Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Récidive des infractions pénales

Par / 9 février 2005

par Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce texte trouve sa source dans la proposition de loi inspirée par M. Sarkozy et déposée il y a un an à l’Assemblée nationale par MM. Estrosi et Clément pour instaurer des peines minimales en matière de récidive.

 Pour atténuer la cacophonie soulevée par ce texte, le garde des Sceaux a créé une mission d’information, qui a trouvé son aboutissement dans cette proposition de loi. J’observe d’ailleurs que sa discussion est entourée, dans les enceintes parlementaires et à l’extérieur, de discours axés sur les peines minimales.

 Nous approuvons certaines des vingt suggestions formulées par la mission, comme l’abandon des peines automatiques, la fin des sorties sèches de prison ou le renforcement des moyens consacrés à l’application des peines. Hélas ! La proposition de loi ne comporte aucune de ces dispositions ; elle n’a gardé que les mesures relevant de l’affichage politique.

 Alors que la surpopulation carcérale est alarmante, alors que la prison est criminogène, ce texte tend à augmenter mécaniquement le nombre de détenus, puisqu’il introduit l’exécution automatique des peines, limite les sursis avec mise à l’épreuve ainsi que les réductions de peine. Il va jusqu’à modifier les critères de la récidive…

 Et ce n’est pas tout !

 L’article 2 introduit dans la législation pénale une notion utilisée en criminologie : la réitération. La raison en est simple : compte tenu du délai nécessaire pour mettre à jour le casier judiciaire, un juge peut ignorer qu’un prévenu est légalement récidiviste. Plutôt que d’introduire une nouvelle notion juridique aux contours flous, il eût fallu régler le problème à la source : le casier judiciaire tournant au ralenti, un plan d’urgence est aujourd’hui indispensable. À défaut, la difficulté se reproduira : pour appliquer la notion de réitération, un fichier sera indispensable.

 Cessons de créer des fichiers pénaux en dehors du casier judiciaire, qui seul offre les garanties nécessaires… mais qui doit pouvoir fonctionner sans délais, ce que l’informatique rend possible. Tout autre fichier comporte un risque d’erreurs et d’utilisation abusive.

 L’article 3 limite les sursis avec mise à l’épreuve prononçables pour les récidivistes, ce qui est contradictoire avec l’individualisation des peines, qui fonde pourtant notre droit pénal après avoir déjà existé en droit romain. Nous sommes attachés à l’individualisation des peines, malgré les pressions contraires qui se manifestent aujourd’hui. Les circonstances de l’infraction et la personnalité de l’accusé doivent toujours être prises en compte par le juge. C’est pourquoi instaurer des peines automatiques contredit notre philosophie.

 L’article 3 relève d’une observation semblable. Dois-je rappeler que la peine doit aussi permettre la réinsertion de son auteur ? Limiter le nombre de sursis avec mise à l’épreuve mènera inévitablement à plus d’emprisonnements fermes. Alors que, sur tous les bancs des deux Assemblées, on s’accorde sur l’état catastrophique de nos prisons, il est incroyable que vous souhaitiez augmenter les emprisonnements fermes !

 Le sursis avec mise à l’épreuve est un bon moyen de combattre la récidive, à condition d’être suivi strictement par les services d’insertion et de probation. Malheureusement, ceux- ci n’ont pas les moyens nécessaires. Il faut donc renforcer considérablement le nombre d’éducateurs dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation, afin que le suivi des condamnés soit réel.

 La surpopulation carcérale s’oppose également à la détention automatique de certains récidivistes - inscrite à l’article 4 - si le tribunal correctionnel prononce une peine d’emprisonnement sans sursis. Une fois encore, vous entendez faire voter une disposition d’affichage qui ne prend pas en compte la réalité ! Par ailleurs, elle pose un problème en matière d’appel : rien n’est prévu à ce sujet dans ce texte rédigé à la va- vite.

 J’en viens aux dispositions relatives à la surveillance électronique.

 Lorsque nous avons examiné en 1997 la proposition de loi présentée par M. Cabanel pour introduire ce dispositif, mon groupe a exprimé son scepticisme. Non que nous soyons hostiles aux alternatives à l’emprisonnement - au contraire ! - mais la technique ne peut assurer de suivi. Aujourd’hui, quelques 300 personnes seraient placées sous surveillance électronique mobile. C’est dérisoire ! Comment les intéressés ont-ils été choisis ? Il serait intéressant d’avoir un bilan qualitatif.

 Aujourd’hui, on nous propose un dispositif disproportionné. D’ailleurs, notre commission souhaite modifier la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, qui revient à créer une double peine. Cela doit rappeler quelque chose à certains… Un de nos principes les plus fondamentaux veut qu’une seconde peine ne peut être appliquée alors qu’une première peine vient d’être exécutée, sans qu’intervienne une nouvelle décision de justice.

 En effet, le placement sous « bracelet G.P.S. », comme vous dites, est une seconde peine. Un condamné qui a purgé sa peine est censé avoir payé sa dette envers la société. Ici, il reste condamné quasiment à perpétuité, puisque la surveillance électronique mobile peut durer vingt ou trente ans.

 De plus, le fait que la condamnation à une peine d’emprisonnement soit accompagnée d’une décision plaçant sous surveillance électronique dès la sortie de prison signifie qu’aucune prise en compte du comportement du détenu durant sa détention n’aura lieu avant ce placement. Voilà qui s’apparente à une peine automatique. Nous ne pouvons l’admettre.

 Au-delà de son principe même, le dispositif est contestable. Je pense tout d’abord à l’évaluation de la dangerosité de la personne condamnée faite par le juge de l’application des peines. Alors que ce juge a été créé pour permettre d’assouplir l’exécution de la peine, on lui demandera d’évaluer la dangerosité d’un individu et de mettre à exécution une mesure de sûreté ajoutée à la peine. Afin de ne pas voir sa responsabilité engagée en cas de récidive, il préférera dire qu’un condamné continue d’être dangereux même après l’exécution de sa peine. C’est humain, mais la justice n’en sort pas grandie.

 L’intervention d’une commission chargée de donner un avis sur le placement semble parfaitement inopportune. L’Assemblée nationale a au moins eu l’intelligence de supprimer cette commission. En quoi le préfet ou le général commandant la région de gendarmerie étaient-ils qualifiés pour évaluer la dangerosité d’un détenu ? Espérons que nous ne reverrons pas réapparaître cette composition dans le décret d’application !

 Enfin, la création d’une commission administrative introduirait une confusion entre les sphères administrative et judiciaire.

 S’ajoute le secret médical. En effet, le juge de l’application des peines pourra demander l’avis de tout médecin ou psychiatre ayant eu à connaître le condamné.

 Enfin, il convient de s’interroger sur l’intérêt de localiser en permanence un individu. Quelle éthique guide une telle pratique ? Comment croire que la possibilité de localiser un individu 24 heures sur 24 l’empêchera de commettre une nouvelle infraction ? Vous présentez à l’opinion une illusion technologique. Le bracelet électronique, même sophistiqué, n’est qu’un moyen de contrôle : ce n’est ni un éducateur, ni un psychologue. Il ne permettra ni un suivi socio-éducatif ni une réinsertion dans l’intérêt de la société et des victimes.

 Il serait plus efficace d’améliorer l’accompagnement à la sortie dans le cadre du dispositif de libération conditionnelle, ainsi que le suivi socio-judiciaire, en renforçant notamment les effectifs des psychiatres publics. Le bracelet électronique suscitera des coûts considérables, qui ne figurent pas dans la loi de finances pour 2005, et qui auraient été plus utiles pour renforcer les mesures préventives.

 Enfin, l’inscription, sans limitation de durée, des irresponsables pénaux dans le fichier des auteurs d’infractions sexuelles serait extrêmement dangereuse, puisque, par définition, un irresponsable pénal ne peut comprendre les conséquences de son acte. En revanche, un suivi médical continu permettrait d’éviter la récidive. Pour cela, il faudrait que nos hôpitaux publics disposent davantage de moyens.

 Je ne m’attarderai pas sur l’article 16, qui prévoit que cette loi pourra être appliquée à des personnes condamnées antérieurement à l’entrée en vigueur du texte : cette application rétroactive de la loi pénale serait inconstitutionnelle !

 La justice souffre cruellement de l’absence de moyens pour faire exécuter les courtes peines d’emprisonnement et pour mettre en œuvre les peines alternatives à l’emprisonnement. Or, cette carence de moyens est le principal facteur de récidive.

 Nous voterons donc contre ce texte.

Les dernieres interventions

Lois Qui va payer les quotas gratuits sur le marché du carbone ?

Adaptation du droit de l’Union européenne - Par / 9 avril 2024

Lois Le nucléaire, quoi qu’il en coûte ?

Fusion de l’Autorité de sûreté du nucléaire avec l’institut chargé de l’expertise sur le nucléaire - Par / 8 avril 2024

Lois Nouvelle-Calédonie : le dégel du corps électoral ne passe pas

projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. - Par / 3 avril 2024

Lois Confisquons les biens criminels

PPL améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels - Par / 26 mars 2024

Lois L’autorité parentale n’est pas automatique

Proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales - Par / 13 mars 2024

Lois Un statut pour que chacun puisse devenir élu

Proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local - Par / 7 mars 2024

Lois Un vote historique pour inscrire l’IVG dans la Constitution

Liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse - Par / 29 février 2024

Lois Alerte sur l’habitat dégradé

Projet de loi sur la rénovation de l’habitat dégradé - Par / 27 février 2024

Lois Une colonisation de peuplement en Nouvelle-Calédonie

Projet de loi organique pour reporter les élections en Nouvelle-Calédonie - Par / 27 février 2024

Lois Une boîte noire pour les entreprises ?

Garantir la confidentialité des consultations juridiques - Par / 15 février 2024

Lois Coup de pouce pour les communes rurales

Dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales - Par / 13 février 2024

Lois Protéger les enfants, même des parents

Proposition de loi sur les violences intrafamiliales - Par / 6 février 2024

Lois Action de groupe : la conquête entravée du collectif

Proposition de loi sur le régime juridique des actions de groupe - Par / 5 février 2024

Lois Un maire sans argent est un maire sans pouvoir

Vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales - Par / 25 janvier 2024

Lois Ne pas tomber dans le piège des terroristes

Proposition de loi instituant des mesures judiciaires renforçant la lutte antiterroriste - Par / 23 janvier 2024

Lois Outre-mer : une question de continuité intérieure

Débat sur les mesures du Comité Interministériel des Outre‑mer - Par / 10 décembre 2023

Administration