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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’exemple même d’une mauvaise réponse à une vraie question

Cumul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels -

Par / 31 janvier 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, n’en déplaise à notre collègue du groupe UMP, la proposition de loi qui tend à autoriser le cumul des ressources issues d’une reprise d’activité professionnelle et l’allocation de solidarité aux personnes âgées est, pour nous, l’exemple même d’une mauvaise réponse à une vraie question.

Que l’on partage ou non l’objet de cette proposition de loi, le sujet qui s’impose est celui de la paupérisation des retraités et des personnes âgées.

Nous rencontrons de plus en plus fréquemment des retraités qui vivent dans une plus ou moins grande fragilité sociale. Comment ne pas rappeler que la retraite médiane se situe autour de 1 100 euros par mois et que, selon l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, sous l’effet conjugué de la précarité croissante qui touche les salariés et de la baisse du taux de remplacement, le niveau moyen des pensions pour les nouveaux retraités devrait passer, en 2020, à 850 euros nets mensuels ! Cet effondrement des pensions est l’une des conséquences des réformes initiées depuis 1993 en matière de retraites.

Par ailleurs, le rapport de Mme Debré le rappelle, nous sommes confrontés à une importante hausse des bénéficiaires de l’ASPA, preuve, là encore, de cette paupérisation qui frappe, faut-il le rappeler, principalement les femmes, victimes des temps partiels et des inégalités salariales. Pour autant, bien que nos vues puissent converger sur certains éléments du constat, nous ne partageons pas la solution formulée dans cette proposition de loi.

Les travaux de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale interrogent clairement le Gouvernement sur les mesures qu’il lui incombe de prendre pour rompre avec la spirale de la précarité dans laquelle de plus en plus de nos concitoyens sont enfermés. Celle-ci atteste de l’urgence qu’il y a à revaloriser les minima sociaux, afin qu’aucun d’entre eux ne soit inférieur au seuil de pauvreté.

Ainsi, s’agissant de cette proposition de loi, nous ne considérons pas que, pour renforcer le pouvoir d’achat des bénéficiaires de l’ASPA – d’une partie seulement d’entre eux en réalité –, il n’y aurait qu’une piste possible : la reprise de l’activité professionnelle. Cette solution, apparemment simple, voire simpliste, méconnaît les situations personnelles dramatiques dans lesquelles peuvent se trouver certains bénéficiaires. En effet, on voit mal comment un bénéficiaire de l’ASPA reconnu définitivement inapte au travail pourrait reprendre une activité professionnelle.

Certains à droite – nous l’avons vu lors des travaux en commission – considèrent que cette inégalité est naturelle. C’est méconnaître le fait que, dans la majorité des cas, cette inaptitude est la conséquence directe de l’activité professionnelle précédente. Il y aurait donc, d’un côté, des travailleurs détruits par le travail, qui devraient survivre avec l’ASPA, et, de l’autre, des bénéficiaires en meilleure santé, à qui l’on ne préconiserait rien d’autre que de continuer à s’user au travail…

Qui plus est, la proposition de loi, en faisant explicitement référence au cumul emploi-retraite, ignore le « portrait social » des bénéficiaires de l’ASPA. Si les retraités qui cumulent pension et activité sont d’abord et avant tout des cadres, avec des revenus et des pensions élevés, ce n’est évidemment pas le cas des bénéficiaires de l’ASPA. Il s’agit, par définition, de publics fragilisés, pour qui la reprise d’une activité professionnelle relèverait plus d’une question de survie que de la volonté de rester actif.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Dominique Watrin. Notre collègue Isabelle Debré présente sa proposition comme une mesure de liberté. Nous considérons pour notre part que c’est une mesure profondément libérale…

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je veux bien accepter ce terme !

M. Dominique Watrin. … puisqu’elle tend à faire croire que chacun serait libre de reprendre une activité, c’est-à-dire responsable pour lui-même. Tout cela sans que soit jamais abordée la question de la responsabilité sociale des entreprises, qu’il s’agisse du maintien des seniors dans l’emploi, de l’émiettement des temps de travail, de la précarisation des contrats et des rémunérations ou encore de la dégradation des conditions de travail.

C’est en réalité une mesure corsetée, qui ne tient compte ni de la précarité sociale, sanitaire et physique des bénéficiaires de l’ASPA, qui les enferme dans la pauvreté, ni de la réalité même de ce qu’on appelle le « marché du travail ».

Si j’en crois l’esprit de la proposition de loi, il suffirait que les bénéficiaires de l’ASPA souhaitent reprendre une activité professionnelle pour qu’ils puissent le faire. Or les chiffres montrent le contraire : le taux d’emploi des seniors est en France particulièrement bas. Je vous fais grâce des statistiques, mes chers collègues, mais sachez, à titre d’exemple, que le taux d’activité des 55-64 ans en France est inférieur de plus de 7 points au taux d’activité moyen dans l’Union européenne.

Prétendre que les bénéficiaires de l’ASPA pourraient reprendre une activité professionnelle constitue donc, selon nous, une analyse erronée du marché du travail. Au contraire, les employeurs sont de plus en plus enclins à se séparer des salariés les plus âgés, qu’ils considèrent comme étant peu productifs et trop chers. En outre, 23 % des ruptures conventionnelles concernent les plus de 58 ans. De plus en plus de salariés âgés, classés dans la catégorie des actifs, sont en réalité inscrits à Pôle emploi.

Pour conclure, je voudrais que nous nous interrogions toutes et tous sur le projet de société que nous voulons léguer à nos enfants. Voulons-nous, comme c’est le cas dans de très nombreux pays – j’en ai visité certains –, que des retraités, déjà usés par le travail, soient contraints, en raison de leur pauvreté, de tenter de reprendre une activité, qui s’apparente le plus souvent à un sous-travail ou à un mal-travail ? Voulons-nous obliger des retraités issus de la fraction la plus pauvre des salariés à reprendre une activité professionnelle, alors que leur activité passée a déjà réduit leur espérance de vie de sept ans en moyenne ?

Pour notre part, nous ne voulons pas de cette société et nous appelons le Gouvernement à répondre à l’urgence sociale que cette proposition de loi a le mérite de souligner en mettant en œuvre, dans les meilleurs délais, une revalorisation des minima sociaux de sorte qu’aucun d’entre eux ne soit inférieur au seuil de pauvreté.

Serait-ce un défi trop ambitieux à l’heure où le Gouvernement sait trouver 20 milliards d’euros de crédit d’impôt pour les entreprises ? Nous ne le pensons pas. Nous invitons au contraire chacun, à partir de ce constat partagé de paupérisation d’une part non négligeable des retraités, à prendre en compte cette donnée essentielle lors du prochain rendez-vous des retraites.

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