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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Création d’une commission nationale de déontologie de la sécurtié

Par / 3 février 2000

Intervention générale de Robert Bret

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner un projet de loi portant création d’une commission nationale de déontologie de la sécurité.

Cette commission doit être replacée dans la perspective du colloque de Villepinte de 1997, qui a posé les bases de la police de proximité. Penser la police sous l’angle de la proximité revient à placer le citoyen au centre du dispositif : alors qu’il était bénéficiaire passif d’une politique sécuritaire, il devient acteur de sa propre sécurité.

Un tel système ne peut avoir de sens et de portée pratique que s’il repose sur une relation de confiance effective entre le citoyen et les personnes qui assurent sa sécurité. Cette relation de confiance doit être fondée sur la conviction profonde et avérée que ces personnes exercent leur mission dans un cadre strict dans lequel tout manquement au devoir de probité sera sanctionné et dénoncé.

C’est la raison d’être des règles déontologiques : toute profession qui met en jeu les droits naturels et imprescriptibles de l’individu doit être réglementée par un cadre déontologique incontestable. Tel est le cas de la médecine ou des avocats.

Cet impératif est d’autant plus vrai qu’est en jeu la sûreté, qui est un des droits fondamentaux reconnus par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. C’est pourquoi on peut être étonné que la définition de règles déontologiques soit relativement récente dans ce domaine.

Il est vrai que l’on a du mal à définir la règle déontologique par rapport au manquement disciplinaire ou à l’infraction pénale : les champs d’application se recoupent pour partie sans néanmoins se confondre totalement, le champ déontologique étant par définition plus large.

La création d’une autorité indépendante qui aurait pour mission d’en garantir le respect par les acteurs de la sûreté recueille, au-delà des réticences qui peuvent se manifester ici ou là sur l’opportunité de créer une nouvelle autorité administrative indépendante, une très large adhésion. Ce n’est pas si courant pour ne pas être souligné.

C’est ainsi qu’en 1993, sur l’initiative de M. Paul Quilès, avait été crée le Conseil supérieur de l’activité de la police nationale chargé des questions relatives au fonctionnement de la police nationale. Si le changement de gouvernement n’a pas permis qu’il fonctionne, l’idée est restée et son successeur au ministère de l’intérieur, M. Pasqua, devait créer le Haut Conseil de la déontologie de la police nationale chargé de donner des avis sur la déontologie policière.

Loin de s’apparenter à un signe de défiance à l’égard des personnels de sécurité, la mise en place d’une commission chargée de faire respecter la déontologie donne, au contraire, un cadre transparent à leur action.

Elle permet en particulier, dans la logique des enquêtes de « victimation », de s’attacher à des comportements qui peuvent ne pas être graves au point d’impliquer une sanction pénale ou disciplinaire, mais dont la non-reconnaissance nourrit le sentiment d’injustice des citoyens et jette l’opprobre sur l’ensemble des personnels de sécurité.

La grande originalité du projet de loi et son principal mérite, c’est de donner compétence à la commission pour apprécier tout manquement déontologique, quel que soit le statut de la personne qui l’a commis, dès lors que celle-ci « concourt à une activité de sécurité ».

Qu’il s’agisse d’un officier de police judiciaire, d’un agent de police municipale ou d’un salarié d’une société privée de gardiennage, cette personne doit être tenue au respect des mêmes valeurs, dont la Commission nationale de déontologie de la sécurité aura pour mission de garantir l’application effective.

Cette volonté de fédérer au sein d’une même instance déontologique le contrôle de toutes les activités de sécurité a été confirmée par l’Assemblée nationale, qui a fort heureusement étendu le champ de compétence de la commission à tous les agents des collectivités locales et des établissements publics.

Quant aux personnels privés qui entreront dans la sphère du contrôle de la commission nationale, peu importe désormais qu’ils exercent ces activités de sécurité « à titre principal ou à titre accessoire », ou même à titre bénévole, si le Sénat suit sur ce point, comme nous l’espérons, les conclusions de la commission des lois.

Le point le plus important que nous aurons à traiter ici est de savoir s’il convient d’étendre la compétence de la commission nationale à l’administration pénitentiaire. Ce point mérite que l’on s’y attarde.

Les membres du groupe communiste républicain et citoyen sont, je le dis avec force, tout à fait favorables au renforcement du contrôle sur les prisons. Nous avons, à plusieurs reprises, attiré l’attention du Gouvernement et des parlementaires sur cette question.

Mais, si nous voulons que la prison ne soit plus la « maladie honteuse de la République », que l’on cache volontiers pour ne pas s’en préoccuper, il faut étudier avec soin l’idée de l’intégration de l’administration pénitentiaire au sein de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. L’attente des personnels de surveillance est trop forte pour que nous réagissions uniquement sous le coup de l’émotion suscitée par la publication du livre du docteur Vasseur.

Pour ma part, je me pose un certain nombre d’interrogations que je voudrais vous exposer en trois questions principales : Ce rattachement est-il logique ? Est-il opérationnel ? Est-il opportun ?

En premier lieu, je me demande s’il est logique de faire entrer les personnels de l’administration pénitentiaire dans le champ de compétence de la commission sous l’angle de la notion de « sécurité ».

En effet, ce qui unit toutes les catégories de personnels qui entrent dans le champ de compétence de la commission, telle que conçue par le projet de loi, c’est, me semble-t-il, le contact avec le public.
Or, ce contact n’existe pas, ou n’existe que de façon exceptionnelle, dans le cas des personnels de l’administration pénitentiaire : la population carcérale ne peut être assimilée au public puisqu’elle n’est constituée que par la décision d’un juge.

C’est pourquoi les membres du groupe communiste républicain et citoyen ont déposé un amendement qui fait explicitement référence à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants de 1987. Il nous semble que c’est uniquement sous cet angle que le rattachement de l’administration pénitentiaire à la commission prend toute sa logique.
Il convient alors d’intégrer tous les personnels qui exercent dans des lieux où les personnes sont privées de leur liberté.

En second lieu, je m’interroge sur l’effectivité du contrôle qui sera opéré.

Dans son rapport, M. de Richemont a exposé les différents contrôles auxquels est déjà soumise l’administration pénitentiaire : inspection des services pénitentiaires, inspection des affaires sociales, commissions de surveillance, juge de l’application des peines, juge administratif... On peut également évoquer les contrôles indirects, via les avocats ou les visiteurs de prison.
Ces contrôles, notamment administratifs, nous paraissent souvent « plus formels que réels ». C’est justement pour cela que l’on doit refuser d’en mettre un énième en place sans réfléchir préalablement à sa mise en oeuvre pratique et effective.

Nous ne pouvons en effet faire l’économie de certaines questions. Les détenus seront-ils en mesure de s’adresser au parlementaire pour qu’il intervienne auprès de la commission, sachant que les correspondances ne sont pas secrètes ? Le parlementaire ne sera-t-il pas tenté de ne pas déférer à la demande ? L’exemple du médiat
ur de la République ne semble pas particulièrement probant sur ce point.

La commission sera-t-elle en mesure d’exercer un contrôle plus effectif sur les cent quatre-vingt-six établissements de métropole ? Comment ce contrôle pourra-t-il s’articuler avec le contrôle extérieur « spécifique » à l’administration pénitentiaire qui pourrait être mis en place du fait des conclusions du rapport Canivet ? Tous ces points restent en suspens.

Enfin, il ne nous semble pas que l’enjeu des prisons doive être circonscrit à la déontologie.
L’État sanitaire des établissements, l’indigence des prisonniers, leur réinsertion dans la société, les relations affectives en prison, le statut des visiteurs de prison, ces questions ne recouvrent que de façon limitée la question de la déontologie, et on peut craindre qu’elles ne soient enterrées sous prétexte qu’il y aurait une commission chargée de la déontologie.

Fort heureusement, la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la situation dans les prisons vient à point nommé. Ses travaux pourront amener un éclairage très intéressant sur tous ces points. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois qu’une commission parlementaire déboucherait sur une amélioration de la législation en vigueur.

Pour finir, les sénateurs communistes voudraient indiquer d’ores et déjà leur opposition à certains amendements de la commission des lois qui, selon nous, réduisent très nettement les pouvoirs de la commission nationale : l’institution d’un préavis préalablement à toute visite, l’opposition du secret professionnel aux investigations sont autant de dispositions qui risquent de réduire de rôle de la commission à une peau de chagrin.

De même, si l’on peut être sensible à l’argument de continuité qui a présidé au choix du renouvellement de moitié de la commission, il nous semble qu’il peut être source d’instabilité, alors qu’il conviendrait de mettre en place une véritable équipe.

Pour conclure, je souhaite m’élever contre l’application du délit de dénonciation calomnieuse aux plaintes reçues par la commission : elle semble particulièrement peu opportune s’agissant d’une procédure non judiciaire ; elle découragera sans nul doute les saisines, en particulier des témoins. C’est le meilleur moyen de faire une commission mort-née !

Au-delà de ces réserves, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, en attendant d’être fixés sur le sous-amendement qu’ils ont déposé, réservent leur vote jusqu’à la fin de la discussion.

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