d’une manière plus juste et plus objective. La refonte de la carte électorale a en effet trop souvent été synonyme de manœuvres politiciennes obscures, comme ce fut le cas lors du dernier redécoupage des circonscriptions, décidé par notre collègue Charles Pasqua en 1986.

Toutefois, au vu de l’actualité, nous pouvons légitimement nous inquiéter de l’efficience du travail de cette commission. Il aurait d’ailleurs été souhaitable que nous ayons une discussion sur la personne en charge de la préparation de ce travail de découpage.

Le Président de la République en a décidé autrement et a nommé, « judicieusement », Alain Marleix chargé du secrétariat national aux élections de l’UMP depuis 2004,....

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’est fini, madame !

Mme Josiane Mathon-Poinat. ... qui avait déjà participé au redécoupage électoral de 1986, sous Charles Pasqua !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’est une référence !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Afin d’éviter un conflit d’intérêts trop évident, M. Marleix a quitté la direction nationale de l’UMP le temps de sa mission, avant de la réintégrer à nouveau fin novembre. L’hypocrisie de cette manœuvre en dit tellement sur l’opacité du redécoupage à venir qu’il n’est pas la peine, à mon sens, d’en rajouter !

Nous ne sommes pas rassurés davantage par la mise en place d’une commission de contrôle prévue par la réforme constitutionnelle. D’une part, cette commission ne disposera que d’un pouvoir purement symbolique : rien n’obligera en effet le Gouvernement à suivre l’avis rendu ! D’autre part, il y a fort à parier que cette commission ne rendra que des avis conformes aux souhaits du Gouvernement, tant sa composition même manque de neutralité. En effet, cette nouvelle institution est censée être composée de trois hauts magistrats et de trois personnalités qualifiées, nommées conjointement par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat, c’est-à-dire uniquement par la majorité.

S’agissant d’une question institutionnelle aussi grave que le redécoupage électoral, où sont les droits de l’opposition que le Président de la République prétendait renforcer en modifiant la Constitution ? Pourtant, lorsque nous avions évoqué cette difficulté au cours de la discussion de la réforme constitutionnelle, Mme la garde des sceaux avait tenu à nous rassurer par ces mots : cette commission « sera composée d’experts. Ce seront des démographes, des statisticiens, des juristes et des experts en droit électoral ». Nous avons beau chercher, la promesse n’est pas tenue... hormis pour M. Marleix, expert en droit électoral, de l’UMP !

Peut-on parler de neutralité politique lorsque de telles désignations relèvent de personnalités issues du même terreau politique ? Intégrer à cette commission un membre désigné par chaque groupe parlementaire serait la moindre des choses. C’est d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements.

Selon le projet de loi, la personne désignée par le chef de l’État présidera cette commission, et ce à l’image du futur mode de nomination du président de France télévision. Bien qu’il s’en défende, cela devient une fâcheuse tendance de notre Président de nommer, car tel est son bon plaisir, des personnes à des postes clés. Il s’arroge ainsi un contrôle accru des institutions et une concentration des pouvoirs proprement scandaleuse.

De plus, vous demandez aujourd’hui au Parlement de cautionner un redécoupage de la carte électorale combinant suppression d’un certain nombre de circonscriptions et manœuvres politiques, et de donner entière liberté au Gouvernement via le système d’ordonnances.

Nous sommes et serons toujours opposés à ce que le Gouvernement légifère par ordonnances, particulièrement sur de tels sujets. Il est impensable que le Parlement soit privé de tout pouvoir de contrôle ! Si l’opposition ne peut se prononcer, le redécoupage se fera au seul profit de la majorité au pouvoir. En effet, un redécoupage électoral n’est jamais innocent ou neutre : il l’est encore moins lorsque le Parlement n’est pas consulté.

Lors de son audition à l’Assemblée nationale, M. Marleix justifiait le recours aux ordonnances par le fait que cela avait déjà été le cas en 1986. Mais cela est faux ! Le Président de la République de l’époque, François Mitterrand, avait refusé de signer les ordonnances qui avaient alors dû être transformées en projet loi.

Enfin, et pour conclure sur l’opacité de cette manœuvre, je rappelle que la prochaine réforme des collectivités territoriales pourrait supprimer le département - du moins c’est dans l’air ! - ou encore modifier le mode de scrutin pour les élections régionales. Nous débattons donc au final du redécoupage des circonscriptions sans rien savoir, ni de la future articulation entre les départements et la région, ni de l’évolution des modes de scrutin.

Bref, vous l’aurez compris, nous ne pouvons cautionner deux textes de lois aussi circonstanciels et subordonnés à la majorité gouvernementale. Lors de la réforme constitutionnelle, vous tentiez de prouver l’intérêt démocratique et respectueux de la pluralité politique de vos réformes, mais nous voyons mal de quelle façon vous pouvez continuer à le soutenir aujourd’hui !

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