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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les ventes aux enchères sous les fourches caudines de la directive Bolkenstein

Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques -

Par / 28 octobre 2009

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui un sujet important, celui de la place de la France sur le marché de l’art et de la culture.

En 2000, la réforme ayant conduit à différencier les ventes aux enchères judiciaires et les ventes aux enchères volontaires avait été très largement dictée par la société commerciale anglo-saxonne Sotheby’s, laquelle avait saisi, dès le 1er octobre 1992, la Commission européenne sur la base de l’incompatibilité de la réglementation française avec le principe de la libre prestation des services consacré par l’article 59 du traité de Rome. En conséquence, le 16 mars 1995, la France avait été mise en demeure par la Commission européenne d’adapter sa législation relative à l’organisation des ventes volontaires et à la profession de commissaire-priseur.

Aujourd’hui, la proposition de loi de MM. Marini et Gaillard franchit une étape supplémentaire, en appliquant, cette fois-ci, la directive « services » – devenue célèbre sous le nom de directive « Bolkestein » – à l’activité des ventes volontaires aux enchères.

Les quarante articles de la proposition de loi visent, selon les auteurs eux-mêmes, à « introduire plus de concurrence et plus de dynamisme sur un marché qui s’est trop longtemps assoupi et qui semble encore souffrir d’une certaine langueur, sans que l’ouverture introduite par la loi du 10 juillet 2000 ait véritablement porté ses fruits ».

Comme en 2000, l’influence des deux grandes sociétés internationales de ventes aux enchères que sont Christie’s et Sotheby’s n’est pas loin. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre connaissance des propos de leurs représentants respectifs en France, le premier saluant de grandes avancées et le second se félicitant d’une modernisation du marché attendue depuis longtemps.

En effet, sous couvert de vouloir redynamiser le marché de l’art en France et tout en se référant à la directive européenne comme ligne intangible, ce texte ne semble être qu’une commande de ces deux grandes maisons. Jouissant déjà d’une position de domination absolue – les chiffres, cités tout à l’heure par Mme le rapporteur, parlent d’eux-mêmes –, elles tireront un énorme profit de la réforme. Elles pourront ainsi obtenir des droits, dont elles disposent déjà à New York ou à Londres, notamment la possibilité d’être mandatées pour vendre de gré à gré, et elles viendront concurrencer directement, sur leur terrain, les galeristes et antiquaires, quelque 15 000 petites entreprises qui maillent le territoire d’une économie artistique et culturelle fort ténue.

Il est donc bien difficile de croire en cette réforme. Non seulement la proposition de loi visant à la mettre en œuvre n’astreint, de fait, à aucune étude d’impact, mais, de plus, les galeristes et les antiquaires, qui brassent pourtant l’essentiel du volume d’affaires du marché, n’ont pas été sérieusement auditionnés. En l’absence d’informations aussi cruciales, il est bien difficile aussi de croire que MM. Marini et Gaillard aient trouvé des réponses précises permettant en outre de « redynamiser » le marché de l’art français.

M. Philippe Marini. Pourquoi tant d’incrédulité, ma chère collègue ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il est bien difficile encore de croire que la commission ait pu mener à bien une telle expertise, bien qu’elle ait profondément remanié le texte. En effet, sans vouloir remettre en cause la rigueur et l’ampleur du travail effectué, je rappelle que Mme le rapporteur a avoué elle-même avoir dû se plonger dans le sujet en quelques semaines.

Par ailleurs, si la proposition de loi était votée, il serait possible de tout mettre aux enchères : une simple déclaration, qui se substituera à l’agrément, suffira pour organiser des ventes, alors qu’à présent, il faut respecter des règles strictes afin de former une société dont l’agrément est soumis au Conseil des ventes volontaires, autorité de régulation. Désormais, personne ne vérifiera les assurances, et les opérateurs ne seront plus tenus de s’adjoindre un commissaire aux comptes.

La multiplication des acteurs et l’amoindrissement des règles de contrôle engendreront très certainement un grand nombre de dérives, alors même que la majorité n’est pas capable de s’entendre sur les prérogatives dont sera doté le Conseil des ventes volontaires. Il est toutefois curieux que, après avoir voulu mettre fin à une sorte de monopole, on crée délibérément une concentration du marché dans les mains de quelques-uns.

À notre sens, ce texte, qui prétend vouloir relancer le marché de l’art en France en dérégulant le fonctionnement des mises aux enchères, provoquera l’effet inverse en se calquant sur le modèle anglo-saxon et en niant les spécificités culturelles de notre pays.

Les marchands d’art, à la différence des salles de ventes, ne sont pas qu’une simple interface entre le vendeur et l’acheteur : ce sont des professionnels investis dans un champ particulier qu’ils connaissent bien. Ils ne sont pas soumis à des exigences de rentabilité immédiate, bien au contraire : leur travail est un long processus consistant à repérer des artistes, même méconnus, à acheter leurs œuvres, à les valoriser, à informer les clients, à conseiller les collectionneurs. Au-delà de cette activité apparemment mercantile, les marchands d’art remplissent un rôle éducatif et culturel auprès du public ; ainsi, c’est grâce à quelques marchands français que Paris est devenue la capitale du dessin.

Le fait de placer le marché sous le contrôle des grandes maisons de ventes tendra, au contraire, à une uniformisation des goûts et au lancement d’artistes éphémères, considérés uniquement en tant qu’objets de pure spéculation.

Par conséquent, même si la commission a décidé de revenir sur certaines dispositions du texte initial, comme la suppression des commissaires-priseurs judiciaires, cette proposition de loi est une application doctrinale de la directive européenne « services » et dérégule un marché spécifique au profit d’une poignée de grosses sociétés. Nous ne pouvons donc que voter contre !

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