Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

La discussion et le vote de la loi

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Budget "ECOLOGIE"

Projet de loi de finances 2011 -

Par / 23 décembre 2010

Intervention en séance publique le 26 novembre 2010

Mme Évelyne Didier. Il est clair que cinq minutes ne permettent pas de faire une analyse correcte du budget, mais je vais néanmoins essayer de soulever quelques problèmes qui me paraissent essentiels.

Nous voudrions, d’entrée de jeu, exprimer notre désaccord concernant le transfert du dossier de l’énergie à un autre ministère. Cette réorganisation, qui manifeste un changement dans l’ordre des priorités du Gouvernement, devrait avoir des incidences sur le périmètre budgétaire futur. Il s’agit d’un accroc de plus au Grenelle de l’environnement, d’autant que la loi de finances marque un recul sur les ambitions affichées dans plusieurs domaines.

Par exemple, nous avons entendu que les subventions aux associations allaient diminuer. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ? L’implication de ces associations dans le Grenelle a pourtant démontré que leur vitalité était nécessaire à la qualité des débats. Elles ont été des piliers dans ce domaine.

Permettez-moi de citer les mots de Bruno Genty, président de France nature environnement : « Le budget 2011 manque de souffle écologique. Pis, il entame une marche arrière. Nous appelons le Parlement à regarder vers l’avenir, qui sera écologique ou d’une couleur bien sombre. Nous ne pouvons plus vivre au-dessus des moyens de la planète. »

Je crois vraiment que nous devons à ces associations un traitement correct.

De façon globale, ces crédits se placent très nettement dans la perspective de la RGPP, donc de la réduction de l’action publique, alors même que l’ensemble des mesures du Grenelle appellent un engagement financier sans précédent.

Ainsi, le ministère de l’écologie a perdu globalement plus de 12 000 postes depuis 2008, dont 3 853 dans le projet de loi de finances pour 2011.

M. Roland Courteau. C’est un signe !

Mme Évelyne Didier. Or moins d’agents publics, cela signifie moins de moyens d’expertise, ce qui nous semble préjudiciable à la réalisation des engagements du Grenelle.

Nous allons atteindre un seuil critique en dessous duquel il n’y aura plus de savoir-faire. Cette perte de capacité et d’expertise est d’ailleurs souvent utilisée pour justifier ensuite un transfert tout à fait dommageable de l’activité publique vers le secteur privé : c’est un comble !

J’en viens aux crédits eux-mêmes, et plusieurs remarques s’imposent à cet égard.

Tout d’abord, comment ne pas déplorer le transfert, qui est symptomatique, même si les sommes en jeu ne sont pas considérables, de 3,7 millions d’euros du programme Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources vers le programme Enseignement supérieur et recherches agricoles ? Même si ce second programme a lui aussi besoin d’être abondé, un tel déplacement de crédits est incompréhensible au moment où le ministère de l’agriculture vient d’annoncer qu’il va débloquer plus de 11 millions d’euros pour les producteurs de tabac. Madame la ministre, il faut savoir faire les bons choix !

Par ailleurs, l’engagement d’un « urbanisme de projet » marque en réalité la reprise en main par l’État de certains territoires clefs, comme en témoigne, notamment, la loi sur le Grand Paris.

À l’inverse, l’État se désengage de ses missions premières, dont le soutien aux communes. À ce titre, je veux évoquer l’inquiétude qu’a suscitée chez les maires du département dont je suis l’élue la réponse donnée par le préfet : alors qu’il était interpellé sur les difficultés d’instruction des permis de construire, celui-ci a reconnu l’incapacité de l’État à apporter aux communes l’aide prévue par la loi. Plus encore, il a justifié cette impuissance par la RGPP et la baisse des effectifs au sein des services de la préfecture !

Au travers de cet exemple, nous voyons bien que la réduction du nombre des fonctionnaires conduit l’État à renoncer à sa mission d’aide aux communes, ce que nous ne pouvons admettre.

Par ailleurs, je m’étonne que la subvention pour charges de service public de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l’ANGDM, soit diminuée, à hauteur de 50 millions d’euros, et que le Gouvernement envisage, pour masquer ce désengagement, d’effectuer un prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement de l’Agence. Cette pratique est totalement inadmissible, même si ce n’est pas la première fois, vous le savez, madame la ministre, que l’État utilise des fonds qui ne lui appartiennent pas. Chacun se rappelle comment il a puisé dans les ressources des agences de l’eau, par exemple.

J’évoquerai également la baisse de la contribution au profit de l’ADEME, qui est censée être compensée par les nouvelles ressources liées à la TGAP. En effet, l’évolution de la fiscalité écologique ne devrait pas servir de prétexte pour diminuer la contribution de l’État aux charges de service public, qui passent de 107 à 82 millions d’euros, d’autant qu’une pause serait la bienvenue en matière de TGAP, pour nous permettre d’y voir plus clair. Le groupe « Déchets » du Sénat demande, à l’unanimité, que soit évalué dès 2011 l’impact de cette taxe et de l’augmentation prévue.

Nous constatons que les politiques successives de libéralisation ont également mis à mal la sécurité de nos approvisionnements énergétiques.

M. Roland Courteau. Eh oui !

Mme Évelyne Didier. L’entreprise EDF est malmenée et obligée de vendre son électricité à moindre coût à d’autres opérateurs. Tout cela se solde, une nouvelle fois, par une hausse des tarifs réglementés. On nous avait affirmé que la concurrence provoquerait des baisses de prix… Ai-je vraiment besoin de préciser que ce n’est pas le cas ?

M. Roland Courteau. Cela n’a jamais été le cas !

Mme Évelyne Didier. Existe-t-il encore une politique publique de l’énergie qui soit vraiment au service de la population ?

M. Roland Courteau. Non !

Mme Évelyne Didier. Pour terminer sur une note positive, je note avec satisfaction la promesse de l’instauration de la taxe poids lourds. Toutefois, madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions à cet égard ? Quand et comment cette imposition sera-t-elle mise en œuvre ? Pour ma part, je considère que le plus tôt sera le mieux.

En tout cas, j’espère qu’il s’agit là d’un engagement ferme, cette taxe permettant de dégager de nouveaux financements pour répondre à l’objectif de rééquilibrage modal qui a été fixé par le Grenelle et dont tous les orateurs qui m’ont précédée ont souligné l’importance.

Parce que les crédits annoncés ne permettront pas de traduire concrètement les engagements du Grenelle, nous ne pourrons approuver les crédits de cette mission. Enfin, madame la ministre, s’il reste un peu d’argent disponible, je vous proposerai volontiers de l’utiliser pour mettre à jour les connaissances de certains de nos collègues en matière d’écosystèmes et de biodiversité ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du gro
upe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Question-réponse

Mme Évelyne Didier. L’année 2010 est l’année internationale de la biodiversité.Le vendredi 29 octobre dernier, un accord multilatéral a été conclu à Nagoya. Beaucoup s’en sont réjouis, peut-être de manière excessive. En effet, non seulement cet accord n’est pas contraignant – ce qui n’est pas sans rappeler les objectifs définis en 2002 en la matière –, mais surtout il ne remet pas en cause la manière de protéger la biodiversité par la protection de petites zones de terre et de mer.

Pourtant, l’une des ambitions du Grenelle consistait, me semble-t-il, à promouvoir une autre logique, visant à restaurer et à développer des continuités écologiques afin de permettre la circulation des espèces et le brassage des populations.

Depuis l’adoption du Grenelle 2, on entend parler un peu partout de trame verte et bleue, ce qui est plutôt une bonne chose. De nombreux projets et plans se sont raccrochés à ce concept, de façon parfois tout à fait opportuniste, en profitant de son flou et des multiples interprétations qui peuvent en être faites.

Il pourrait être réjouissant de voir les acteurs s’approprier cette idée si le manque d’engagement de l’État n’était pas à déplorer. En effet, seuls 3,8 millions d’euros vont être affectés aux trames vertes et bleues. Cela sera-t-il suffisant ? Rien n’est moins sûr !

On aurait pu s’attendre au moins à un maintien des stratégies de conservation traditionnelles, d’autant qu’elles ne sont pas sans liens avec les trames. Or les parcs nationaux se voient imposer une cure sévère. En effet, une lettre ministérielle envoyée aux directeurs des neuf parcs nationaux et à celui de l’établissement public Parcs nationaux de France annonce la suppression de 15 % des crédits et de dix-neuf emplois. On leur demande ainsi de redéployer et de mutualiser. En fait, on leur applique la RGPP !

La création d’une agence de la nature serait sans doute un moyen plus efficace d’arriver à des résultats plus ambitieux en termes de mutualisation s’il s’agit de réduire les dépenses – pourquoi pas ? – sans pour autant mettre en péril ces politiques. Madame la ministre, peut-être nous direz-vous quelle est votre vision à cet égard.

Je note également l’absence de moyens supplémentaires dans le contrôle de gestion des zones Natura 2000. En effet, le ministre Jean-Louis Borloo avait bien expliqué le fond des choses devant la commission des finances en indiquant vouloir « faire appel à la solidarité de la communauté des parcs nationaux ». Il serait tout de même intéressant que vous nous donniez plus de précisions sur ce qu’il faut entendre par cette formule.

Madame la ministre, ma question est la suivante : avec le budget qui nous est présenté, comment pensez-vous parvenir à financer les nouveaux parcs nationaux, notamment les dix parcs marins promis pour 2012, et comment comptez-vous attribuer les moyens nécessaires aux projets de trames vertes et bleues ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur le président, c’est un véritable défi que d’évoquer toute la biodiversité en deux minutes et demie !

Madame la sénatrice, Nagoya n’est pas la fin de l’histoire. Mais il est vrai que cette échéance a été accueillie très favorablement parce qu’elle est porteuse d’une espérance. C’est un accord majeur par lequel a été notamment créé, pour la biodiversité, l’équivalent du groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. La France y a été étroitement associée. Elle se veut responsable et même à l’avant-garde en matière de lutte pour la protection de la biodiversité parce qu’elle est fortement impliquée sur ce sujet, notamment du fait de l’importance de la biodiversité sur notre territoire, en particulier dans les outre-mer.

Plus précisément, quelles actions mettons-nous en œuvre ? Vous avez évoqué la trame verte et bleue. Celle-ci entre en 2011 dans une étape véritablement opérationnelle, après le franchissement d’un stade majeur en 2010 avec la mise en place du cadre d’action, notamment la création du comité national trame verte et bleue.

Nous arrivons à un moment où nous allons pouvoir devenir opérationnels. Des crédits ont été délégués, des emplois ont été identifiés et parfois créés, tels les postes « trame verte et bleue » au sein de chaque DREAL – direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Un centre de ressources est également prévu. Bref, l’année 2011 doit être l’année de réalisation de cet engagement du Grenelle de l’environnement.

Cet engagement a aussi une traduction budgétaire. Vous avez pu juger des efforts engagés sur ce plan depuis trois ans avec un passage de 225 millions d’euros à 275 millions d’euros ainsi qu’avec un certain nombre de projets ou de réalisations en matière de protection.

Vous évoquez également la question des parcs marins. Deux parcs naturels marins ont été créés et cinq autres sont actuellement à l’étude.

Notre action ne se limite pas à la protection des espaces puisque des crédits sont aussi affectés à la promotion de la protection des espèces. Ainsi des moyens sont ajustés à cet effet parmi ceux qui sont attribués aux 1700 sites Natura 2000 et, d’ici à 2013, tous les sites seront dotés d’un document de gestion.

Enfin, un effort particulier est réalisé en ce qui concerne l’identification et la création à la fois des parcs nationaux et des réserves naturelles. Là encore, l’année 2011 sera une année de réalisation pour un certain nombre de projets avec le renforcement raisonné des moyens de plusieurs parcs nationaux – je pense à la Guadeloupe et à Port-Cros –, pour tenir compte de l’extension de leur périmètre.

Ces actions s’inscrivent néanmoins dans un contexte de forte contrainte budgétaire, ce qui explique qu’une partie des nouveaux moyens ou des renforcements de moyens résulteront d’un redéploiement au sein du budget des parcs nationaux. Cela s’inscrit dans une cohérence avec le reste de la politique qui est menée par le ministère. Il s’agit d’être à la fois très solide pour aller au bout des objectifs du Grenelle de l’environnement et très attentif aux deniers de l’État.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour la réplique.

Mme Évelyne Didier. Merci, madame la ministre, de ces explications.

Nous appelons tous de nos vœux la réussite de cette politique. Puisque vous nous indiquez que 2011 va être l’année d’importantes réalisations, nous suivrons celles-ci de près et nous en reparlerons dans un an.

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