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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire

Par / 10 novembre 2005

Monsieur le garde des sceaux, je comprends que vous appréciiez la sérénité du Sénat et ses débats décalés tandis que le Gouvernement décrète l’état d’urgence, avec les conséquences que l’on sait sur les libertés. Alors que vous donnez des instructions aux magistrats afin qu’ils ne soient pas trop laxistes, je trouve, pour ma part, très utile que le Sénat se préoccupe des budgets dévolus à la justice.

Cela étant, le rapport qui nous a été présenté est très intéressant. De quoi est-il question ? De l’explosion des frais de justice, de la « sortie » des juridictions administratives de la mission « Justice », de la déconcentration des crédits au niveau des cours d’appel et de la mesure de la performance dans le domaine de la justice judiciaire.

A titre liminaire, je tiens à vous faire part de mon inquiétude face à l’obsession du Gouvernement de vouloir à tout prix apprécier la performance dans le domaine de la justice. Cela s’est notamment traduit par le projet d’instaurer une prime aux résultats pour les magistrats, à laquelle nous nous étions totalement opposés.

Aujourd’hui - sans doute le tollé a-t-il été trop important - nous n’entendons plus parler de cette prime aux résultats. Mais le fond demeure : culture de gestion et mesure de la performance sont devenues les maîtres mots du budget de la justice.

Les magistrats eux-mêmes s’inquiètent de cette difficile mesure de la performance et se sont interrogés, lorsqu’ils ont été entendus par le rapporteur, sur la signification des « indicateurs de qualité » s’agissant des décisions juridictionnelles. Nous partageons leurs interrogations et craignons aussi que le non-respect de ces indicateurs de performance ne soit sanctionné par une réduction des moyens. Nous aimerions, monsieur le garde des sceaux, être rassurés sur ces points.

J’en viens maintenant aux deux points qui ont particulièrement attiré notre attention dans ce rapport, à savoir l’explosion des frais de justice et la « sortie » des juridictions administratives de la mission « Justice ».

Les frais de justice ont en effet explosé ces dernières années. La justice souffre globalement d’un manque de moyens, ainsi que tout le monde ne cesse de le souligner, et les frais de justice en absorbent une grande partie.

Quelles sont les causes de ce phénomène ? Le rapport en relève deux.

La première serait l’attente toujours plus grande des citoyens à l’égard de la justice. Ils demandent que de plus en plus de moyens soient mis en oeuvre en matière d’investigation et de « recherche de la vérité ». Quoi de plus normal ? Il est difficile d’aller contre la volonté des citoyens en la matière.

La seconde cause de l’augmentation des frais de justice serait l’évolution de la législation qui, comme le dit M. le rapporteur, « n’est pas sans incidence sur celle des frais de justice ». C’est le serpent qui se mord la queue !

En effet, il est souligné à plusieurs reprises que ces frais connaissent une forte augmentation essentiellement depuis 2002, notamment en raison des nombreuses lois pénales qui ont été votées durant cette période. Chers collègues de la majorité, pourquoi votez-vous tant de lois pénales ? Seriez-vous schizophrènes ? (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Citons quelques chiffres qui illustrent ce propos. Les frais de justice ont augmenté de 22,87 % en une seule année, entre 2003 et 2004. Par ailleurs, les frais pénaux représentent à eux seuls 74 % des frais de justice.

Parallèlement à ce constat chiffré, le rapporteur énumère les lois qui ont une incidence sur ces frais : la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence - va-t-on critiquer le fait que l’on se soit attaché à la présomption d’innocence ? Ce n’est d’ailleurs pas cette loi, sur laquelle le Parlement est revenu, qui va nous coûter de l’argent - la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure, la loi du 3 février 2003 relative à la conduite sous l’emprise de stupéfiants et, enfin, la loi Perben II du 9 mars 2004.

Le rapporteur prend également comme exemple le fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui ne cesse de subir depuis sa création en 1998 de multiples extensions de son champ d’application, ce qui entraîne bien évidemment une augmentation des frais. Cela va continuer avec la multiplication des fichiers.

Un certain nombre de problèmes se trouvent ainsi posés.

Tout d’abord, il n’est pas acceptable qu’en 2004 environ 90 % de l’augmentation des crédits consommés pour le fonctionnement des services judiciaires aient été dévorés par la majoration des frais de justice.

Ensuite, il est incompréhensible que le Gouvernement ne prenne pas en compte cette réalité pour réajuster le budget de la justice pour 2006. En effet, depuis l’exercice 2003, la sous-évaluation des frais de justice est incontestable, et nous la constatons une fois encore pour 2006. Le Gouvernement a fixé son évaluation des frais de justice à 370 millions d’euros, alors que ces frais se sont élevés à 419 millions d’euros en 2004 et que leur progression annuelle est d’environ 20 %. C’est incroyable !

C’est pourquoi je ne me réjouirais pas aussi vite que le rapporteur de la progression régulière du budget de la justice, puisque cette progression est finalement absorbée par des frais sous-évalués.

M. Roland du Luart, rapporteur. C’est ce que j’ai dénoncé !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dois-je rappeler que la France se classe au vingt-troisième rang européen en termes d’effort consenti pour le budget de la justice ? Il n’y a pas de quoi se glorifier ! Bien que, cette année, il soit encore en progression, nous ne pouvons que regretter les choix budgétaires qui sont faits.

Je prendrai l’exemple du nombre de postes de magistrats. Nous sommes loin d’atteindre les objectifs fixés par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002. Le nombre de postes effectivement crées pour 2006 est de 263, ce chiffre correspondant à la différence entre les emplois existant en 2005 et ceux qui sont prévus pour 2006, ce qui est bien insuffisant au regard des besoins dans les juridictions, que tout un chacun ne cesse de souligner. Ce n’est pas ainsi que l’on réduira les délais dans lesquels sont rendus les jugements ! C’est pourtant l’une des préoccupations du Gouvernement et de sa majorité.

Je n’évoquerai pas les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse - surtout en ce moment ! - puisque les moyens de prévention fondent au profit des moyens de répression.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, comment faire ? Cessons de multiplier les lois pénales qui brouillent et la loi et les moyens !

Dernier exemple en date : la mise en place du bracelet électronique, adoptée par le Parlement dans le cadre de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales qui sera votée sous peu, n’est pas budgétisée.

Monsieur le garde des sceaux, n’avez-vous pas déclaré : « Je me débrouillerai pour avoir l’argent ». Ah bon ! On se débrouille pour trouver l’argent, mais il ne faut pas dépenser trop !

Le rapporteur préconise pour sa part de faire en sorte que, désormais, les magistrats connaissent le coût des mesures qu’ils diligentent. Cela devrait d’ailleurs s’appliquer à toutes les lois que nous votons. Il est donc proposé de faire appel à la concurrence, pour diminuer les coûts. En général, c’est le contraire, la concurrence coûte plus cher.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Ce n’est pas vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je préférerais, à l’instar de mon collègue Pierre-Yves Collombat, que l’on parle, même si le service public n’existe plus, d’ « obligation de service public ». Ce serait plus intéressant.

Mon groupe a catégoriquement critiqué la LOLF.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne sais pas comment vous l’expliquer ! Etes-vous pour l’opacité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai donc aucun problème pour critiquer la méthode qui consiste, lorsque l’on voudra augmenter les dépenses sur un programme, à réduire les crédits sur un autre programme au sein de la même mission.

Je souhaiterais maintenant intervenir sur le deuxième point qui a particulièrement attiré mon attention : la « sortie » des juridictions administratives de la mission « Justice ».

Alors que, jusqu’à cette année, les juridictions financières que sont la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes relevaient de Bercy et que les juridictions administratives relevaient du ministère de la justice, à partir de 2006, elles relèveront toutes du ministère de l’économie et des finances.

Au-delà des problèmes que cela peut engendrer entre les élèves de l’Ecole nationale de l’administration et ceux de l’Ecole nationale de la magistrature, il en est un de principe : je crois à l’indépendance de la justice et je regrette profondément que la juridiction administrative, dont l’indépendance a pourtant été reconnue, ne relève plus de la Chancellerie. J’aimerais, sur ce point également, obtenir quelques éclaircissements ; j’ai l’impression que l’on fait là une erreur.

Telles sont, monsieur le garde des sceaux, les remarques que je voulais formuler sur ce rapport, au demeurant fort intéressant et dont nous aurons l’occasion de reparler au moment de l’examen du budget de la justice.

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