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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le recours à des CDI pour des emplois permanents de la fonction publique nous inquiète

Agents contractuels dans la fonction publique -

Par / 25 janvier 2012

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette réforme ne peut évidemment être l’arbre qui cache la forêt ! Tout le monde le reconnaît, la fonction publique est aujourd’hui mise à mal et les agents publics sont en souffrance, victimes qu’ils sont d’une politique qui, depuis des années, tend à les dénigrer, à les stigmatiser.

Quand ce ne sont pas les fonctionnaires qui sont pointés du doigt, c’est l’idée même de service public qui est attaquée, certains n’hésitant pas à considérer qu’il serait urgent d’en finir avec les services publics existants pour concentrer les moyens de l’État sur les seules fonctions régaliennes. Limiter ainsi le champ des services publics constitue à l’évidence une négation de la construction historique et sociale de notre pays, et témoigne aussi d’un refus de reconnaître les besoins nouveaux de nos concitoyens.

Le groupe CRC ne partage pas l’idée qu’il y aurait aujourd’hui trop de services publics et qu’il serait nécessaire, pour libérer l’initiative, de réduire la dépense publique utile, de diminuer le rôle que jouent les acteurs publics, en les sacrifiant au profit du secteur marchand. Il suffit de regarder partout autour de nous, d’observer les situations dramatiques dans lesquelles vivent nos concitoyens, pour s’apercevoir qu’il nous faut au contraire être imaginatifs afin de renforcer l’efficacité des services publics

Si l’on suivait les recommandations de ces apprentis sorciers, l’éducation nationale, par exemple, ne relèverait plus d’une mission de service public et pourrait être confiée aux collectivités territoriales, voire transférée au secteur privé.

À l’opposé de cette logique, nous sommes convaincus qu’il faut renforcer et développer le service public de l’enseignement.

Mes chers collègues, les services publics sont, aujourd’hui plus que jamais, pertinents et utiles. Ils sont constitutifs du bouclier social dont nous avons besoin pour faire face à la crise.

Pourtant, la majorité présidentielle n’a de cesse d’organiser progressivement leur privatisation. Cela prend la forme d’un transfert des missions du public vers le privé, y compris s’agissant de missions pourtant présentées comme régaliennes. Ainsi, il y a maintenant plus d’agents privés de sécurité que de policiers en service !

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Christian Favier. Cela passe aussi par la transformation des établissements et des services publics en de véritables entreprises.

On impose en effet aux services publics une logique de performance et de rentabilité financière, étrangère à l’impératif de satisfaction des besoins, on y applique les mêmes méthodes de management que dans les entreprises privées, avec les effets désastreux que l’on sait sur la santé et les conditions de vie des agents.

La réalité, c’est que les personnes recrutées pour accomplir les missions publiques, qui, hier, étaient des fonctionnaires, sont aujourd’hui considérées comme de véritables variables d’ajustement. Conséquence : la précarité gagne chaque jour du terrain, particulièrement dans la fonction publique territoriale, victime d’un double mouvement de décentralisation et de réduction des ressources des collectivités.

Au total, il y aurait, selon le dernier recensement, près de 900 000 agents publics en situation de précarité, ce qui représente environ 16,5 % des agents de la fonction publique.

M. François Sauvadet, ministre. C’est vrai !

M. Christian Favier. Il faut dire que les employeurs publics, qui devraient pourtant être exemplaires en matière de travail et de respect des droits, agissent parfois comme les pires patrons !

Chacun garde ainsi en mémoire le cas de cette postière de Haute-Garonne, employée par La Poste des années durant avec pas moins de 56 CDD successifs, ou encore celui de cette jeune femme, recrutée par l’ANPE, puis par Pôle emploi, en CDD depuis douze ans !

Le constat est clair : les trois versants de la fonction publique connaissent une précarisation jamais atteinte jusqu’à présent. Si rien n’est fait, s’il n’est pas définitivement mis un terme à l’application de cette logique comptable, la précarité deviendra progressivement la norme.

Certains, à l’UMP, veulent d’ailleurs l’accroître encore en proposant la fin de la sécurité de l’emploi dans la fonction publique.

C’est dans ce contexte que nous sommes appelés à nous prononcer sur ce projet de loi présenté comme la transposition de l’accord signé le 31 mars 2011 par six organisations syndicales sur huit. Je dis « présenté », car le Gouvernement a profité de l’occasion pour introduire des dispositions, notamment les titres III et IV, qui n’étaient bien évidemment pas contenues dans le protocole d’accord et qui n’ont pas grand-chose à voir avec le sujet !

Pour ce qui est des dispositions relatives à la précarité dans la fonction publique, il faut reconnaître qu’elles sont pour l’essentiel conformes au contenu du protocole.

Ce protocole est une étape importante. Il est le fruit d’une négociation entamée voilà deux ans, sur l’initiative des organisations syndicales. Après deux ans d’échanges, il est le résultat d’un compromis, comme l’est aussi, par voie de conséquence, le projet de loi, lequel pourra indiscutablement constituer, sur le plan individuel, une réponse à certaines situations de précarité subies par les agents.

Je pense en particulier aux agents recrutés en CDD et qui pourront demain bénéficier d’un CDI. Cette transformation de contrat, qui pourrait concerner 100 000 agents, comme vient de le rappeler M. le ministre, est une avancée. Qui pourrait refuser à ces agents aujourd’hui en situation très précaire le bénéfice, demain, d’une sécurisation de leur parcours professionnel ?

Pour autant, le recours à des contrats à durée indéterminée pour des emplois permanents de la fonction publique, que la loi autorisera donc désormais, nous inquiète.

La CDIsation de ces emplois jusqu’à présent occupés par des fonctionnaires constitue une étape supplémentaire du démantèlement du statut ; cela, nous ne pouvons l’ignorer.

Nous regrettons aussi que les conditions de titularisation ou de CDIsation ne permettent pas à tous les agents publics de sortir de la logique du « précariat ». Je pense notamment à ceux et surtout à celles, puisque les femmes sont plus souvent concernées, qui accomplissent des services à temps très partiel, c’est-à-dire selon une quotité inférieure à 50 %.

Le recours aux temps partiels dans la fonction publique n’est pas une fatalité. Je suis persuadé, pour avoir expérimenté cette voie et avoir vu des communes le faire, qu’une autre gestion de l’emploi et des carrières peut permettre d’assurer aux agents un travail à plein-temps, mobilisant l’ensemble de leurs compétences et leur permettant tout à la fois de vivre mieux leur travail et de vivre mieux du fruit de leur travail.

Dans mon département, qui compte 8 000 agents, les contractuels ne représentent ainsi que 5 % des effectifs, soit un taux très inférieur à la moyenne nationale. Pour autant, nos services fonctionnent bien !

Enfin, comment ne pas regretter que ce projet de loi ne constitue pas un véritable plan de titularisation ?

Toutes celles et ceux qui remplissent les conditions de la titularisation ne seront pas titularisés puisque le nombre de postes ouverts correspondra aux besoins recensés par les services, et non pas au nombre d’agents titularisables. Il y a là un manque d’ambition évident.

Il ne pourrait d’ailleurs pas en être autrement sans sortir de la logique de la RGPP, dont les conséquences en termes d’emplois sont désastreuses. En 2013, dans la seule fonction publique d’État, 100 000 emplois seront supprimés du seul fait de l’application de la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

Pourtant, la pertinence des services publics comme moyens mis au service de l’intérêt général, pertinence dont nous sommes pour notre part convaincus, exigeait du Gouvernement qu’il titularise tous les agents publics.

En ne proposant qu’une titularisation très partielle, vous poursuivez, monsieur le ministre, dans la même direction, celle de la réduction à tout crin de la dépense publique. Vous continuez à ne considérer les services publics que comme des coûts, alors qu’ils sont la richesse de notre pays et constituent des investissements pour la société de demain.

Du fait de ces insuffisances, plus des deux tiers des agents concernés ne bénéficieront ni de la titularisation ni de la CDIsation. Nous sommes donc bien loin des précédents plans de titularisation dont avaient pris l’initiative Michel Sapin et, il y a un peu plus longtemps, Anicet Le Pors.

S’agissant des mesures destinées à endiguer à l’avenir le recours aux emplois contractuels, nous doutons de leur efficacité. Comment pourraient-elles avoir de réels effets quand les obligations dont il est fait mention dans le projet de loi ne sont assorties d’aucune sanction ?

De la même manière, monsieur le ministre, vous avez considéré que les agents recrutés en CDD dont le contrat a été renouvelé deux fois devaient pourvoir prétendre à un CDI. C’est certes positif pour les agents, mais sans pour autant être pleinement satisfaisant. En effet, certains employeurs seront tentés de recruter systématiquement des agents publics différents, toujours en CDD, pour accomplir une mission qui relèverait en réalité d’un poste permanent.

Sans doute aurait-il été utile de prévoir un mécanisme fondé à la fois sur le contrat de l’agent, comme cela est le cas, et sur le poste lui-même, en associant les organisations syndicales, notamment au travers des comités techniques.

Vous le constatez, mes chers collègues, ce projet de loi ne nous satisfait pas complètement, car il ne rompt pas avec la conception rabougrie de la fonction publique que nous rejetons. C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé de nombreux amendements, ayant notamment pour objet d’assurer une meilleure prise en compte des personnels en situation de handicap, qui ont été évoqués par les deux orateurs précédents, en favorisant et en accélérant leur titularisation.

Vous considérez, monsieur le ministre, la fonction publique comme un problème et ne voyez en elle qu’une dépense qu’il faut contenir.

M. François Sauvadet, ministre. Mais non !

M. Christian Favier. Nous, nous la considérons comme un « bien universel », qu’il faut consolider et développer, en même temps que comme une chance pour notre pays.

Pour autant, le groupe CRC ne peut se résoudre à priver les agents concernés – hélas ! trop peu nombreux à notre avis, je le répète – de mesures qu’ils attendent à titre personnel, ce qui le conduira à s’abstenir.

Les organisations syndicales ont annoncé que ce projet de loi n’était qu’une étape et qu’elles continueraient à se mobiliser pour sortir tous les agents publics contractuels de la précarité dans laquelle ils sont enfermés. Nous partageons leur analyse et nous serons, bien sûr, à leurs côtés.

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