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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Réforme de la prescription en matière civile (deuxième lecture)

Par / 5 juin 2008

Le débat sur les délais de prescription en matière civile est ancien, et les arguments en faveur de leur raccourcissement toujours identique : des délais trop longs sont source d’insécurité juridique, dans un contexte international de plus en plus soumis à la concurrence.

Vous n’avez cessé, madame la ministre, de répéter, pour justifier le passage de trente ans à cinq ans, que notre régime de prescription est isolé en Europe, citant soit l’Allemagne, où le délai est de trois ans, soit l’Angleterre et le Pays de Galles, où il est de six ans. Mais que ne mentionnez-vous l’Italie, la Suisse, la Suède ou la Finlande, où le délai de droit commun est de dix ans ?

En 2001, le rapport de la Cour de cassation suggérait d’abaisser ce délai à dix ans. En 2004, le groupe de travail dirigé par M. Weber, président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, en arrivait à la même conclusion. L’avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription de 2005, issu du rapport Catala, proposait un délai de trois ans, inspiré par Philippe Malaurie, en charge de la rédaction des dispositions relatives au droit de la prescription.

Alors qu’un consensus s’était dégagé autour du délai de dix ans, pourquoi vous obstiner aujourd’hui à vouloir passer à cinq ans, au seul motif que le délai de trente ans serait inadapté à la rapidité croissante des transactions juridiques ? Doit-on sacrifier le droit qu’ont nos concitoyens de se défendre correctement dans le seul but d’assurer une meilleure « compétitivité » ? La longueur du délai de prescription n’ouvre rien de plus au titulaire que la possibilité d’exercer ses droits et ne porte pas, comme vous voulez le faire croire, à la « négligence ».

Et que dire des conséquences de ce texte sur la lutte contre les discriminations. En première lecture, le Gouvernement et la commission des lois avaient préféré garder le silence quant aux implications de ce texte sur les actions contre l’ensemble des discriminations visées par l’article L. 1132-1 du code du travail.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Vous l’aviez gardé vous aussi...

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nous avions évoqué le cas des handicapés et des personnes âgées. Quoi qu’il en soit, on ne pouvait ignorer les tentatives, venant de vos rangs ou des organisations patronales, d’abaisser le délai de prescription à cinq ans en matière de discriminations au travail, à l’instar de l’ancien député Jacques Godfrain qui, dès octobre 2003, déposait une proposition de loi visant à réduire à cinq ans la prescription applicable aux actions en justice fondées sur une discrimination syndicale.

En janvier 2004, le rapport Virville reprenait à son compte cette revendication, tout comme le Medef, qui dans le domaine de la lutte contre les discriminations s’est révélé beaucoup moins frileux qu’en matière de droit commun de la prescription. En mars 2004, dans ses 44 propositions pour moderniser le code du travail, il proposait lui aussi de ramener le délai à cinq ans.

Unique but : éviter aux entreprises que, longtemps après les faits, un salarié réclame en justice réparation d’un préjudice subi en raison d’une situation de discrimination. Ce serait les contraindre, nous dit-on, à conserver les preuves trop longtemps et une action engagée longtemps après les faits prouverait la négligence grave du salarié !

L’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a été l’occasion, pour la commission des lois, de tenter de réparer ce qui nous est présenté comme une « erreur ». Un amendement a été adopté visant à insérer dans le code du travail et dans la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, des dispositions spécifiques à l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination. Si donc l’article 8 de ce texte maintient un délai de prescription quinquennal, il précise que ce délai ne commence à courir qu’au moment de la révélation de la discrimination et n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel, et que les dommages et intérêts doivent réparer l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

Mais bien des problèmes demeurent : la « révélation » de la discrimination reste imprécise alors que la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 mars 2007, l’explicitait. On nous objecte que la doctrine définit la révélation comme « la connaissance du manquement et du préjudice en résultant ». Mais un arrêt unique fait-il à lui seul doctrine ? Pourquoi donc ne pas inscrire cette définition dans ce texte ?

Quant à la rédaction retenue pour l’article 1134-5 du code du travail, elle ne retient que les dommages et intérêts en matière de réparation du préjudice résultant de la discrimination. Ce compromis n’est pas satisfaisant : il envisage la réparation sous le seul angle pécuniaire, en excluant la réintégration, le reclassement, le repositionnement...

Nous vous proposerons donc un amendement à l’article 8, destiné à lever toute ambiguïté.

La rédaction encore imparfaite de l’article 8 finit de me convaincre que la lutte contre les discriminations n’est pas la priorité de ce Gouvernement -la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations hiérarchise par exemple les discriminations et surtout introduit un droit à discriminer les élèves en fonction de leur sexe...

Cette proposition de loi crée un profond déséquilibre en faveur du monde économique, au détriment des titulaires de droits. Au nom d’une plus grande sécurité juridique pour les entreprises, et afin d’assurer, comme le dit si bien M. Malaurie, « le stimulant dont a besoin l’activité économique » ou de retrouver « notre vitalité, condition de la croissance », la majorité et le Gouvernement offrent au monde des affaires un délai de prescription taillé sur mesure.

En revanche, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière est unifiée, la reconnaissance du préjudice subi par les salariés discriminés sera plus compliquée à établir et le champ de sa réparation inférieur à ce qu’il est aujourd’hui. La jurisprudence serait-elle trop favorable aux salariés discriminés ? L’entêtement du patronat m’incite à répondre positivement à cette question.

Notre vote dépendra du sort réservé à l’amendement que nous avons déposé.

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