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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Conditions de détention : création d’une commission d’enquête

Par / 10 février 2000

Intervention générale de Robert Bret

Monsieur le président, mes Lers collègues, la prison fait souvent figure d’univers à part, de sujet tabou qu’on n’évoque qu’avec réticence.

Aujourd’hui, il nous est proposé, avec la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la situation des prisons, de mettre un peu plus au grand jour le quotidien de la vie carcérale.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se réjouissent particulièrement de cette initiative.
Le relatif silence qui entoure traditionnellement l’univers carcéral - M. Badinter le rappelait voilà un instant - est spectaculairement battu en brèche depuis quelques semaines : la médiatisation qui a entouré la publication du livre du médecin-chef de la maison d’arrêt de la Santé offre un contraste saisissant de ce point de vue.

La situation catastrophique des prisons n’est pourtant pas une nouveauté qu’on découvrirait du jour au lendemain au détour d’un livre.

Elle est reconnue et régulièrement dénoncée : surpopulation carcérale, problème d’hygiène, voire de salubrité des établissements pénitentiaires, etc. Les conditions de vie déplorables semblent se perpétuer de décennies en décennies, malgré des améliorations réelles, mais toujours insuffisantes. A tel point qu’à la lecture de certains témoignages, tel celui du docteur Vasseur, on a parfois l’impression d’être revenus un siècle en arrière.
Ce qui a, en revanche, beaucoup changé, c’est la perception citoyenne de ces conditions de vie en prison.
Aujourd’hui, plus personne n’oserait parler de « prisons quatre étoiles », comme on a pu l’entendre dans un passé pas si lointain.

On n’admet plus qu’un homme soit privé de toute dignité dès lors qu’il est enfermé.
On n’accepte plus que la prison soit un espace de non-droit : selon un sondage récent, 44 % des Français considèrent que les détenus ne sont pas bien traités.
Le fait que la quasi-moitié des personnes incarcérées soit en attente de procès a certainement contribué à cette évolution notable du regard sur la prison.

Mais ce changement de perception trouve également sa source dans un changement très net de la population carcérale : produit d’une société marquée par le libéralisme et oublieuse de nos valeurs républicaines, aboutissement d’un processus d’exclusion, la prison est confrontée de plus en plus à l’indigence des personnes incarcérées, à leur détresse sociale et morale, à leur mauvais état de santé - et je ne parle pas seulement ici des toxicomanes et des personnes atteintes du sida.

La création d’une commission d’enquête sur les prisons s’insère dans cette évolution des mentalités. Elle fait plus directement suite à une réelle prise de conscience de la situation dans les prisons depuis un an : des rapports de l’Observatoire international des prisons aux scandales de Beauvais et de Riom, des visites des établissements pénitentiaires de la Réunion, comme cela a été rappelé il y a un instant, à la publication du livre du docteur Vasseur, qui a été une sorte de catalyseur, tous ont contribué à faire sortir le sujet de l’ombre.

On doit sur ce point saluer les initiatives qui ont été prises par le Gouvernement concernant tant les conditions d’hygiène que la prévention des suicides, ainsi que le programme de réhabilitation et de reconstruction du parc pénitentiaire.
C’est en les ayant à l’esprit que nous devons, nous sénateurs, apporter notre contribution.

Néanmoins, lors de la discussion du budget, j’avais souhaité, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, attirer l’attention sur certains chiffres qui, malgré les améliorations, restent particulièrement alarmants : taux de suicides très élevé - plus que la moyenne nationale - taux d’occupation des prisons, taux de récidive.

Ces chiffres, nous les connaissons tous et j’éviterai une énumération fastidieuse à ce moment de notre discussion !
Je garde en mémoire ma visite récente à la prison des Baumettes, avec une délégation de la commission des lois conduite par le rapporteur, notre collègue Georges Othily. Les conditions de vétusté extrême de cet établissement m’ont profondément choqué. Selon le dicton : « il faut le voir pour le croire ! »

Je suis donc particulièrement sensible à la volonté d’opérer un réel état des lieux de la situation des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.
A l’heure où tout le monde s’accorde à dire qu’il faut absolument ouvrir la prison sur l’extérieur et créer des contrôles externes, il me semble que l’initiative de cette commission d’enquête est particulièrement bienvenue, d’autant que nous sommes toujours dans l’attente des conclusions du groupe de travail Canivet sur cette question.

Nous espérons que la commission d’enquête pourra néanmoins bénéficier de ses travaux.
Il nous semble également que la volonté de circonscrire le travail de la commission d’enquête sénatoriale aux conditions de détention dans les prisons constitue une bonne solution. En effet, il est impératif de réaliser un travail approfondi sur l’ensemble des établissements, qui sont au nombre de cent quatre-vingt-trois.

Un champ d’intervention trop large nous empêcherait, à notre sens, d’accomplir un réel travail de fond.
Pour autant, il n’y aurait guère d’intérêt à dresser un simple bilan de l’existant. Sans une réflexion plus générale sur la politique carcérale, cette étude ne permettrait pas de s’attaquer réellement aux problèmes de fond.

C’est bien de rénover un parc pénitentiaire, mais si on continue sur la voie de l’enfermement sans effectuer un réel travail de prévention, les nouveaux établissements risquent d’être rapidement saturés : si ma mémoire est fidèle, la construction de l’établissement pénitentiaire de Fleury-Mérogis devait conduire à la fermeture de celui de la Santé.

Or, la prison de la Santé est toujours là et toujours en situation de surpopulation.
On n’échappera pas non plus à une réflexion sur le sens de la peine privative et les conséquences qui en découlent : alternatives à l’incarcération, réinsertion comme moyen d’éviter la récidive.

Les alternatives à l’incarcération paraissent pouvoir opportunément être mises en oeuvre pour les personnes en attente de jugement. La détention provisoire ne peut pas rester éternellement la règle ; elle est, dans son principe même, contraire à la présomption d’innocence. Cette situation est une des raisons de la surpopulation des maisons d’arrêt.

Les sénateurs communistes entendent bien apporter leur contribution sur cette question lors de la discussion sur le projet de loi concernant la présomption d’innocence.
Plus directement, je souhaite exprimer le souhait que l’on n’occulte pas le personnel pénitentiaire de nos investigations. Je partage sur ce point totalement l’opinion de Mme la ministre, qui a souligné l’interaction entre les conditions de vie carcérales et les conditions de travail des personnels.

Les surveillants, on le sait, sont en nombre notoirement insuffisant et la situation n’est, hélas ! pas vraiment en passe de s’améliorer - je ne reviendrai pas sur les départs massifs à la retraite mal anticipés.
Les surveillants travaillent, on le sait, dans des conditions difficiles. Ils expriment de fortes attentes quant à la revalorisation de leur métier : formation notamment pour les jeunes recrutés, déroulement de carrière, passerelles avec d’autres corps, autant de revendications légitimes qu’il nous faudra avoir en tête.
Les sénateurs communistes se sont également demandé s’il fallait ou non étendre la question des conditions de vie en prison à tous les espaces d’enfermement, au sens de la convention européenne de 1987 pour la prévention de la torture : la situation des prisons ne doit pas nous faire oublier que les libertés publiques sont parfois bafouées dans d’autres lieux comme les locaux de garde à vue, les centres de rétention ou les hôpitaux psychiatriques.

Permettez-moi d’évoquer plus longuement les centres de rétention, sujet qui me tient particulièrement à coeur : il en est un qui se situe à Marseille, ville où je suis élu, et qui a défrayé à maintes reprises la chronique : c’est le centre de rétention d’Arenc.
Découvert au début des années soixante-dix, le centre de rétention d’Arenc, ancienne prison clandestine, se trouve dans un vieil hangar, sur le port autonome de Marseille. Il sert de lieu de transit pour les étrangers en instance de reconduite à la frontière.

D’après les témoignages de personnes ayant été maintenues à Arenc, témoignages confirmés par le CIMADE, le comité intermouvement d’aide aux déportés et évacués, et par des avocats oeuvrant pour garantir les droits les plus élémentaires des personnes ainsi retenues, les conditions de rétention y seraient pires que celles des prisons.

On pourrait penser qu’ils forcent le trait si ce centre n’avait pas été « épinglé » par le rapport européen du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants et par celui qui est publié par le CIMADE pour l’année 1998. Je le tiens à la disposition de la commission des lois.

S’agissant des hôpitaux psychiatriques, on sait également le lien avec la prison : 10 % des personnes qui entrent en prison ont fait l’objet d’un suivi psychiatrique régulier dans les douze mois précédents ; tels sont les chiffres qui nous ont été donnés par le ministère. On sait que de nombreux détenus n’ont pas leur place dans la prison, qui n’est guère adaptée à leur pathologie.

Le rapport Pradier est pour le moins édifiant : il n’hésite pas à parler de « désastre psychiatrique » !
Une réflexion globale doit donc être menée sur la politique d’enfermement. Nous avons été tentés de déposer un amendement en ce sens, en prenant appui sur la convention européenne. Néanmoins, nous avons été sensibles à l’argument selon lequel un champ d’investigation par trop étendu risquerait de réduire l’efficacité de la commission d’enquête. Nous y avons donc renoncé, mais nous souhaiterions que le débat soit rapidement mené, dans le prolongement de la commission d’enquête.

Pour conclure, je voudrais émettre un souhait. Le 3 février dernier, l’Assemblée nationale a créé une commission d’enquête « chargée d’enquêter sur la situation dans les prisons françaises » ; je crains que les deux assemblées ne finissent par se mettre en situation de surenchère s’agissant des commissions d’enquête et ne travaillent en concurrence.

Nous en avons eu un exemple avec les deux commissions d’enquête sur la politique de la sécurité en Corse ; j’étais membre de celle que le Sénat avait créée.
Certes, les deux assemblées n’ont pas les mêmes méthodes de travail et sont susceptibles d’apporter des éclairages différents sur un même sujet. Néanmoins, il existe, à chaque fois, un risque de doublon. Je pense que l’on pourrait réfléchir opportunément à une modification de l’ordonnance n° 58-1100 afin de permettre la mise en place de commissions d’enquête communes aux deux assemblées.

J’espère, en tout cas, que nous retrouverons en l’occurrence les conditions de travail, la qualité et le souci d’être guidés uniquement par l’objet de la commission que nous avons connus pour la Corse.

Compte tenu de ces remarques, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se prononcent avec force pour la création d’une commission d’enquête sénatoriale sur la situation des prisons et ils espèrent qu’elle débouchera rapidement, au-delà du constat, sur des résultats concrets, avec des propositions précises et - pourquoi pas ? - un vote unanime du rapport qui sera établi au terme des six mois de travail intense.

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