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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Fonction publique territoriale

Par / 14 mars 2006

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Annoncé depuis 2003, ce projet de loi a subi une dizaine de modifications avant d’être présenté aux parlementaires, pour un résultat que nous jugeons très décevant. Ce texte d’ailleurs n’est pas celui sur lequel se sont exprimés les différents partenaires et l’ANECR n’a pas été consultée. Si le gouvernement le présente comme un moyen de rendre plus attractive, plus efficace et plus professionnelle la fonction publique territoriale, ces objectifs nous les partageons, nous estimons que le but inavoué est d’ouvrir une brèche dans le statut de la fonction publique territoriale.

Après les retraites ou à la loi introduisant le contrat à durée indéterminée dans la fonction publique, le gouvernement continue avec le présent projet de loi son travail d’escamotage du statut des fonctionnaires en s’attaquant à la fonction publique territoriale.

Certes, la fonction publique territoriale doit s’adapter. Elle devra faire face aux nombreux départs à la retraite de ses agents ; elle doit également évoluer afin de mieux prendre en compte de nouveaux métiers et être résolument plus attractive et active pour satisfaire les besoins de nos concitoyens ainsi que.

Mais cette adaptation ne passe pas nécessairement et uniquement par la baisse des effectifs de la fonction publique, contrairement à ce que nous martèle le gouvernement depuis 2002, ni d’ailleurs par la disparition des services publics, auxquels nous sommes particulièrement attachés.

Mais nous ne sommes pas les seuls à partager ce point de vue.

Nos concitoyens aussi, comme le montre très précisément un sondage IFOP réalisé à l’occasion du troisième salon de l’emploi public. Le chiffre clé qui se dégage de ce sondage est sans ambiguïté : 51 % des français souhaitent le maintien des effectifs de fonctionnaires. Ainsi, une majorité de personnes interrogées rejette l’idée qu’il faille réduire les effectifs supposés pléthoriques de la fonction publique en ne remplaçant qu’u n sur deux départs à la retraite.

Décidément, il n’y a pas que sur le sujet du CPE que le gouvernement n’est pas en phase avec la population : c’est également le cas lorsqu’il s’agit des fonctionnaires et des services publics.

Les conclusions tirées de ce sondage sont claires : il n’est pas question de sacrifier la qualité ou la quantité des services rendues par les administrations -en particulier les services de proximité ou vitaux- au nom d’une meilleure efficacité ou d’un moindre coût de fonctionnement. Nos concitoyens sont décidément opposés au « moins d’Etat » mais partisans du « mieux d’Etat ».

Toujours selon ce sondage, plus l’administration rend un service concret et proche de la vie de chacun, et plus s’affirme l’idée qu’il faille maintenir, et même renforcer, les effectifs consacrés à ces services. La majorité rejette l’idée qu’il y ait trop de fonctionnaires, que ce soit dans les ministères (54%), dans les collectivités locales (66%) ou dans les hôpitaux publics (96%).

Bref, les efforts déployés par le gouvernement pour diminuer les effectifs de fonctionnaires sont à l’opposé de ce que souhaitent les femmes et les hommes de ce pays

Or, à force de remettre en cause le statut de la fonction publique, c’est le service public même qui est remis en cause, ce qui est particulièrement grave. Si l’égalité d’accès à certains services n’est plus assurée, ce sont les fondements mêmes de l’unicité de notre territoire qui sont en danger.

Ce projet de loi n’est donc guère rassurant de ce point de vue. Quelques points de désaccord peuvent ainsi être soulevés, tout d’abord concernant la formation des agents.

Le texte prévoit de transposer, de manière quasi mécanique, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie, aujourd’hui applicable au seul secteur privé, dans le statut de la fonction publique territoriale.

Ainsi, le projet de loi instaure un droit individuel à la formation professionnelle, le DIF, pour les agents territoriaux, correspondant à vingt heures pas an, cumulables sur six ans.

Le système, tel qu’il est prévu par le chapitre 1er du projet de loi, est critiquable à double titre.

Les actions de formation qui relèveront du DIF sont celles de perfectionnement, dispensées en cours de carrière qui intervient à la demande de l’employeur ou de l’agent ; ce sont également celles de préparation aux concours et examens professionnels de la fonction publique territoriale.

Aujourd’hui, les agents ne disposent d’aucune restriction horaire quant à leur préparation aux concours. Celle-ci peut d’ailleurs durer jusqu’à 300 heures. Or, le DIF plafonne la durée de cette formation à vingt heures par an : même si l’agent les cumule sur 6 ans, le compte n’y est pas. Et cela sans compter que sur ces vingt peuvent venir s’imputer des actions de formation de perfectionnement.

Mais le principal problème du DIF, parce qu’il n’est pas mutualisé, contrairement à la formation du CNFPT qui lui bénéficie du 1% formation,(taux déjà bien faible) est qu’il est source d’inégalités. En effet, comme le prévoit d’ailleurs l’article 3, les frais de formation relevant du DIF sont à la charge de l’autorité territoriale. Cela signifie donc que seules les grandes collectivités, qui disposent de moyens financiers conséquents, pourront assumer les formations de leurs agents.

En revanche, les agents des petites collectivités, qui manquent déjà cruellement de moyens financiers, ne pourront pas bénéficier d’actions de formation à l’instar de leurs collègues.

Enfin, je voudrais faire deux remarques concernant la mise en œuvre, pour l’agent, de son droit à la formation : il est inquiétant de prévoir d’une part que le DIF est mis en œuvre à l’initiative de l’agent mais en accord avec l’autorité territoriale. Cela confère un droit de regard de l’élu sur le contenu de la formation, formations étroitement liées aux besoins de la collectivité. or l’individualisation de la formation ne doit se réaliser que sur un choix personnel D’autre part , il est tout aussi inquiétant de prévoir que la formation pourrait avoir lieu en dehors du temps de travail, contrairement à l’existant, ce qui rendra bien improbable encore l’exercice de ce droit

Nous le voyons bien, le volet formation du projet de loi constitue bel et bien une régression par rapport au droit actuel en matière de formation dévolu aux agents territoriaux.
La logique est la même que ce à quoi nous assistons dans le secteur privé : le gouvernement encourage l’individualisation des relations entre l’agent et la collectivité territoriale avec, à terme, le risque que les fonctionnaires territoriaux deviennent agents d’une collectivité et non plus de la fonction publique territoriale.

Nos craintes concernant l’éclatement du statut sont bel et bien fondées : je pourrais dire qu’elles sont inscrite noir sur blanc dans ce projet !

Pourtant, avoir des agents compétents et efficients au sein des collectivités participe au bon fonctionnement des services publics. En terme d’efficacité et de qualité des services publics, la réécriture du droit individuel à la formation des agents est loin de constituer une avancée.

Se pose maintenant le problème de l’avenir du CNFPT, et de la distinction opérée par le projet de loi entre les missions de formation et de gestion des personnels, cette dernière étant dévolue aux centres de gestion.

Aujourd’hui, il existe un lien fort entre la formation et l’emploi. Ce lien est d’ailleurs présent dans des lois votées par cette majorité, que ce soit la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie ou la loi de cohésion sociale.

Or, le gouvernement envisage exactement le contraire pour la fonction publique territoriale : il déconnecte les missions de formation et les missions de gestion des personnels.

Cette distinction des missions pose également le problème du financement du CNFPT. Aujourd’hui, ce dernier rencontre de nombreuses difficultés à assurer l’offre de formations en raison d’un manque évident de moyens. Or, si les centres de gestion et le centre national de coordination de ces centres doivent bénéficier, comme le prévoit le texte, d’une compensation financière pour les missions relevant jusqu’à présent du CNFPT, la part dévolue à la formation risque au final d’être bien maigre, d’autant plus que le CNFPT se trouvera chargé des missions de mise en œuvre de la Reconnaissance de l’expérience professionnelle et de la Validation des acquis de l’expérience. C’est pourquoi nous tenons à ce que la gestion des personnels et la formation continuent d’être assurées par le CNFPT et soient financées de manière collective et non individualisée.

Ce projet de loi prétend apporter une meilleure lisibilité et une clarification des compétences entre le CNFPT et les centres de gestion, mais il instaure en réalité un nouveau système porteur de cloisonnements et de déséquilibres. Si la formation vise le développement des compétences et la valorisation des parcours professionnels, comment peut-elle être pertinente sans vision sur les métiers et sur l’évolution des emplois ? De même, comment envisager une gestion pertinente des emplois sans prendre en compte la dimension formation ? Comment anticiper les besoins,les départs à la retraite et n’est ce pas là , la faille pour externaliser les services ?

Ce cloisonnement entre les compétences du CNFPT et des centres de gestion est donc loin d’être cohérent et judicieux.
Enfin, pour conclure brièvement sur le chapitre relatif aux organes institutionnels de la fonction publique territoriale, nous craignons que la régionalisation des concours ne remette en cause le principe de l’égalité des candidats devant l’emploi public.

En désactivant le CNFPT dans ses compétences et ses moyens de financement pour le réduire à une fonction résiduelle de formation et en régionalisant les concours, ce projet de loi risque d’accélérer les inégalités entre les agents territoriaux, et cela ne sera pas sans conséquences sur les missions de service public assurées par les collectivités.

Je ne m’exprimerai pas plus longtemps sur ce texte, ma collègue Gelita Hoarau souhaite également intervenir dans la discussion générale. J’ajoute quelques remarques : la demande aujourd’hui est une demande sociale et une exigence légitime des fonctionnaires. En parallèle à ce texte, il eut été opportun de rencontrer les organisations syndicales pour des négociations nécessaires et fortement souhaitées (salaires carrières) Sont absentes de ce texte des mesures à mettre en oeuvre pour une véritable égalité homme femme, pour la fonction publique. Nos amendements tenteront de modifier ce texte qui pour l’heure ne nous satisfait pas et pour lequel nous voterons contre.

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