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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées

Par / 29 juin 2000

par Marie-Claude Beaudeau

Le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, est important. Il marque une étape nouvelle dans la recherche de solutions à une situation qui se dégrade de jour en jour.

Huit mille convoyeurs de fonds sont confrontés à un risque croissant dans l’exercice de leur fonction.

L’angoisse les gagne périodiquement, à l’occasion des obsèques de l’un des leurs. Des luttes importantes sont menées dans la plus grande union, par les organisations syndicales.

De nombreuses réunions interministérielles ont été organisées, notamment dans les trois dernières années, pour préparer les textes réglementaires et législatifs adéquats.

Ce projet de loi constitue une première étape dans l’élaboration d’un projet plus complet et certainement plus efficace.

Actuellement, le chiffre d’affaires du secteur de la sécurité privée est évalué à 15 milliards
de francs. Nous estimons que l’extension de cette activité rend indispensable une réflexion d’ensemble sur la sécurité privée, étant entendu que l’Etat ne devra pas abandonner ses prérogatives régaliennes.

Mais, aujourd’hui, c’est l’efficacité des mesures qui compte pour notre groupe.

La violence a gagné tous les secteurs de la vie sociale, de l’école au lieu de travail. Cette violence se traduit aussi par des morts. Si l’on se réfère aux statistiques publiées par la direction de la police et de la gendarmerie pour l’année 1998 - celles de 1999 devraient être publiées très bientôt - on compte, dans notre pays, 73 morts violentes pour 100 000 habitants, la plupart résultant d’homicides liés aux actes des malfaiteurs entre eux, mais aussi d’homicides ou de tentatives d’homicides accompagnant des vols ou des tentatives de vols avec armes.

Les convoyeurs de fonds paient lourdement le développement de cette violence, de ces meurtres, qui sont le fait de véritables commandos du crime, puissamment armés.

Selon la répartition admise par le ministère de l’intérieur, on relève, pour l’année 1998, suivant les différents types de morts violentes, 39 morts par règlements de comptes entre malfaiteurs, 816 par homicides, dont ceux qui sont commis à l’occasion de vols, et 1 189 tentatives d’homicides pour vols.

Par ailleurs, 12 769 vols avec violence et armes ont été relevés, soit une augmentation de 2 % par rapport à 1997.

Sur ces 12 769 vols avec violence et armes, 50 % sont dirigés contre des établissements financiers et industriels, avec le développement d’un réseau du crime de plus en plus déterminé n’hésitant plus à tuer d’abord pour voler ensuite.

Les crimes contre les convoyeurs de fonds s’inscrivent dans ce bilan. Le problème se pose avec une actualité renouvelée. Jeudi 22 juin, les obsèques à Puget-sur-Argens d’un convoyeur de fonds, dernière victime, ont eu lieu, faisant suite aux assassinats de convoyeurs à Bordeaux le 25 janvier, à Grenoble le 27 avril et à Nanterre le 5 mai.

Ainsi s’instaure un cycle d’attaques qui deviennent mortelles, dignes de la détermination d’un véritable syndicat du crime, puissamment armé. Nous sommes dans un secteur d’activité du crime qui est directement lié au travail et qui fait trop de victimes innocentes et dépourvue, dans un des secteurs les plus nobles de la vie des hommes.

Ces victimes sont en effet innocentes, car choisies au hasard, inconnues de tous les acteurs du drame quelques secondes avant qu’il ne se produise. Devra-t-on continuer à admettre que 8 000 salariés sont menacés de mort du simple fait d’exercer leur droit au travail, pour un salaire parfois dérisoire par rapport au risque encouru ?

Ces victimes sont dépourvues également des moyens de se protéger efficacement.

Il est injuste que d’honnêtes travailleurs deviennent les boucliers vivants de sociétés qui se refusent à les considérer comme des pères de familles ou des citoyens dévoués et ne voient en eux que de simples transporteurs de fonds, ce qu’ils sont à
70 % pour les banques et à 20 % pour les grandes sociétés de distribution.

Il convient donc de se montrer sévère avec les deux grands du convoyage, qui connaissent parfaitement les risques encourus et persistent dans leurs erreurs par simple volonté de profits. Et pourtant, la vie des hommes ne doit-elle pas être le premier paramètre à considérer ?

Le chiffre d’affaires des sociétés de convoyage était, cette année, de
1,729 milliard de francs, en hausse de
3,3 % par rapport à l’année précédente. Parmi ces sociétés, Brink’s-France, filiale du groupe américain, et Ardial-Serve, filiale du groupe suisse USB, réalisent seules 1,350 milliard de francs. Aujourd’hui, elles se doivent de relever le défi que constitue une méthode de gestion donnant priorité à la sécurité.

Je ne me souviens pas avoir jamais rencontré, dans l’énoncé des revendications du monde du travail, celle qui figure sur les pancartes des manifestants des convoyeurs de fonds : " Stop aux assassinats ", et cela dans une France dont on nous vante la modernité, le plaisir de vivre, la douceur des moeurs, la concertation à tous les niveaux.

Je suis intervenue à plusieurs reprises sur ce sujet, vous le savez, monsieur le ministre. Ici même, je vous ai questionné le 5 mai 1998 - en votre absence, c’est
M. Richard, ministre de la défense, qui m’a répondu - sur les conditions d’exercice de cette profession. J’ai également été reçue à plusieurs reprises à votre cabinet, avec les syndicats des convoyeurs de fonds.

Au cours de ces deux années, des réunions, des délégations, des décrets, des promesses ont créé un climat nouveau d’écoute, mais n’ont pas comblé les vides, les insuffisances, et des textes qui font que les crimes continuent d’être perpétrés ont été maintenus.

A la suite d’une longue grève, de premières avancées ont été accomplies telles que l’interdiction du convoyage la nuit, l’amélioration de la qualité des gilets
pare-balles et une certaine amélioration des salaires, même si elle reste faible.

Le décret du 28 avril 2000 a procédé à une première refonte du dispositif réglementaire sur la qualité du blindage des fourgons, ce qui est bien nécessaire, car les agresseurs tirent désormais sans sommation. On peut se demander si, dans certains cas, leur détermination n’est pas de tuer ! Ce n’est plus la bourse ou la vie ; c’est la vie et la bourse !

A ce propos, monsieur le ministre, estimez-vous normal que la vente des fourgons blindés soit libre, ce qui permet aux commandos criminels de tester les blindages ?

Dans un communiqué de presse du 19 mai transmis par une organisation syndicale, nous apprenons qu’une casse de voitures accueille illégalement, et sans aucune surveillance, une dizaine de fourgons blindés dans la banlieue nord de Paris. C’est un terrain d’entraînement idéal pour les braqueurs désireux de tester les blindages.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que cesse ce trafic honteux de fourgons ? Pour 10 000 francs, prix d’achat d’un vieux fourgon, le commando du crime peut tester la résistance des blindages.

Le décret du 20 avril dernier précise bien que le préfet doit être informé de cette vente, mais il semble que beaucoup reste à faire pour que ce décret soit appliqué dans les faits.

Dans ce décret sont également prévues la création de cellules départementales de la sécurité des transports de fonds, de nouvelles sanctions pénales, les modalités d’agrément du port d’armes, la ventilation, la climatisation du véhicule blindé, etc.

Même si certaines dispositions apparaissent encore perfectibles, ce décret constitue une étape dans la reconnaissance d’un métier à risque.

Toutefois, monsieur le ministre, des problèmes demeurent entiers, vous le savez bien, et tout d’abord celui de la définition du métier de transporteur de fonds, incluant la notion d’utilité publique.

Plus généralement, j’estime souhaitable que soit élaboré un statut particulier pour les sociétés de transport de fonds qui les distinguerait des sociétés de surveillance et de gardiennage et les soumettrait à des obligations de transparence. Cette initiative offrirait l’avantage d’intégrer la notion de métier à risque, d’aménager une convention collective adaptée et de qualifier cette profession de sous-traitant du secteur bancaire. En outre, elle clarifierait les relations entre les donneurs d’ordre et les transporteurs de fonds. Enfin, de telles dispositions permettraient à l’institut d’émission d’accomplir pleinement la mission d’entretien et de contrôle de la circulation fiduciaire que lui a confiée le législateur.

D’autres problèmes attendent des solutions, des manifestations de volonté, des engagements de la part des sociétés de convoyage, et notamment Ardial et la Brink’s.

La fixation des horaires de passage doit rester secrète. Trop souvent, le commando du crime connaît l’heure de livraison ou de ramassage. Quelle aubaine ! La routine, le train-train doivent faire place à un peu plus d’imagination.

Les situations sont loin d’être toutes semblables : il existe des lieux de livraison plus sensibles, plus vulnérables. Ne doivent-ils pas être protégés par des forces de l’ordre, surgissant au moment opportun et assurant la protection des convoyeurs, mais aussi celle du public ? La police doit assurer également la sécurité des clients et des employés de la banque, ou ceux du centre commercial. Un service public de sécurité doit être clairement défini et assuré sur le lieu même de l’échange des fonds.

L’utilisation de véhicules banalisés doit être proscrite. Avec des blindages, la protection est loin d’être suffisante mais, sans le blindage elle devient nulle.

Dans la semaine où Jacques Bosetti, de la société Sazias, a été assassiné, cinq attaques sont intervenues sur des véhicules banalisés, dont certains étaient équipés du système HDS d’Axy-Trans : à Meaux, deux attaques sur véhicule équipé de système ; à Nantes, sur véhicule banalisé ; en Haute-Saône, sur un véhicule équipé d’un système ; dans le Val-de-Marne, sur un véhicule équipé d’un système.

J’insiste beaucoup sur la nécessité d’une interdiction du véhicule banalisé, beaucoup plus vulnérable et plus facile à attaquer.

D’autres revendications avancées par les convoyeurs de fonds doivent être satisfaites.

Le seuil financier du transfert, actuellement de 200 000 francs, devrait être abaissé à 30 000 francs.

Dans les fourgons blindés, afin de rendre éventuellement les fonds dérobés inutilisables, les systèmes de maculage préconisés, parfois utilisés dans la période récente, doivent être embarqués.

Les fourgons ne devraient-ils pas également être réservés au seul transfert de fonds, à l’exclusion du transfert des
coffres ?

J’ai réservé pour la dernière partie de mon intervention la question de la mise en place de systèmes nouveaux d’accueil des fourgons sur le lieu de livraison pour le transfert de fonds.

La circulation, l’approche, le stationnement des fourgons devant la banque, le centre commercial ou l’entreprise sont de la responsabilité de celui qui profite de l’intervention, qu’il s’agisse d’apport ou de ramassage de fonds. Doit être exclu le transport piétonnier, qui est un moment de vulnérabilité évidente. Il faut donc aménager un lieu discret, voire caché, et protégé pour l’ouverture du fourgon et des opérations de manutention.

De la même manière que tout équipement public ou privé doit disposer d’un local pour accueillir l’organisation de la sécurité incendie, il faut que, désormais, ce même équipement dispose d’un local protégé pour l’accueil des fourgons et la manutention des fonds.

De la même manière qu’un permis ne peut pas être délivré sans que soient scrupuleusement respectées les mesures prévues pour la sécurité incendie, vérifiées par la commission départementale, il faut que le permis ne soit délivré que si la commission départementale a vérifié la présence d’un dispositif d’accueil conforme.

Le projet de loi va dans ce sens, mais ne s’arrête-t-il pas en chemin ? Les prérogatives des maires sont étendues en vue de réserver des emplacements spécifiques sur la voie publique et de prévoir l’aménagement de locaux protégés pour les opérations décidées par le donneur d’ordre, qui doivent être effectuées en toute sécurité.

Nous l’approuvons tout en souhaitant que les décrets d’application précisent le caractère obligatoire du local sécurisé pour toute construction nouvelle, et donc intégré dans le permis de construire. Cela implique également le dépôt d’un permis de construire modificatif - ou, tout au moins, d’une déclaration de travaux - devant être instruit pour agrément et autorisation par le maire, la direction départementale de l’équipement et le préfet.

Le simple trappon ne me semble pas suffisant, même s’il représente un progrès. Il faut un local spécifique protégé et sécurisé. Les dérogations doivent être limitées à des impossibilités physiques objectives. Elles doivent être strictement exceptionnelles.

Nous voterons ce projet de loi, mais nous serons vigilants quant à la publication des décrets, et le délai de six mois nous apparaît comme un maximum.

Nous n’oublierons pas non plus le rôle de la Banque de France. L’article 5 de la loi du 13 mai 1998 précise en effet : " La Banque de France a pour mission d’assurer l’entretien de la monnaie fiduciaire et de gérer la bonne qualité de sa circulation sur l’ensemble du territoire. "

Les 130 caisses de la Banque de France sont concernées. Les risques ne sont-ils pas accrus par la longueur des trajets, sur lesquels c’est un véritable trésor qui est transporté ?

Monsieur le ministre, l’information des commandos du crime est souvent très précise et explique l’efficacité des actions perpétrées.

Notre groupe votera donc le projet proposé. Il tient cependant à souligner la déconnexion du texte, qui n’est pas nécessairement opportune sur le fond, mais qui se justifie pas l’urgence de la situation.

Nous relevons également l’opportunité des modifications apportées par l’Assemblée nationale quant à l’encadrement du futur décret, s’agissant notamment des sanctions en cas de non-respect des obligations du décret. Il serait néanmoins nécessaire d’aller plus loin dans les obligations imposées aux donneurs d’ordre et d’imposer des contraintes dans les documents d’urbanisme.

De même, à l’échelon de chaque entreprise, un protocole de sécurité doit être discuté, défini et appliqué. Ce serait le meilleur moyen de mener une action réfléchie et coordonnée, action qui pourrait alors se révéler efficace.

Nous souhaitons également que de nouvelles augmentations de salaires, des primes de risque et de nouvelles possibilités de formation soient accordées. Les convoyeurs de fonds seront ainsi mieux reconnus et plus respectés.

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