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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’unique objet de ce projet de loi est de faciliter la création des conseillers territoriaux

Renouvellements des conseils généraux et régionaux : question préalable -

Par / 15 décembre 2009

Dans l’introduction du rapport fait au nom de la commission des lois, M. Courtois nous garantit, sans rire, que « l’adoption du présent texte est de nature à préserver la pleine souveraineté du Parlement ».

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Tout à fait !

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Il se sent obligé de préciser que « l’adoption de ce projet de loi ne ferait en rien obstacle à ce que les Assemblées décident finalement, à l’issue de leurs discussions sur le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, de renoncer à créer une nouvelle catégorie d’élus ».

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Nous sommes bien d’accord !

Mme Josiane Mathon-Poinat. - D’ailleurs, selon lui, l’instauration future des conseillers territoriaux ne serait qu’un but parmi d’autres de ce projet de loi. (M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, le confirme)

Pourtant, le premier chapitre du rapport s’intitule « une concomitance indispensable à la mise en place des conseillers territoriaux et bénéfique pour la démocratie locale ». Deux arguments sont avancés pour tenter de faire croire que ce texte n’a pas pour seul but d’entériner l’instauration des conseillers territoriaux avant même que la loi les créant ne soit examinée : la concomitance des élections cantonales et régionales aiderait à lutter contre l’abstention et déconnecterait les élections locales des élections nationales.

Toujours d’après le rapport, la simultanéité des élections cantonales et régionales contribuerait à dynamiser la démocratie locale. Ainsi, comme l’affirme le Comité pour la réforme des collectivités locales, la concomitance, en rendant les élus plus facilement identifiables par leurs électeurs, « renforcerait le poids de ces élections dans la vie locale et ne pourrait, en conséquence, que favoriser la clarté des choix démocratiques ». Pourtant, cette déclaration ne repose sur aucune donnée tangible et vérifiable. Il ne s’agit que d’une pure déclaration de principe ne correspondant à aucune réalité statistique, démographique ou politique. Rien n’empêche en effet d’affirmer le contraire : pourquoi ne pas prétendre que la concomitance des élections entraîne la confusion dans l’esprit des électeurs sur les enjeux de chacune de ces élections et des interférences entre les campagnes électorales ? Difficile de trancher, car l’abstentionnisme va chercher ses causes dans des phénomènes bien plus complexes qui ont plus à voir avec la sociologie de l’électorat qu’avec de simples questions de calendrier. D’ailleurs, la simultanéité des élections cantonales et municipales des 9 et 16 mars dernier n’a pas empêché une abstention record.

Aussi paradoxal que cela soit, le rapport conclut qu’une telle « corrélation ne révèle pas forcément un rapport de causalité ». Autrement dit, il se contredit lui même et nul ne sait si la concomitance d’élections a une influence, bonne ou mauvaise, sur la participation.

Deuxième argument avancé par le rapport : la nécessité d’une déconnection entre les enjeux locaux et nationaux. Selon le rapporteur, la proximité dans le temps de scrutins locaux et nationaux serait « susceptible de favoriser l’abstention électorale » et de « brouiller les enjeux respectifs de chaque élection ». Mais est-ce réellement la proximité dans le temps qui est responsable de cette confusion ? N’est-ce pas plutôt un choix délibéré du pouvoir politique ? Cette année, nous ne connaîtrons pas d’autre rendez-vous électoral que les régionales. Cela n’a pas empêché le Président de la République de s’immiscer dans la campagne électorale. La feuille de route qu’il a adressée aux cadres de l’UMP réunis en conseil national à Aubervilliers ne laisse aucun doute : il faut faire tomber les régions tenues par la gauche qui sont considérées comme autant de contre-pouvoirs à l’action de l’exécutif.

D’ailleurs, tous les responsables de l’UMP ont proclamé que les régionales revêtiront une dimension nationale et constitueront donc un test pour l’Élysée. Rien de surprenant alors qu’en cette période pré-électorale, le pouvoir nous ressorte ses épouvantails électoraux : insécurité, identité nationale, immigration, autant d’arguments démagogiques et confus utiles pour contourner les vrais enjeux et autant d’appels du pied à un électorat d’extrême-droite dont les voix seront précieuses. En revanche, quid des questions de fiscalité, d’emploi, d’éducation, d’urbanisme, de démocratie, de culture, bref, des réels enjeux locaux ? Les arguments selon lesquels ce texte aiderait à faire progresser la démocratie locale sont donc irrecevables.

Contrairement aux affirmations du rapporteur, l’unique objet de ce projet de loi est de faciliter la création des conseillers territoriaux. L’exposé des motifs et la procédure accélérée l’attestent largement. Or, il est scandaleux de vouloir nous faire entériner les conséquences d’une réforme avant même d’en avoir débattu. Lorsque nous débattrons des conseillers territoriaux, on nous dira que le Parlement a déjà validé le principe en modifiant la durée des mandats des conseillers généraux et régionaux ! Le stratagème est quelque peu grossier, mais peut-être est-ce là la seule façon trouvée par le Gouvernement pour faire passer en force une réforme que refuse sa majorité.

En effet, la création des conseillers territoriaux est contestée, tous bords et institutions confondus. Ainsi, dans une note confidentielle du 15 octobre, le Conseil d’État a mis en garde le Gouvernement contre deux dispositions du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux. Le scrutin envisagé serait susceptible de porter atteinte à « la légalité comme à la sincérité du suffrage » à cause des « modalités complexes de la combinaison opérée » entre scrutins majoritaire et proportionnel. Il précise même que « le mode de scrutin retenu n’apparaît pas de nature à garantir, ni au conseil général ni au conseil régional, l’établissement d’une majorité stable, propre à assurer le bon fonctionnement de ces collectivités territoriales ». Enfin, il estime que ce mode de scrutin « peut, en outre, permettre qu’une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu’une autre puisse néanmoins obtenir plus de sièges qu’elle ». M. Sueur en a parlé tout à l’heure. Certes, il ne s’agit que d’un avis, mais le Conseil d’État est loin d’être le seul à nous alerter. Ainsi, de nombreuses femmes politiques, toutes tendances confondues, voient dans la création des conseillers territoriaux un recul pour la parité du fait du mode de scrutin retenu. Dans un communiqué commun, les présidentes des délégations aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental ont rappelé que « dans le cadre des scrutins uninominaux, non soumis à des mesures paritaires contraignantes, les femmes sont toujours sacrifiées par les partis politiques », ou du moins par certains. Avec ce nouveau mode de scrutin, 80 % des conseillers territoriaux seront élus au scrutin majoritaire à un tour, dans lequel la parité est très peu efficace puisqu’on élit une seule personne. Seuls 20 % des conseillers territoriaux seraient élus à la proportionnelle où la parité est obligatoire. Les chiffres parlent d’eux mêmes : dans les conseils généraux où ce scrutin a été mis en place en 2008, seuls 12,3 % de femmes ont été élues, alors que le scrutin de liste à la proportionnelle avait permis, en 2004, l’élection de 47,6 % de conseillères régionales. Pour ces raisons, l’Observatoire de la parité a alerté le 1er avril le Président de la République et le Premier ministre sur le « nécessaire respect de la parité dans l’élaboration de la réforme des collectivités territoriales ». L’Observatoire en « appelle solennellement à la vigilance sur les risques d’une régression en matière de parité entre les femmes et les hommes, induits par la généralisation du mode de scrutin uninominal ». Selon ses propres calculs, la proportion de conseillères passera de 23 % aujourd’hui à 19,6 % : le recul est donc incontestable. M. Marleix, qui n’est d’ailleurs pas là, ne le conteste d’ailleurs pas, mais il affirme avec un certain aplomb que cette inégalité serait compensée par le renforcement de la présence des femmes au niveau local avec l’abaissement du seuil de la parité aux communes de 500 habitants. Selon lui, les femmes devraient mécaniquement faire une entrée massive dans les conseils de communauté de communes.

M. Pierre Hérisson. - C’est vrai ! Il y en aura 70 000 de plus !

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nous ne sommes pas convaincus, car les intercommunalités ne sont soumises à aucune contrainte paritaire. Mais surtout, quel mépris, et vous venez encore de le prouver, monsieur Hérisson !

M. Pierre Hérisson. - Mais non ! C’est tout le contraire !

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Quel mépris vis-à-vis des femmes et des assemblées parlementaires ! La présence des femmes ne serait donc légitime que dans les plus petits conseils municipaux et elles ne seraient pas à leur place dans les conseils régionaux ? N’ont-elles pas les aptitudes intellectuelles, politiques, techniques nécessaires ? La misogynie n’est pas un des moindres défauts de ce texte. Le Gouvernement s’est dit ouvert à un débat sur cette question mais il essaye de faire passer sa réforme en pièces détachées, espérant la diluer au gré de l’actualité politique.

Il est impossible d’en débattre avant d’avoir résolu la question de la parité et de la réforme des collectivités.

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