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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Création d’Eurojust

Par / 29 mai 2001

par Nicole Borvo

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaiterais présenter, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, quelques remarques sur la proposition de résolution relative à la création d’Eurojust, et modifiée par la commission des lois.

Qu’est-ce qu’Eurojust ? Si l’on se réfère au Conseil européen de Tampere, il s’agit d’une « entité composée de procureurs, de magistrats ou d’officiers de police ayant des compétences ou d’officiers de police ayant des compétences équivalentes détachés par chaque Etat membre ». Son rôle, plus particulièrement défini par l’article 31 du traité de Nice, vise à renforcer la coopération des Etats en matière pénale en assurant la coordination des poursuites et des enquêtes et en facilitant l’exécution des commissions rogatoires.

C’est un sujet sensible donc puisqu’il s’agit de la création de l’Europe judiciaire et il mériterait des discussions approfondies. Mais onn a un peu l’impression d’intervenir de façon décalée par rapport aux débats en cours au sein de l’Union européenne.

D’abord, nous discutons de la création d’une entité qui existe potentiellement depuis l’entrée en vigueur, le 1er mars, de l’entité provisoire « pro-Eurojust », sur laquelle le Parlement français n’a pas eu à se prononcer.

Ensuite, on peut se demander si la conception qui préside à Eurojust n’est pas d’ores et déjà dépassée dès lors que les débats en cours au niveau européen tournent autour de la création d’un ministère public européen. Et la volonté de notre rapporteur d’intégrer cet aspect dans la proposition de résolution me conforte dans l’idée que la question est déjà largement entamée, sinon tranchée.

Dans ce contexte, il n’est pas sain que se perpétue le flou autour de la question de l’Europe judiciaire : instrument de coopération judiciaire ou ballon d’essai vers un espace judiciaire intégré. Cette question devra être clairement tranchée.

La différence de conception qui préside aux deux propositions de décision communautaire comme les termes employés par la proposition de résolution ne sont pas de nature à lever les ambiguïtés.

Il faudrait encore que la représentation nationale puisse débattre réellement. Nous sommes donc très favorables à la collaboration des parlements nationaux avec les groupes de travail proposée par notre rapporteur bien qu’il ait affirmé que nous n’avions « rien à faire de la criminalité », ce que je considère comme quelque peu offensant.

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l’Union européenne. M. Fauchon ne peut pas avoir été offensant !

Mme Nicole Borvo. Je suis donc d’accord pour que le Parlement soit associé à la réflexion sur le fait de savoir comment amplifier les règles communes.

Ces incertitudes ne sont pas en tous cas de nature à dissiper nos inquiétudes sur la façon dont se construit l’espace « de liberté, de sécurité et de justice » voulu par le sommet de Tampere d’octobre 1999 et auquel le sommet de Nice a donné une base juridique.

Qu’il faille intensifier la lutte contre les formes de criminalité grave, c’est évident, monsieur le rapporteur. Que la disparité de nos règles de fond et de procédures soit un handicap, nul ne le conteste.

Encore faut-il réfléchir sur les moyens de parvenir à un espace européen plus uni et plus cohérent. La réflexion ne se limite d’ailleurs pas au champ du pénal, comme cela a été dit, même si les initiatives en matière civile - je pense notamment aux divorces des binationaux - et commerciale semblent plus aisées.

Cet objectif nous semble passer prioritairement par une intensification et une meilleure articulation des procédures de coopération et d’entraide pénale.

C’est ensuite sur une harmonisation de nos droits, qui respecterait également les traditions juridiques de chaque Etat membre, préalable, nous semble-t-il, nécessaire, qu’il s’agit de concentrer nos efforts avant même de réfléchir à la définition d’un droit pénal communautaire, peu compatible avec le principe de subsidiarité.

Par ailleurs, il nous semble absolument impossible d’aller plus loin dans la communautarisation sans évoquer la nécessaire démocratisation des institutions européennes pour permettre un contrôle citoyen réel.

Or, sur le terrain de l’Europe judiciaire, force est de constater que les exemples ne sont guère probants. Je pense, en particulier, à la situation d’Europol qui se développe sans contrôle effectif, ce qui n’empêche pas que l’on envisage d’accroître largement ses compétences. J’ai en mémoire les conclusions du conseil justice et affaires intérieures de septembre dernier.

Je sais que certains voient dans le développement d’Eurojust une garantie pour les droits et libertés des individus, une sorte non pas de pendant, mais de
« contrepoids » ou d’« encadrement judiciaire » d’Europol. Telle est notamment la position de Mme Mireille Delmas-Marty qui exprimait ses craintes en ces termes :
« On préfère, au nom de l’efficacité, privilégier le développement de la police au niveau européen au travers d’Europol plutôt que celui de la justice chargée de surveiller la police. »

Mais cet objectif présuppose une légitimité démocratique de l’organe de contrôle. Or les modalités de désignation des membres d’Eurojust ne présentent pas cette garantie, quand bien même il s’agirait d’une « entité juridique autonome et collégiale », comme le prévoit le texte qui nous est soumis. Les propositions actuellement en cours à la Commission européenne ne nous satisfont pas non plus : sur ce point, nous partageons entièrement les réticences exprimées par notre collègue M. Haenel sur la question de la responsabilité et de la légitimité d’un nouvel organe communautaire.

Pour finir, c’est à la conception même de cet espace européen de liberté que je souhaiterais me référer.

L’espace européen s’est construit et se construit toujours sur la base du contrôle aux frontières, d’une fermeture aux
extra-communautaires, d’ailleurs largement inefficace à enrayer la criminalité transfrontière, qu’il s’agisse du terrorisme, du trafic de drogues ou des filières d’immigration clandestine.

Cette politique des contrôles fondée sur des logiques contestables favorisant les discours sécuritaires, les législations discriminatoires, les dérives policières et les menaces pour le régime des libertés individuelles perdure.

Dans son bilan de la politique française de l’asile de ce mois, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés rappelle que cette politique est particulièrement mise à mal à la suite du renforcement des mesures restreignant l’entrée sur le territoire décidées par les gouvernements de l’Union européenne : présence policière renforcée aux frontières, contrôle des compagnies aériennes et sanctions contre les transporteurs.

Selon moi, à défaut d’intégrer une autre logique, Eurojust risque, à terme, de ne servir que de caution pseudo-démocratique à cette Europe sécuritaire que nous continuerons toujours de refuser.

Au vu de ces remarques, nous choisirons de nous abstenir sur la proposition de résolution modifiée par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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