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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi sur la Corse (nouvelle lecture)

Par / 12 décembre 2001

Intervention générale de Robert Bret

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes cher(e)s collègues,

Beaucoup a déjà été dit sur le projet de loi relatif à la Corse. Une question et une seule me préoccupe fondamentalement : comment faire prévaloir l’intérêt de la Corse et de sa population.

Faire prévaloir l’intérêt des habitants de la Corse et de la Corse n’est d’ailleurs pas une sinécure sur fond de procès et de violence persistante, avec, avant-hier encore, l’assassinat d’un nationaliste.

Le gouvernement, comme l’opposition parlementaire ont, tout au long de ces discussions, repoussé notre proposition de consultation qui visait justement à associer étroitement la population corse au processus.

Au nom d’arguments constitutionnalistes de circonstance, l’élément clé, la démocratie, qui aurait pu dynamiser le processus de Matignon et adapter au mieux le projet de loi à la réalité et aux besoins de la Corse, a été repoussé.

Comment s’étonner que les préoccupations politiciennes soient dominantes dans le débat, alors que des échéances électorales importantes approchent. Ce qui explique, entre autre, que la commission mixte paritaire ait échoué.

Avant même que l’on examine les textes votés dans les deux Chambres, le président, Bernard ROMAN, voulait constater immédiatement l’échec de la CMP, dès lors qu’aucun accord ne pourrait être trouvé sur l’article premier. Et de son côté, François FILLON se déclarait défavorable à un examen de ses articles par la CMP.

Monsieur le Rapporteur, malgré votre volonté constructive, le texte de l’Assemblée Nationale était rejeté par six voix contre quatre voix pour et celui du Sénat, par six voix contre, une abstention et trois voix pour.

C’est pour cette raison, qu’à l’occasion de cette seconde lecture devant le Sénat, je n’ai pas souhaité, avec mes amis sénateurs communistes, déposer à nouveau des amendements comme lors de la première lecture. A vous de prendre vos responsabilités, cher(e)s collègues de la majorité, expliquez-nous pourquoi vous êtes amené à déposer à nouveau vos amendements de première lecture, alors que vous aviez la possibilité de les faire voter en CMP.

Pour nous, les données ne sont plus les mêmes, d’autant qu’à la sortie de la seconde lecture par l’Assemblée Nationale, les termes du débat ne sont plus tout à fait les mêmes.

Des progrès significatifs ont été, selon nous, effectués dans trois directions.

Premièrement, l’article premier, relatif au transfert de compétence législative et réglementaire a subi une modification non négligeable à l’initiative des députés communistes.

Nous pensons toujours que le pouvoir législatif doit demeurer l’apanage du seul parlement national.

Cependant, à défaut d’obtenir la suppression du paragraphe I de l’article premier qui concerne la nouvelle procédure d’expérimentation législative, nous avons obtenu que, pour le moins, qu’une commission de chaque assemblée organise une évaluation continue de cette expérimentation avec possibilité de remettre en cause telle ou telle disposition d’ordre législatif décidée par l’Assemblée territoriale corse

Nous entendons bien les critiques et les réserves de Monsieur le Rapporteur qui évoque l’article 43 de la Constitution. Mais ne serait-il pas de meilleur aloi d’appuyer cette disposition constructive plutôt que de conserver une position tranchée inefficace.

Toujours sur l’article premier, je regrette, Monsieur le Rapporteur, que vous n’ayez pas maintenu votre position avancée devant la commission mixte paritaire, de dissocier les mesures d’expérimentation législative et les mesures d’adaptation réglementaire dont vous ne demandiez plus la suppression.

Outre le fait que votre attitude rejoignait celle affirmée par les sénateurs communistes lors du débat en première lecture, elle s’avérait positive par sa recherche d’un compromis utile.

Vous avez préféré, aujourd’hui, revenir à une attitude de confrontation et je le regrette.

Deuxième amélioration importante du texte qui a fait couler beaucoup d’encre : la réduction significative de la portée de l’article 12 relative à l’urbanisation du littoral corse.

Grâce aux propositions des députés communistes et verts, les appétits des bétonneurs et spéculateurs immobiliers ne pourront être satisfaits. Le débat avait montré, en effet, les risques importants qui existaient et le dépit de Monsieur ROSSI et des milieux d’affaires ne peut que conforter notre appréciation positive de l’évolution du débat sur ce point.

Bien entendu, il ne s’agit pas de fermer la porte à toute évolution permettant le développement économique de l’île dont le tourisme est une composante importante.

Mais ce rappel d’ordre écologique doit mettre en évidence que ce développement doit s’appuyer sur bien d’autres facteurs.

Là encore, je m’étonne, Monsieur le Rapporteur de votre refus de prendre en compte cette avancée qui permet d’ouvrir une phase de réflexion pour allier respect de la nature corse, patrimoine national de premier ordre, et essor touristique.

Diversifier les sources de développement est l’objet de la troisième avancée significative. Le plan d’investissement économique destiné à rattraper les retards structurels dont souffre la Corse - retards qui hypothèquent tout développement de l’île - a été précisé.

L’article 46 a, en effet, été complété par une description des modalités d’application de ce plan.

Le nouveau texte prévoit, en effet, qu’une convention-cadre portant sur la totalité de la durée du programme et une première convention d’application seront signées dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi. L’effort public sera sur une durée de quinze ans de 12 à 13 milliards de francs, outre la CTC. Y seront associés les conseils généraux et les grandes agglomérations.

Je tiens toutefois à exprimer une nouvelle fois le regret que le plan d’investissement n’ait pas constitué l’enjeu essentiel du débat et n’ait été jusqu’alors qu’un élément subalterne de la discussion, alors que les élus corses et la population, attendent beaucoup de ces décisions.

J’aurais également, une nouvelle fois, souhaité que le montant du PIE n’ait pas était notifié dans le texte.

Oui, cher(e)s collègues, l’Assemblée Nationale a sensiblement amélioré le texte. Les modifications intervenues aux articles 1, 12 et 46 auraient pu même amener les députés communistes à approuver le projet de loi ainsi modifié.

Mais des doutes et réserves demeurent sur un certain nombre d’aspects du texte.

Une interrogation forte demeure sur le devenir du service public en Corse, qui dépasse le cadre de la seule collectivité territoriale en question.

Elle est au cœur même du débat sur la décentralisation en cours aujourd’hui en France. Cette interrogation concerne aussi, par exemple, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité qui doit être débattu les 8, 9 et 10 janvier prochains. Je pense au transfert de compétences vers les régions. Ce débat n’anticipe-t-il pas le débat sur les formes futures de la République dans l’Europe ?

Quelle est la frontière entre la nécessaire décentralisation, outil de démocratie qui permet de rapprocher le citoyen des centres de décision et aux élus d’être acteurs, mais aussi réellement décideurs, et la rupture de l’unicité du service public, socle de la République ?

Cette unicité du service public garantit le traitement le plus égal possible des habitants de notre pays, où qu’ils se trouvent, dans des domaines aussi divers que l’éducation, la sécurité, la solidarité, l’environnement, la santé ou les transports.

Quoi qu’on en dise, la poussée fédéraliste et de grande poussée fédéraliste qui s’appuie précisément sur un pouvoir accru des régions en faveur d’une cohésion européenne au détriment de la cohésion nationale.

Le projet qui nous est soumis permet-il de garantir à l’avenir la permanence du service public ? Il est possible d’en douter, car la Corse est particulièrement exposée à une poussée libérale, appuyée par des fonds d’origine mafieuse, qui espère investir des services publics gérés aujourd’hui par le secteur public.

Lors de la première lecture, j’avais mis en évidence les dangers qui pèsent sur les fonctionnaires d’Etat affectés à la gestion des forêts. Rien ne pourra empêcher à l’avenir l’intervention de sociétés privées avec les risques pour la préservation du service public.

L’inquiétude des personnels est grande et nous regrettons la distance avec laquelle leurs demandes d’éclaircissement sur leur avenir ont été traitées.

Ces menaces qui pèsent selon nous sur le devenir du service public ne sont pas en contradiction avec le second aspect négatif du texte : celui des exonérations fiscales en faveur des entreprises. Chacun s’accordera sur la nécessité d’inciter l’investissement en Corse qui ne coule pas de source, du fait de l’insularité et des 25 années de désordre, d’assassinats, de dérive mafieuse.

Il est frappant d’ailleurs de constater qu’il s’agit du seul point sur lequel un consensus entre le gouvernement et la droite est intervenu. Le travail a été précis et efficace, je dois le reconnaître. Mais si les futurs avantages sont clairement précisés, rien n’a été prévu pour garantir la création d’emploi, ni même pour assurer le contrôle du devenir de ces fonds publics. La mise en place de la Commission régionale (et nationale) de contrôle des fonds publics prévue par la loi dite HUE s’impose.

Il y a bientôt un an que la loi du 5 janvier 2000 a été promulguée. Il faut que la circulaire soit publiée au plus vite.

Monsieur le Ministre, nous n’approuvons pas ce nouvel engagement de la collectivité au profit des entreprises par le biais notamment de l’élargissement du crédit d’impôt, sans contrepartie en faveur de l’emploi.

Nous espérions que le gouvernement avait tiré les leçons de ce genre de pratiques qui a déjà, depuis plus de 20 ans, prouvé son inefficacité en matière de lutte contre le chômage.

N’est-il pas révélateur de constater l’impatience de certains sénateurs de la majorité sénatoriale pour ce qui concerne le volet fiscal du projet, alors que par ailleurs, leur hostilité au texte est clairement affichée.

Les sénateurs communistes s’opposeront, une nouvelle fois, sans ambiguïté aux amendements de la Commission des Lois tendant à accroître encore plus de champ d’application aux exonérations fiscales.

Dernier point du projet qui nous préoccupe, l’enseignement de la langue corse. Je tiens à réaffirmer en seconde lecture l’attitude des sénateurs communistes en faveur de la généralisation de cet enseignement, mais à l’affirmation de son caractère optionnel.

Les langues régionales sont un atout pour notre pays. La richesse du français provient de la diversité de ses origines linguistiques.

Leur enseignement doit donc être accepté, encouragé et développé. Mais dans le même temps, nous ne souhaitons pas que la langue française pâtisse de cet essor à l’heure où tant de menaces pèsent sur son avenir.

Pour conclure mon propos et le résumer, nous approuvons aujourd’hui l’évolution du texte après la seconde lecture du texte à l’Assemblée Nationale. La discussion a, selon nous, commencé à rééquilibrer le texte en faveur des vraies priorités.

Nous prenons au positif que M. ROSSI et les leaders nationalistes se sentent dessaisis de ce texte. C’est pour nous un bon signe car la domination de l’axe libéralo-nationaliste sur le processus le menait tout droit à l’échec.

J’avais, à l’occasion de la première lecture, exprimé doutes et interrogations à ce sujet.

J’avais regretté l’emprise du débat institutionnel, alors que la population corse attend des mesures pour le développement de l’île.

Pour autant, comme je l’ai indiqué, de graves questions ne sont pas résolues et l’objectif de la réforme constitutionnelle de 2004 est incontournable.

Pour toutes ces raisons que je viens de rappeler, ne voulant pas nous prêter au jeu de la droite, les sénateurs communistes ne participeront pas au vote de ce texte.

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