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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’adoption de ce texte permettra à la démocratie de l’emporter

Abrogation du conseiller territorial -

Par / 16 novembre 2011

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je précise d’emblée que cette proposition de loi a été inscrite dans les temps et examinée en toute sérénité par la commission compétente.

M. Michel Delebarre. Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi. Merci de le confirmer, mon cher collègue !

Dès l’inscription à l’ordre du jour des propositions issues du rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur, mon groupe a pris position contre la création du conseiller territorial. Le débat parlementaire sur la réforme des collectivités locales n’a pu que nous conforter dans notre conviction.

Par conséquent, je me réjouis que cette proposition de loi déposée par mon groupe et visant à abroger le mandat de conseiller territorial ait rassemblé l’ensemble de la gauche sénatoriale. L’adoption de ce texte permettra à la démocratie de l’emporter et répondra au souhait exprimé par une majorité d’élus locaux. Le verdict est tombé avec le résultat des élections sénatoriales !

Le débat sur la réforme des collectivités locales s’est polarisé sur quelques points qui ont fortement marqué la campagne sénatoriale car, précisément, ils étaient contestés par de nombreux grands électeurs.

Il s’agit, bien sûr, de l’intercommunalité forcée, qui vient de connaître une première mise en cause avec le vote de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, et de la mise en place du mandat de conseiller territorial. Monsieur le ministre, ne vous en déplaise, ces dispositions ont pesé lourd dans le basculement à gauche du Sénat.

Les élus ont très bien compris que la réforme des collectivités locales et, en son sein, la création du conseiller territorial mettaient en cause l’existence des communes et des départements, donc la pérennité des services publics. Ils se sont sentis humiliés et méprisés. La presse a même parlé de « révolte des ruraux » !

Le Gouvernement et sa majorité auraient été mieux inspirés d’entendre les nombreuses critiques émanant des élus, y compris au sein de leur sensibilité politique.

Dès la première lecture, notre collègue Jean-Patrick Courtois, alors rapporteur de la commission des lois pour le projet de réforme des collectivités locales, avait été clair en évoquant la création du nouveau mandat de conseiller territorial : « Mes chers collègues, il s’agit là de la clef de voûte de cette réforme. »

« Clef de voûte », en effet, car il s’agit d’une disposition véritablement structurante de la réforme des collectivités territoriales voulue par le Président de la République et d’un vecteur du projet de société de l’UMP. Elle dessine une organisation territoriale qui rompt avec une très longue histoire, celle de l’autonomie communale, de la décentralisation et de la démocratie locale dans notre pays. Le conseiller territorial participe de cette déstructuration.

Le Gouvernement nous avait demandé de lui signer un chèque en blanc sur cette mesure structurante. En effet, dès décembre 2009, il portait à l’ordre du jour de notre assemblée la discussion en procédure accélérée du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, afin d’être en mesure, en 2014, de faire élire les conseillers territoriaux.

L’exposé des motifs de ce texte était explicite : « Permettre l’application de la réforme territoriale en mars 2014 ». En votant ce texte, la majorité d’alors anticipait sur les choix du Parlement, lequel n’avait pas encore débattu de la création de ces nouveaux élus.

Que ce soit sur la forme ou sur le fond, de bout en bout la démocratie a été la grande absente de la réforme des collectivités territoriales.

Voulant passer en force, le Gouvernement s’est montré sourd aux multiples critiques ou inquiétudes exprimées de toutes parts sur la création du conseiller territorial et sur son mode de scrutin.

Rappelons que, au sein de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par notre collègue Claude Belot, aucun accord politique ne s’était dégagé sur ce nouveau mandat. Celui-ci a également suscité l’opposition des délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, ainsi que de nombreuses associations féministes soucieuses du respect de la parité.

Si j’en crois le baromètre réalisé par le Courrier des maires et des élus locaux à l’occasion du dernier congrès de l’Association des maires de France, pour 52 % des maires la création du conseiller territorial est une mauvaise chose. Seulement 31 % d’entre eux la considèrent plutôt comme positive. Toutefois, selon le Président de la République, ne s’opposeraient à cette réforme que des « conservatismes » !

La création du conseiller territorial remet en cause l’esprit de démocratisation et de proximité qui sous-tendait les lois de décentralisation de 1982. Elle constitue une régression de la démocratie locale. Ce conseiller territorial, élu bicéphale, multicarte, cumulerait les mandats aujourd’hui distincts de conseiller régional et de conseiller général.

Ce nouvel élu irait à l’encontre de l’autonomie des collectivités territoriales, car nul doute que le cumul favoriserait une confusion entre les deux niveaux de collectivités et donc le risque d’une rivalité entre intérêts opposés. Qui décidera : l’élu régional ? L’élu départemental ? Nous ne savons pas !

Quant au risque de tutelle d’une collectivité sur une autre, donc de mise en cause du principe de libre administration, il est patent. Dans ces conditions, nul doute également que nous risquons d’assister au triomphe de la technocratie.

Monsieur le ministre, vous faites régresser la proximité des élus et des décisions, alors que les Français y sont précisément attachés. Du reste, la proximité des décisions va aussi nécessairement reculer avec le nombre des élus, puisque chacun d’entre eux sera attaché à un territoire plus étendu.

De fait, avec le cumul de deux fonctions électives, vous professionnalisez le mandat de conseiller territorial, contrairement à ce qu’exigerait une représentation sincère du peuple dans les assemblées.

La démocratisation nécessaire de la vie politique suppose la participation aux mandats électifs d’un nombre beaucoup plus grand de citoyens dans leur diversité. Or, avec ce conseiller territorial, vous prenez le chemin inverse. Nos concitoyens n’ont pas fini de percevoir leurs élus comme une « classe politique » éloignée de leur réalité !

Il est donc pour le moins consternant que le Président de la République n’ait pas hésité à discréditer les élus pour tenter de justifier son objectif : en réduire le nombre.

Quant au mode de scrutin, il était initialement renvoyé à un projet de loi ultérieur prévoyant un scrutin uninominal majoritaire à un tour, à l’anglo-saxonne. Du jamais vu dans notre histoire, tant il est antidémocratique ! Et inutile de dire que, dans un tel système, la dose de proportionnelle initialement prévue de 20 % était un leurre.

Finalement adopté après moult débats et coups de force, le scrutin uninominal à deux tours constitue une attaque frontale contre le pluralisme et la parité. Le Gouvernement a, en effet, tout simplement décidé de supprimer la proportionnelle qui est actuellement en œuvre pour l’élection des conseillers régionaux et que même le comité Balladur proposait à l’origine de préserver. Ce faisant a été programmée la fin de la parité, qui était enfin devenue effective dans les régions et qui constitue un objectif à valeur constitutionnelle depuis 1999.

À la fin de 2006 était soumis à notre assemblée un projet de loi tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. En introduction à son rapport, notre collègue Patrice Gélard soulignait : « Ce projet de loi constitue une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la parité. ». Certes, c’était un texte a minima, mais, depuis lors, je constate que les nouvelles étapes se parcourent à reculons !

Nous connaissons le faible impact des sanctions financières ; regardons du côté de l’Assemblée nationale ! En outre, les candidats peuvent se déclarer sans étiquette lors de l’élection, puis se rattacher à un parti ou groupement pour contourner la loi. Cette disposition est là pour masquer la question du recul à prévoir de la parité.

Sur les futurs cantons, hormis leur nombre, nous ne savons toujours rien. Nous ignorons en particulier leur configuration. En revanche, nous savons que le tableau de répartition annexé à la loi consacrera de grandes disparités dans la représentation de nos concitoyens et des territoires, au mépris de leur égalité.

Nous savons aussi qu’il y a tout lieu de craindre les découpages sur mesure, comme on l’a vu pour les circonscriptions législatives. Je note d’ailleurs que le projet de loi initialement prévu renvoyait à une ordonnance pour la répartition des conseillers par département…

En créant un bloc départements-régions, le Gouvernement fait fi d’une réalité inhérente à l’existence des deux assemblées, à savoir que l’une est une instance de proximité et l’autre une instance de programmation. Le département n’est-il pas le premier partenaire de la commune ?

En réalité, tout concourt à faire disparaître les départements. Évidemment, vous ne l’avez jamais affirmé clairement, mais vous supprimez les conseillers généraux, autrement dit l’organe délibérant du département. Vous supprimez la compétence générale de ce dernier. Vous vantez une organisation territoriale articulée autour de deux couples : un ensemble départements-régions et un pôle communes-intercommunalités. Il est évident que, à terme, l’une de chaque composante est vouée à disparaître !

La volonté du Gouvernement de supprimer le département, comme la grande majorité des communes, est bien l’un des fils conducteurs de la réforme considérée dans son ensemble. C’est ce qu’a dit encore récemment Gilles Carrez dans Le Point, me semble-t-il.

Les élus coûtent cher, il faut en diminuer le nombre, a asséné le Président de la République, faisant valoir d’hypothétiques comparaisons européennes. Toutefois, dans leur majorité, les pays européens ont une organisation à trois niveaux. Il s’agit donc d’un faux procès !

Résultat : les assemblées régionales connaîtront des effectifs pléthoriques. Il est regrettable que les auteurs de l’étude d’impact n’aient pas travaillé sur les aménagements coûteux qui seront nécessaires pour accueillir les nouveaux conseillers, ni sur l’augmentation considérable à prévoir des frais de déplacement et de suppléance des conseillers territoriaux.

Les chiffres des économies à attendre de la réforme, annoncés là encore récemment par M. Gilles Carrez, paraissent, il faut bien le dire, peu fiables ! En réalité, nous ne disposons d’aucune étude d’impact précise.

Quant aux conclusions de la commission mixte paritaire sur la réforme, elles ont été votées dans des conditions inacceptables, puisque c’est un tour de passe-passe qui a permis de conclure, alors que l’échec de cette CMP était patent.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le conseiller territorial et la réforme des collectivités dans son ensemble font partie intégrante d’un plan gouvernemental de réduction de dépenses publiques utiles, que nous récusons et que les élus locaux eux-mêmes ont récusé.

Toute réorganisation territoriale doit avoir pour fin la satisfaction des besoins et des aspirations de nos concitoyens, et non l’avidité des grands groupes industriels, financiers et de services, qui n’attendent qu’une chose : se voir confier toujours plus de marchés que les collectivités locales devront abandonner, faute de moyens et de compétences, si la réforme devait être mise en œuvre.

En votant pour l’abrogation du conseiller territorial, la majorité de notre assemblée permettra enfin au Sénat d’assumer le rôle qui lui est imparti par la Constitution : être le représentant des collectivités locales, autrement dit légiférer dans leur intérêt et dans celui de leurs habitants.

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