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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Dans votre conception étroite, égoïste tout doit être soumis aux règles du marché

Réforme des collectivités territoriales : question préalable -

Par / 20 janvier 2010

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la période la plus critique de la crise financière, le Président de la République s’était félicité de la résistance de notre pays face à l’effondrement économique et social généralisé. Selon lui, la raison en était évidente : les services publics, la fonction publique, la protection sociale avaient servi « d’amortisseur social ».

Ces belles paroles étaient seulement circonstancielles puisque vous vous employez, aujourd’hui, à détruire tout ce qui vous paraissait alors indispensable.

Non satisfaits par la casse programmée de ce qui constitue la colonne vertébrale des politiques de solidarité, vous nous proposez également de remettre en cause nos institutions territoriales.

La vie de nos concitoyens ne semble pas être votre principale préoccupation ; celle de nos communes, de nos départements et de nos régions encore moins. Vous n’agissez pas pour répondre aux besoins de la majorité de nos concitoyens, mais n’avez qu’un leitmotiv : confier au secteur marchand tout ce qui peut faire fructifier les comptes de quelques privilégiés. Les services publics sont, de votre point de vue, des secteurs potentiels de profitabilité pour quelques-uns. Vous oubliez qu’ils ont été créés pour satisfaire à l’intérêt général !

Dans votre conception étroite, égoïste, tout doit être soumis aux règles du marché, du libéralisme. Ce dogme vous aveugle à un point tel que vous ignorez ce que vivent nos concitoyens, obnubilés que vous êtes par les seuls intérêts de la classe qui vous a portés au pouvoir.

Tout le monde ne souffre pas de la rigueur ; ainsi vos amis semblent-ils s’en tirer assez bien… L’indice CAC 40 a bondi de 56 % au cours des neuf derniers mois de 2009 et les banques ont largement tiré leur épingle du jeu, faisant un bond de 70 %. Les spéculateurs ont donc de beaux jours devant eux !

La crise a des effets différenciés selon l’échelon social. Les banques reprennent leurs vieilles habitudes. Or, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut craindre que la crise ne se reproduise, en pire. Nombreux sont d’ailleurs ceux qui pensent que nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle crise. Le Président de la République, lui-même, le reconnaît : « [...] si la crise devait repartir, les États ne seraient plus la digue qu’ils ont été dans la crise que nous venons de connaître. Parce que car nous avons utilisé la plus grande part de nos marges de manœuvre. »

On sait que les solutions envisagées par les libéraux se résument bien souvent à des politiques de rigueur et d’austérité, qu’ils font supporter à la majorité de la population.

Les salaires constituent ainsi une première variable d’ajustement et subissent en conséquence une pression constante. Les salariés payés au SMIC ne vont voir leur revenu mensuel nominal progresser que de 6 euros ! Jamais, en trente ans, le taux d’augmentation des salaires n’a été aussi faible, avec une moyenne inférieure à 3 %, s’établissant autour de 2,6 % pour les ouvriers et les employés.

M. Guy Fischer. C’est l’écrasement !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Autre variable d’ajustement : l’emploi.

L’INSEE annonce un taux de chômage de plus de 10 % en 2010. La réalité, c’est que le nombre de demandeurs d’emplois a gonflé, en un an, de 661 000 ; ils sont plus de 4 millions aujourd’hui. En 2009, 378 000 emplois ont été détruits, et la tendance ne fait que se confirmer pour 2010.

Derrière ces chiffres, ce sont des vies brisées...

Que peuvent espérer les personnes – près d’un million ! – qui seront en fin de droits dans les mois à venir ? Comment peut-on vivre avec à peu près 450 euros ? C’est indécent !

Mme Jacqueline Panis. Quel est le rapport avec le sujet ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Que peuvent espérer les jeunes qui subissent de plein fouet la politique menée par votre gouvernement ? Le taux de chômage des jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans atteint presque 25 %...

M. Jackie Pierre. C’est moins qu’ailleurs !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Peut-être, mais si l’on compare ce chiffre à la moyenne européenne, il n’y a pas de quoi être fier !

Mme Jacqueline Panis. C’est hors sujet ! Quel est le rapport avec la réforme des collectivités territoriales ? (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Annie David. Attendez la suite !

Mme Josiane Mathon-Poinat. J’y viens, madame Panis !

Que peuvent espérer les femmes, qui sont plus de 1 900 000 à rechercher un emploi ? C’est une situation d’injustice que nous refusons, contrairement à vous !

Les élus locaux, dont vous êtes, madame Panis, sont directement concernés par la dégradation des conditions d’existence de millions de nos concitoyens. Or les seules politiques que vous trouvez à mettre en œuvre, et que vous osez qualifier de « réformes », constituent autant de graves reculs sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Jamais notre pays n’a connu une telle situation de régression sociale, alors que les richesses produites sont en augmentation constante. (Mme Jacqueline Panis s’exclame.) Si vous le souhaitez, madame, vous pourrez me répondre tout à l’heure !

En étouffant financièrement les collectivités locales par la suppression de la taxe professionnelle, vous mettez en péril les nombreux services publics locaux qui viennent en aide à nos concitoyens les plus modestes. Vous en profitez pour faire, au passage, un cadeau de 12,3 milliards d’euros aux entreprises. Après la mise en place du bouclier fiscal, cela confirme que votre générosité est toujours ciblée sur les mêmes couches sociales.

Ces exonérations ne servent ni l’emploi ni le développement économique. Le rapport Cotis l’a confirmé. La suppression de la part salaires de la taxe professionnelle n’a eu aucun effet positif pour les salariés ou pour l’économie : les salaires ont stagné, les investissements sont restés stables et seuls les profits des actionnaires se sont envolés. Tel est le résultat de ces exonérations de toutes sortes, sociales ou fiscales ! Et la situation des PME n’est pas réglée pour autant...

Qu’en serait-il si ces textes étaient votés ?

La suppression de la taxe professionnelle, première étape du processus que vous avez « cogité », risque de bloquer le fonctionnement de nos communes, de nos départements et de nos régions. En paralysant ainsi nos institutions démocratiques de base, vous remettez en cause la démocratie de proximité. Or, si les communes ne vous plaisent pas, elles conviennent à leurs habitants, qui leur font confiance : c’est un échelon essentiel de notre démocratie.

Une enquête récente du CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences Po, le confirme : autant la défiance est forte à l’égard des échelons supérieurs du pouvoir, en particulier le Président de la République et le Premier ministre, autant la confiance reste élevée vis-à-vis des élus locaux, qu’il s’agisse des maires, des conseillers généraux ou des conseillers régionaux. C’est pourtant le moment que vous choisissez pour remettre en cause nos institutions locales.

En supprimant nombre de ces élus, vous altérez notre système démocratique. De votre point de vue, pour vous, 500 000 élus locaux, c’est trop, de même d’ailleurs que 36 000 communes !

Notre République est fondée sur des valeurs. Or vous allez, avec ce texte, « marchandiser » le système, le soumettre encore davantage à la loi du marché.

M. Patrice Gélard. N’importe quoi !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ne prétendez-vous pas que les élus locaux coûtent trop cher ? (M. Patrice Gélard manifeste son étonnement.) Ne prévoyez-vous pas, pour cette raison, d’en supprimer la moitié ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. Patrice Gélard. Sûrement pas !

M. Guy Fischer. C’est pourtant ce que j’entends dire sans cesse dans le Rhône !

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est une véritable imposture ! Selon vous, et le rapport reprend ces propos, les indemnités des élus régionaux et généraux coûtaient trop cher...

M. Pierre-Yves Collombat. Les élus coûtent moins cher que les vaccins ... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Josiane Mathon-Poinat. Sans doute ! D’où cette astuce !

Pourtant, une étude de France Bénévolat établit ceci : « C’est dans les petites communes que l’on trouve le plus grand nombre de citoyens engagés. En effet, les collectivités comportant moins de 500 habitants représentent près de 60 % des communes de France et affichent 42 % des conseillers non indemnisés. Lorsque l’on étend le regard aux communes comportant jusqu’à 1 500 âmes, soit plus de 80 % des communes, on parvient à 70 % de ces conseillers bénévoles. » Et de conclure : « Les élus rémunérés représenteraient environ 28 % et les élus bénévoles 72 %. »

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Paradoxalement, ce sont ces communes que vous voulez supprimer, alors que le coût des élus locaux ne représente qu’une très faible partie des dépenses des collectivités locales.

Vous faites preuve d’une certaine mesquinerie à vouloir aborder la question sous cet angle alors même que vous refusez de privilégier la participation des habitants, de donner aux élus un statut qui leur permette de remplir leurs missions. J’ai d’ailleurs bien peur qu’un tel statut ne soit la dernière de vos préoccupations.

Qui plus est, on ne s’applique pas toujours, au plus haut sommet de l’État, à donner l’exemple ! Ainsi, la Cour des comptes a révélé des dépenses somptuaires : sans m’y attarder, je rappellerai que le budget de l’Élysée a augmenté de 10 %, tandis que les cabinets ministériels ont vu le leur s’accroître de 11,1 %, les rémunérations de leurs membres ayant connu une progression, vertigineuse, de 57 % entre 2008 et 2009. Dans ces conditions, donner des leçons aux élus locaux semble quelque peu déplacé !

En réalité, la diminution drastique du nombre d’élus a pour objet de réduire l’essentiel des services rendus aux habitants, qui pourtant ont de plus en plus besoin de solidarité. Mais ce mot ne fait peut-être pas partie de votre vocabulaire…

Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui nous est présenté reprend pour l’essentiel les propositions de la commission Balladur. Il est dissocié de la loi de finances par laquelle a été supprimée la taxe professionnelle, alors même que ces deux sujets sont intimement liés. Il constitue, en réalité, la deuxième étape du processus. Après avoir organisé leur asphyxie financière, le Gouvernement s’engage dans la voie de la suppression pure et simple des départements et de la réduction du nombre de communes.

Le souci est toujours le même : brouiller le message pour que les élus se perdent dans le labyrinthe de la loi – ou plutôt des lois, devrais-je dire pour être plus précise. Il aurait été beaucoup trop simple de faire voter une seule loi : il y en aura donc quatre ! Comment les citoyens peuvent-ils se retrouver dans cet imbroglio législatif ? Tout est fait pour qu’ils ne puissent appréhender les enjeux de ces textes, tout est exploité pour en rendre la compréhension difficile. De surcroît, la motion référendaire, dont l’adoption aurait permis à nos concitoyens de s’exprimer, a été repoussée.

Vous prétendez dans un premier temps, monsieur le ministre, que votre seul souci serait de favoriser l’intercommunalité, et vous menacez de contraindre les communes qui n’en feraient pas partie, par l’intervention du préfet. Or vous savez fort bien que cette intercommunalité est totalement assumée et assimilée par la quasi-totalité des communes de France. Au fond, votre objectif n’est pas de développer les coopérations entre communes : votre unique finalité est de favoriser des phénomènes d’absorption des petites communes par les plus importantes. Vous suscitez la dilution des communes dans l’intercommunalité, ce qui explique la mise en place des communes nouvelles.

Pour arriver à comprendre ce processus, il faut naviguer dans le présent projet de loi de façon non pas linéaire, mais bien plutôt chaotique, et opérer des retours en arrière. Mais l’objectif est clairement affirmé : les communes qui ne rentreront pas dans le rang seront intégrées par arrêté préfectoral dans un EPCI à fiscalité propre. Ensuite, chaque préfet disposera de deux ans pour mettre en place le schéma départemental. La boucle est bouclée ! L’autoritarisme transpire dans chaque ligne de ce texte.

Le principe sera identique pour les métropoles : il s’agira de faire disparaître les communes périphériques pour les voir se fondre dans une seule entité, sans doute dans une optique européenne, afin de déstabiliser les départements et les communes concernés.

Le phénomène d’absorption sera le même entre les régions et les départements, et les objectifs seront identiques : réduire le nombre d’élus, diminuer le nombre de services offerts à la population pour les faire assurer par le secteur privé. Paiera qui pourra : telle est votre devise. Les départements seront ainsi absorbés par les régions.

Le projet de loi qui nous est soumis remet en cause la libre administration des collectivités territoriales inscrite à l’article 72 de la Constitution. Le préfet voit son rôle nettement renforcé, en particulier pour ce qui concerne la détermination du schéma de l’intercommunalité, des métropoles, ou encore le regroupement des départements.

Après la suppression de la taxe professionnelle, après la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ne peut qu’aggraver les conditions d’existence de nos services publics. Il affaiblit les compétences des collectivités ; il altère la démocratie locale ; il dégrade les conditions de travail de la fonction publique territoriale, car il entraîne à terme des suppressions de postes et une précarisation accrue des salariés ; il ouvre la porte au secteur privé, qui se substituera à ces politiques d’abandon.

C’est peut-être pour ces raisons que le Gouvernement a décidé de diviser cette réforme en plusieurs parties, de façon totalement incohérente. Le Parlement a déjà adopté la concomitance des mandats locaux sans avoir préalablement débattu de l’instauration des conseillers territoriaux. Nous allons maintenant examiner la création de ces conseillers, mais sans savoir de quelle façon ils seront élus. Nous débattons également du fonctionnement des collectivités locales, sans savoir de quelle manière elles seront financées puisque la taxe professionnelle a été supprimée, mais la taxe carbone censurée par le Conseil constitutionnel…

De quoi parle-t-on ? À quelle base se réfère-t-on ? L’incohérence et l’incertitude qui entourent tous les projets de loi en cause diluent le débat et le rendent pour le moins incompréhensible.

Nous demandons donc que le Gouvernement nous présente une réforme cohérente, respectant une certaine chronologie et ne nous obligeant pas à étudier les conséquences avant d’avoir débattu des causes.

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