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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice

Par / 23 juin 2005

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre
Mes chers collègues,

Notre ordre du jour appelle l’examen d’un projet de loi particulier, mêlant des sujets sans lien véritable entre eux.
Ce type de texte visant à adapter en droit français des dispositions européennes est toujours ambigu. Présenté comme d’importance technique plutôt que politique, il ne peut cependant être réellement neutre quant à l’orientation de la justice de notre pays.

Mes chers collègues, ce projet de loi pose également un second problème de fond. Pouvons-nous poursuivre notre tâche de législateur sans prendre en compte l’expression de nos concitoyens le 29 mai dernier ?
Personnellement, je ne le pense pas.
Je crois qu’il existe un rapport entre les exigences qui ont résonné au delà des urnes du referendum et la méthode qui nous est proposé pour bâtir une Europe de la Justice.
Que reproche nos concitoyens à l’actuelle construction européenne ? En plus de son contenu libéral, c’est également la méthode, l’opacité, l’éloignement des processus de prises de décisions qui est avec force dénoncée. Et ici il s’agit bien de faire entrer en Droit français des dispositions - très diverses d’ailleurs - décidées au plan européen, sans concertation avec les Parlements nationaux, ni avec la société civile.

Une directive et trois décisions- cadres sont au menu.

L’article 1er transpose la directive du 27 janvier 2003 en modifiant la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Il s’agit d’ « améliorer l’accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l’établissement de règles minimales communes relatives à l’aide judiciaire accordées dans la cadre de telles affaires ». Seules les affaires de nature commerciale ou civiles sont concernées.
Cette proposition pourrait être saluée comme une avancée pour les justiciables. Hélas nous devons regretter et dénoncer l’introduction au détour de cette adaptation d’une mesure européenne, d’une notion totalement étrangère à notre modèle.
Il nous est proposé d’accepter un principe jusque là repoussé, celui du recours préférentiel aux assurances juridiques pour réaliser l’égalité de nos concitoyens devant la justice.
Le texte, M. le ministre, que vous soumettez à notre approbation, comporte explicitement cette grave entorse à notre philosophie du service public pour l’accès à la justice.
Je cite : « l’aide juridictionnelle n’est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge, soit au titre d’un contrat d’assurance, soit par d’autres systèmes de protection. » Le principe de subsidiarité au profit du marché assurantiel est donc inséré dans le droit français, sans véritable débat sur ce sujet, sans évaluation du dispositif actuel d’aide sociale.
Qui peut croire que cette première entorse ne servira pas demain à élargir cette brèche dans laquelle les compagnies d’assurances piaffent déjà de s’engouffrer plus largement. Le libéralisme dont vous vous réclamez et qui vient d’être rejeté souverainement par notre peuple est donc insatiable, transformant tout domaine d’activité humaine en marché, sclérosant les relations humaines les plus élaborées, telle la société de droit.

Pour notre part nous souhaitons qu’une loi vienne moderniser, étendre et renforcer l’aide juridique pour avancer réellement vers l’égalité de nos concitoyens d’accès à la loi et aux les juridictions chargées de la dire.

Votre projet de loi accumule des articles sans logique entre eux, l’urgence de la transposition étant le seul fil conducteur.

L’article deux transpose ainsi une décision-cadre du6 décembre 2001 du Conseil de l’union Européenne renforçant la répression du faux monnayage. Il introduit la prise en compte de la récidive en cas de condamnation définitive en la matière dans un Etat membre.
Il est donc contraire à une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui considère que le premier terme de la récidive doit émaner d’une juridiction française. Voyez comment ce projet de loi procède : vous croyez de bonne foi pouvoir voter pour un renforcement des sanctions contre le faux monnayage et vous introduisez un cheval de Troie contre une jurisprudence nationale.
L’Europe de la justice ne peut pas se construire sur ce mode, à coups de transpositions de mesurettes qui subrepticement viennent transformer le paysage judiciaire. Que devienne les libertés individuelles, le droit de la défense avec de telles pratiques ? Il est temps d’ouvrir aux citoyens et aux citoyennes ce débat et remettre entre leurs mains la construction de l’Europe ;

L’article trois et quatre visent à renforcer la lutte contre la corruption dans le secteur privé. On adapte ici la décision-cadre du 22 juillet 2003. Dans une compétition économique caractérisée par des relations violentes de domination financière et de guerres commerciales, aiguisée par une globalisation sans limites, les risques de corruption sont d’autant plus élevés. Ce projet de loi n’a aucunement la volonté de changer le cours inhumain de cette mondialisation. Cependant il propose d’élargir le champ d’application de la corruption privée au delà de la relation employeur / salarié, ce qui est une bonne chose. La corruption active s’accompagne souvent d’une corruption passive.
Nous aurions préféré M le ministre que les infractions crées par l’article 4 fussent insérées dans le code du travail. C’est l’objet de l’action du corps de l’Inspection du travail que de veiller au respect des règles auxquelles sont astreintes les entreprises. Vous les privez de la compétence du constat de corruption, ce faisant vous privez les pouvoirs publics d’un moyen efficace de contrôle. Mais il est vrai que vous n’êtes pas un ami du code du travail et de ceux qui ont mission de le faire respecter.

L’article cinq amène peu de commentaires critiques de notre part. la lutte contre le crime nécessite de se doter de véritables outils pour l’investigation et la réparation. La transposition ici proposée est celle de la décision cadre du Conseil de l’Union européenne du 22 juillet 2003 relative à l’exécution de décisions de gels de biens ou d’éléments de preuve. Nous souhaiterions voir pris en compte un amendement issu d’un travail spécifique des parlementaires communistes à propos de la lutte contre le proxénétisme. Les propositions de loi émanant des groupes de l’opposition, singulièrement de l’opposition communiste républicaine et citoyenne n’étant pas considérées dignes d’un débat public par votre majorité, nous souhaitons faire avancer vaille que vaille nos préconisations au fil des textes que vous nous soumettez. Nous défendrons ici un amendement visant à élargir le champ d’application de cet article aux personnes mises en examen pour proxénétisme.

Monsieur le ministre, mes chers collègues

Il est véritablement nécessaire que la représentation nationale entende le message adressé par nos concitoyens quant à la construction européenne. Le mode d’harmonisation européenne de la justice doit évoluer profondément et se fonder sur les droits de la personne, sur les libertés individuelles et collectives, et non procéder d’ajouts successifs dans le droit national de mesures techniques prises dans des cénacles fermés à l’intervention citoyenne.

Vous mesurez alors la force de notre abstention.

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